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| Mainmise anglaise Sur Constantinople (1920) | |
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L'auteur de ce message est actuellement banni du forum - Voir le message | milguerres
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| Sujet: Mainmise anglaise Sur Constantinople (1920) Dim Jan 19 2014, 23:41 | |
| La Presse (Paris. 1836) 1920/03/07 (Numéro 5259)source GALLICA La conférence de Pénélope L’Accord interallié sur la Turquie remis en question par la mainmise anglaise sur Constantinople texte retranscrit intégralement, en espérant ne pas avoir écorché certains mots bonne lecture !
Les graves nouvelles qui sont venues hier de Londres sur la mainmise que les Anglais préparent sur Constantinople provoquant une vive émotion dans tous les milieux politiques. C’est une nouvelle manière de remettre en jeu l’accord péniblement réalisé la semaine dernière, grâce à l’énergie de M. Millerand pour maintenir le sultan à Constantinople. Il est vrai que les Turcs se sont chargés eux-mêmes de brouiller les cartes et les agissement des jeunes turcs en Thrace, ainsi que les atrocités commises en Cilicie, ont contribué à compliquer la situation. L’expédition du général Normand à Marach s’est trerminée péniblement. Nos troupes sénégalaises auraient eu près de 700 tués et blessés. On se montre très déprimé dans les milieux officiels ottomans en raison du changement d’attitude des Alliés, causé par les massacres de Marach. On caraint que toutes les conditions de paix ne soient encore dans la balance. La nouvelle que l’occupation de Smyrne par les Grecs allait être étendue et que les forces nationalistes de Cilicie avaient reçu l’ordre de déposer les armes avait alarmé le cabinet qui, après une protestation auprès des commissaires alliés, a démissionné. Les nationalistes essaient ouvertement de s’emparer du pouvoir et ils ont empêché le sultan d’appeler un ami de l’Entente pour former le cabinet. Une mise en demeureLes Alliés ont parvenir à la Turquie hier matin, une note rédigée en termes très énergiques. Des mesures décisives suivront, si nécessaires. On télégraphie, à ce propos, de Londres, que l’Angleterre en cas d’expédition, n’aura pas à prélever des troupes sur ses garnisons de la métropole, des forces anglaises très considérables se trouvant à proximité de la Turquie. Ces troupes s’élèvent approximativement à 35 000 hommes. Le New-York Herald annonce que M. Venizelo a réclamé en termes très énergiques, au nom de la Grève, une intervention militaire alliée en Turquie. Est-on d’accord ? Londres, 7 mars L’Observer, à propose de l’occupation de Constantinople par les troupes britanniques, déclare que le gouvernement britannique a été littéralement contraint de prendre cette décision attendu qu’on ne peut attendre que de la crainte un résultat quelconque. La théorie du « gage » préconisée par M. Lloyd George, ajoute ce journal, va être mise à une rude épreuve. Nous serions extrêmement heureux de pouvoir constater que la mesure énergique qui vient ‘être prise aura pour effet de faire entendre raison à Mustafa Kemal. L’Observer, enfin estime que les alliés doivent se mettre d’accord sur les principes d’une attitude commune, vis-à-vis de la Turquie. L’opinion britannique exige que le Conseil Suprême revienne sur sa décision. D’autre part, dit l’Observer, la France qui appuyait les revendications turques a constaté que ses difficultés au lieu de s’en trouver diminuées, se sont accrues. Ce journal assure enfin que la France est actuellement en train de procéder à un nouvel examen de la situation. La crise ministérielle turque Constantinople, 5 mars (source anglaise)On s’attend à une solution de la crise ministérielle pour demain, il est probable qu’un gouvernement sans couleur politique sera constitué. Appel à l’Amérique On mande Washington, au Daily Mail, que la Chambre ottomane a câblé à M. Wilson, le suppliant d’intervenir entre les Alliés et la Turquie, et de charger une mission spéciale américaine d’enquêter sur la réalité des massacres de Cilicie et d’Arménie. ; L’agitation musulmaneOn mande de Calcutta au Daily Mail, que la nouvelle que les Alliés se disposaient à expulser les Turcs de Constantinople émeut profondément les milieux musulmans. On siganle partout la plus vive agitation. Une escadre anglaise à Bizerte. Une escadre anglaise, composée d’un cuirassé, trois avisos, trois cannonières, un croiseur auxiliaire et un pétrolier, est arrivée hier soir à cinq heures, à Bizerte.
Marach, ou l’abandon de la Cilicie par la Francehttp://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=51772 Les Arméniens ne peuvent « oublier ou pardonner la manière dont s’est fait la retraite de Marach [le 11 février 1920] par les soldats français dans la nuit, les pieds des chevaux emballés pour que les Arméniens de la ville ne se rendent pas compte de leur destin avant que les soldats soient sortis de la ville. Et tout ça, après que la France eut encouragé les Arméniens à revenir à Marach et à se battre contre les Turcs. Peut-être que la France, comme les autres Grandes Puissances, doit commencer par accepter sa propre responsabilité ainsi que celle du gouvernement jeune-turc dans cette tragédie que fut l’histoire des Arméniens de 1878 à 1923. » Impossible d’évoquer le Mandat français en Cilicie sans parler, en ce 11 février, de la chute de Marach. Selon Vahé Tachjian, dans « La France en Cilicie et en Haute-Mésopotamie : Aux confins de la Turquie, de la Syrie et de l'Irak (1919-1933)», "le 9 février, le général Querette, commandant des troupes françaises des Territoires de l'Est, et le colonel Normand prirent la décision d'évacuer entièrement la garnison française. Le 11 février, la décision fut mise à exécution et un convoi composé de 4500 soldats et 3000 à 3500 réfugiés arméniens, quitta à la hâte la ville de Marach. Au cours de cette retraite, environ 1000 de ces réfugiés périrent de froid et de faim, sous une tempête de neige. La décision d'évacuer Marach fut l'objet d'une vive polémique dans les ranges du Commandement français. Le siège de Marach par les troupes de Mustafa Kemal avait commencé le 20 janvier 1920. La plupart des 20 000 Arméniens de Marach étaient réfugiés dans les églises ou à la mission américaine. Dès les premiers jours de l'insurrection [turque], les quartiers passés aux mains des insurgés devinrent le théâtre d'atrocités commises à l'encontre de la population arménienne, privée de la protection des soldats français. Des massacres furent perpétrés par la population turque et des bandes armées, et environ 2000 Arméniens périrent. L'église de la Sainte-Vierge, dans laquelle étaient réfugiées des centaines de femmes et d'enfants arméniens, fut assiégée puis incendiée par la foule turque. Tous ceux qui s'y trouvaient y périrent brûlés vifs." .... ….. La révision des traités Le matin du 8 novembre 1922, les habitants des quartiers chrétiens d'Adana, la principale ville de Cilicie, se réveillent brusquement. De partout leur parviennent des cris et chacun se souvient des massacres d'avril 1909 où périrent près de 20 000 personnes. La foule enfonce les portes et se livre au pillage. Tous savent ce qui les attend. L'énergique intervention de Barthe de Sandfort, le délégué français auprès des Turcs, évite le pire. Le calme s'instaure. Pour peu de temps. Dans l'ombre, les dirigeants jeunes-turcs ralliés à Mustafa Kemal attendent le moment favorable pour agir... Il ne restera bientôt plus, dans toute la Cilicie, que quelques centaines de chrétiens. Après l'abandon, le temps de la révision des traités arrive. En 1923, les délégués turcs dictent leurs conditions aux Alliés : c'est le lamentable traité de Lausanne qui, en enterrant... les Arméniens, en fait entérine le génocide ! Cette nouvelle injustice ajoutée à toutes les autres explique encore aujourd'hui l'actualité de la question arménienne. http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=51772 | |
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| Sujet: Re: Mainmise anglaise Sur Constantinople (1920) Dim Jan 19 2014, 23:42 | |
| La Presse (Paris. 1836) 1920/03/08 (Numéro 5260).source GALLICA texte retranscrit à partir de l'original bonne lecture ! L’occupation de Constantinople La campagne britannique pour amener les alliées à se joindre à eux pour brusquer les choses en Turquie continue. On lit dans le Daily Telegraph : Les évènement qui se sont déroulés, avec rapidité démontrent qu’il ne suffit pas aux Américains de se tenir à l’écart des faits du jour… il y a une question où l’honneur national est engagé. L’opinion publique en Grande Bretagne serait unanime pour se ranger aux côtés de la France dans ses opérations en Asie Mineure pourvu qu’elle se déclare disposée à accepter notre concours. On comprend aisément que l’occupation de Constantinople ait causé de la surprise en France et en Italie, surtout si on tient compte du fait que notre action suit de près une mesure analogue prises par l’Angleterre, il n’y pas quinze jours. Il paraît que cette fois nos alliés modifient légèrement leur attitude antérieur ; la France officielle hésite : le sentiment général a complétement changé et les dispositions turcophiles ont donné des signes de déclin. Si la France veut garder intact son prestige en Orient, il faut qu’elle prenne une part active dans n’importe quelle mesure politique, navale ou militaire que la Grande Bretagne pourra prendre. Le point de vue des Italiens et leurs intérêts ne diffèrent pas beaucoup des nôtres, ni de ceux de la France, mais dans les milieux italiens, on manifeste une tendance nette en faveur de l’abstention ou d’une intervention limitée à une action diplomatique. La politique anglaise Le Times de son côté écrit :Nous ne pouvons pas imaginer que les plus ardents amateurs de complications politiques en Europe aient jamais pu rêver d’occuper Constantinople en y envoyant exclusivement des forces britanniques ou qu’une pareille mesure ait pu être décidée sans avoir consulté préalablement les alliés. Au point où en sont actuellement les délibérations, nous ne sommes nullement supris que ces histoires aient donné naissance à des sentiments de défiance à notre égard. Ce sont là les frutis d’une politique de volte-face entachée de faiblesse. Les pays alliés ne veulent pas s’imposer de nouveaux sacrifices en or et en vies humaines, a moins que leur honneur ne soit en jeu. Ils ne consentiront pas à se battre pour sauvegarder les intérêts de quelques financiers internationaux, qui se proposent de démembrer la Turquie d’Asie. La situation à Constantinople Londres 8 marsLe Daily Mail déclare que la sitution en Turquie ne s’améliore pas. Selon des renseignements reçus à Londres, dit ce journal, les bandes antionatistes turques se sont concentrées en Thrace Orientale et l’on dit que les forces de Mustafa Nemal se sont accrues en nombre. Les effectifs alliésLa Chigaco Tribune, déclare que plus de 30 000 soldats britanniques et de 5 000 Français occupent Constantinople, ses faubourgs et les villes voisines. Tous les Alliés sont placés sous les ordres du Général Franchet d’Espérey. Il n’y a pas de contingents italiens, mais on attend des étachements d’infanterie, d’un instant à l’autre. Quant aux Etats-Unis, ils ne perticipent pas à l’occupation de Constantinople. Ils ne sont, en effet pas en guerre, avec la Turquie et ne pourront intervenir dans le traité turc que si le traité de Washington est ratifié par le Sénat. | |
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| Sujet: Re: Mainmise anglaise Sur Constantinople (1920) Dim Jan 19 2014, 23:42 | |
| Les ravages d’une guerre arbitraire Comment l’Empire ottoman fut dépecé par Henry Laurens, avril 2003 source : http://www.monde-diplomatique.fr/2003/04/LAURENS/10102#nh1 Entre 1916 et 1922, l’empire ottoman et ses marches firent l’objet d’intenses tractations entre Français et Britanniques. Après 1918, les Etats-Unis se posèrent en arbitres, au nom du « droit des peuples ». Pourtant, à aucun moment, les populations locales ne furent réellement consultées. Le partage territorial en fut durablement fragilisé. En 1914, les provinces arabes de l’Empire ottoman se trouvaient sous l’influence collective et multiforme des puissances européennes, auxquelles s’ajoutaient les Etats-Unis. Les Jeunes-Turcs, au pouvoir depuis 1908, cherchaient à se débarrasser de ces ingérences permanentes, mais au prix d’un centralisme autoritaire qui suscitait l’émergence d’un mouvement autonomiste arabe prêt à chercher des appuis chez les Européens. La France était la puissance dominante en « Syrie naturelle », grâce à ses investissements économiques et à son rayonnement scolaire et culturel. On en arrivait à parler d’une « France du Levant ». Les Britanniques, qui occupaient l’Egypte depuis 1882, avaient fini par reconnaître -de mauvaise grâce - cette primauté. En entrant en guerre en novembre 1914, les Ottomans entendaient s’affranchir des dominations étrangères et liquider les autonomismes locaux. Dès le début de 1915, la répression frappe les élites politiques arabes (pendaisons, exils en Anatolie). Des populations entières seront martyrisées (chrétiens du mont Liban décimés par la famine, sort tragique des Arméniens et autres chrétiens anatoliens déportés et massacrés). Cherchant à déstabiliser les deux grandes « puissances musulmanes » que constituent les empires coloniaux français et britanniques, les Ottomans appellent à la guerre sainte, au djihad. Les Britanniques s’en tiennent d’abord à un combat défensif à proximité du canal de Suez, tandis que l’armée anglo-indienne commence la conquête difficile de l’Irak à partir de Basra (1). Mais le djihad menace l’Afrique du Nord française (et une partie de l’Afrique noire) et l’Inde britannique. Français et Britanniques se trouvent ainsi en position défensive, et cherchent une nouvelle formule juridique susceptible de rétablir leur ancienne domination. Ils envisagent d’abord de maintenir un Empire ottoman décentralisé, qui serait un protectorat de fait. En attaquant les Dardanelles (1915) pour menacer la capitale de l’Empire ottoman, ils sont contraints d’accepter la revendication russe sur Constantinople et donc de considérer un partage de la région. L’échec sanglant des Dardanelles n’en remet pas en cause le principe. En suscitant un soulèvement du chérif Hussein, émir de La Mecque, ils espèrent mettre fin à la menace du djihad et créer un nouveau front contre les Ottomans. Le haut-commissaire en Egypte, Mac-Mahon, entretient donc une correspondance difficile avec le chérif Hussein pour le pousser à se révolter. Défaillances de traduction et malentendus sur le sens des mots utilisés compliquent encore le texte, déjà ambigu, de la correspondance, créant ainsi un imbroglio dont la solution est remise à plus tard. Un certain nombre d’esprits romantiques du Caire, dont le plus célèbre sera T. E. Lawrence, le futur Lawrence d’Arabie, misent sur une renaissance arabe qui, fondée sur l’authenticité bédouine, se substituerait à la corruption ottomane et au levantinisme francophone. Ces bédouins, commandés par les fils de Hussein, les princes de la dynastie hachémite, accepteront naturellement une tutelle britannique « bienveillante ». Londres leur promet bien une « Arabie » indépendante, mais par rapport aux Ottomans. De leurs côtés, les Français veulent étendre leur « France du Levant » à l’intérieur des terres et construire ainsi une « grande Syrie » francophone, francophile et sous leur tutelle. Comment fixer les limites entre l’Arabie britannique et la Syrie française ? La négociation est confiée au Français François Georges-Picot et à l’Anglais Mark Sykes. Elle dure plusieurs mois, reflétant l’évolution des rapports de forces, et se conclut en mai 1916 par un échange de lettres entre l’ambassadeur de France à Londres, Paul Cambon, et le secrétaire au Foreign Office, Edward Grey (2). Les Français administreront directement une zone allant du littoral syrien jusqu’à l’Anatolie ; la Palestine sera internationalisée (condominium franco-britannique de fait) ; la province irakienne de Basra et une enclave palestinienne autour de Haïfa seront placées sous administration directe des Britanniques ; les Etats arabes indépendants confiés aux Hachémites seront partagés en deux zones d’influence et de tutelle, l’une au nord confiée aux Français, l’autre au sud aux Britanniques. La ligne dite Sykes-Picot, qui divise le Proche-Orient, doit aussi permettre la construction d’un chemin de fer britannique de Bagdad à Haïfa. Russes et Italiens donnent leur approbation à cet accord, dont les Hachémites ne sont informés qu’en termes voilés et confus. Au début de 1917, les Britanniques commencent la conquête difficile de la Palestine. En avril, les Etats-Unis entrent en guerre comme « associés » - et non « alliés » - de la France et de la Grande-Bretagne contre l’Allemagne. La mécanisation croissante de la guerre achève la prise de conscience franco-britannique de leur dépendance envers le pétrole (en 1918, la guerre sera gagnée par les Alliés grâce à un « flot de pétrole »).Le président Woodrow Wilson ne se sent aucunement lié par les accords « secrets » contractés par ses partenaires. Il se pose en défenseur du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, bien qu’il ne soit pas très clair dans son esprit si cela vaut aussi pour les peuples non blancs, comme les « bruns » (les Arabes) et les « jaunes » - pour les « noirs », il n’en est pas question (3). Les Anglais du Caire veulent remettre en cause l’accord passé avec les Français, au moins pour la Palestine, si ce n’est pour le reste de la Syrie. Et ils disposent maintenant de solides appuis à Londres. Ils savent utiliser avec sincérité la rhétorique wilsonienne : sur les ruines de l’Empire ottoman, Arabes, Kurdes, Arméniens, Juifs coopéreront sous la tutelle bienveillante des Britanniques. Sykes utilise dans ce sens le mouvement sioniste, ce qui conduira à la déclaration Balfour du 2 novembre 1917 (4) annonçant l’établissement « en Palestine » d’un Foyer national juif. La stratégie britannique va reposer sur l’occupation du terrain avec l’encouragement donné à la révolte arabe de s’étendre à la Syrie (mais non à la Palestine) et sur une succession de déclarations officielles allant dans le sens de l’autodétermination. Pour Londres, le droit des peuples signifie le droit de choisir la tutelle britannique. Quand des nationalistes arabes radicaux refusent cette domination, ils sont ravalés au statut infamant de « Levantins », qu’ils partagent avec les éléments pro-français (en général des chrétiens). En 1918, la question pétrolière devient dominante. Selon l’accord, la France devrait contrôler la région de Mossoul, où se trouvent d’importantes réserves potentielles, mais les Britanniques, eux, ont les droits de concession. Georges Clemenceau veut bien satisfaire le groupe de pression colonial, mais en se limitant à une « Syrie utile » ne comprenant pas la Terre sainte, mais permettant un accès aux ressources pétrolières. Une trop grande extension territoriale impliquerait de lourdes charges d’administration sans commune mesure avec les revenus que l’on pourrait en tirer. C’est l’abandon de la revendication de la « Syrie intégrale » (on dirait actuellement « Grande Syrie »). Au lendemain de l’armistice, il traite directement et sans témoin avec Lloyd George du partage du Proche-Orient.Dans son journal, le 11 décembre 1920, Maurice Hankey, secrétaire du gouvernement britannique, notera : « Clemenceau et Foch ont traversé [la mer] après l’armistice, et on leur a donné une grande réception militaire et publique. Lloyd George et Clemenceau ont été conduits à l’ambassade de France... Quand ils furent seuls... Clemenceau dit : « Bien. De quoi devons-nous discuter ? » "De la Mésopotamie et de la Palestine", répondit Lloyd George. « Dites-moi ce que vous voulez », demanda Clemenceau. « Je veux Mossoul », dit Lloyd George. « Vous l’aurez », a dit Clemenceau. « Rien d’autre ? » "Si, je veux aussi Jérusalem", a continué Lloyd George. « Vous l’aurez », a dit Clemenceau, « mais Pichon (5) fera des difficultés pour Mossoul ». Il n’y a absolument aucune trace écrite ou mémorandum fait sur le moment (...). Cependant, en dépit de grandes pressions de la part de ses collègues et de toutes sortes de parties concernées, Clemenceau, qui a toujours été inflexible, ne revint jamais sur sa parole et je suis bien placé pour dire que Lloyd George ne lui en a jamais laissé l’occasion. C’est ainsi que l’histoire est faite (6). » Les Français ayant conditionné tout accord territorial à un partage de l’accès au pétrole, les deux négociations vont se dérouler parallèlement. Dès le début de la conférence de la paix, le président Wilson refuse l’annexion des anciennes colonies allemandes d’Afrique et du Pacifique aux Empires français et britanniques : il veut les confier à la future Société des nations (SDN). Lloyd George manoeuvre habilement en proposant la création de « mandats » de la SDN, qui seraient confiés de façon temporaire à une puissance « civilisée » chargée de les amener à l’indépendance. Il y introduit discrètement les provinces arabes de l’Empire ottoman (Mandats dits A). Wilson accepte (janvier 1919).Des accords Sykes-Picot... Au Proche-Orient contemporain - Philippe Rekacewicz, avril 2003 Un face-à-face franco-britanniqueLes principaux intéressés ne sont pas informés et seront appelés à comparaître devant le Conseil suprême allié (dit Conseil des dix). Nationalistes arabes, pro-français (syrianistes) et sionistes (les Anglais ont intercepté une délégation libanaise pour lui interdire de venir en France) parleront ainsi, en février 1919, sans connaître réellement la règle du jeu. Lloyd George laisse ses représentants engager une épreuve de force avec les Français. La question est de savoir s’il y aurait un mandat unique sur l’ensemble du Proche-Orient (et dans ce cas certainement confié aux Britanniques) ou s’il y aurait deux mandats, l’un français, l’autre britannique. Les Français tiennent bon.Wilson, exaspéré, fait alors décider la création d’une commission chargée de consulter les populations sur le choix de la puissance mandataire. Brusquement, les Britanniques se rendent compte que les Arabes de Palestine et d’Irak pourraient ne pas demander leur tutelle. De leur côté, les Français craignent que les Syriens leur soient hostiles et qu’ils se trouvent contraints d’accepter la revendication d’un Etat libanais à majorité chrétienne. Les deux puissances européennes se retirent de la commission, qui sera dirigée exclusivement par des Américains. Cette dernière, après avoir entendu les Arabes palestiniens rejeter le sionisme, les Libanais chrétiens accepter la France et les Arabes syriens exiger l’indépendance, conclut au choix d’un mandataire... américain (28 août 1919) ! Il est trop tard : le Sénat américain rejette le traité de Versailles, et les Américains se retirent de toutes les conférences interalliées.Français et Britanniques se retrouvent ainsi face à face. Le rapport de forces sur le terrain s’est infléchi en faveur des premiers, qui disposent de moyens militaires accrus alors que Londres démobilise. La division en mandats est entérinée. De la conférence de Deauville (septembre 1919) à celle de San Remo (avril 1920), on se contente d’ajuster la ligne Sykes-Picot. La frontière palestinienne est déplacée de quelques kilomètres vers le nord. La Transjordanie reliera la Palestine à l’Irak, ce qui permettra de créer un corridor assurant dans l’immédiat le passage des lignes aériennes vers l’Inde et, à moyen terme, d’installer un oléoduc transportant le pétrole d’Irak vers la Méditerranée (l’idée de chemin de fer appartient au passé). Les Français disposeront d’un quart des parts (ultérieurement 23,75 %) au sein du consortium chargé d’exploiter ce pétrole. Reste à imposer le régime des mandats par une dernière épreuve de force. En Palestine, en Syrie et en Irak, Français et Britanniques engageront des opérations débouchant sur une guerre pour mater les populations indigènes.La division du Proche-Orient en plusieurs Etats n’était pas en soi condamnable : les Hachémites l’avaient envisagée dès le début en faveur des fils aînés de Hussein. Mais elle s’est opérée contre la volonté des populations et en utilisant une rhétorique libérale que l’utilisation de la force rendait vide de sens. Par rapport à l’évolution politique de la dernière décennie ottomane, où la cooptation des notables et l’établissement d’un système électoral, certes très imparfait, avaient tracé la voie à une vraie représentation politique, l’autoritarisme franco-anglais constitue une régression durable. En tant que découpage territorial, le partage a duré, essentiellement parce que les nouvelles capitales et leurs classes dirigeantes ont su imposer leur autorité sur le nouveau pays. Mais les événements de 1919-1920 furent ressentis comme une trahison des engagements pris (en premier lieu, du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes). Ils dépossédèrent surtout les élites locales de leur destin. Quand le nationalisme arabe reviendra en force, il ne reconnaîtra pas la légitimité de ce découpage et appellera à la constitution d’un Etat unitaire, panacée à tous les maux de la région. Les Etats réels seront ainsi frappés d’illégitimité et durablement fragilisés. La constitution du Foyer national juif entraînera la région dans un cycle de conflits qui semble loin de se terminer. Périodiquement, le spectre d’un nouveau « Sykes-Picot » ou partage du Proche-Orient imposé de l’extérieur resurgit. La prétention occidentale d’une supériorité morale fondée sur l’application de la démocratie et du libéralisme apparaît alors comme une sinistre mystification. C’est peut-être la conséquence la plus néfaste des choix de la période 1916-1920, régulièrement renouvelés depuis. Henry Laurens Professeur au Collège de France, auteur, notamment, de La Question de Palestine, Fayard, Paris (trois tomes). notes (1) Les Anglais des Indes ne pensent pas à une Arabie romantique, ils veulent mettre en exploitation ce que l’on considère alors comme les immenses potentiels agricoles de la Mésopotamie afin de « nourrir le monde ». Lire Charles Tripp, « Leçons d’une histoire coloniale oubliée », Le Monde diplomatique, janvier 2003.
(2) En 1919, pour diminuer la valeur de cette entente, les Britanniques l’appelleront « accord Sykes-Picot ».
(3) A la Conférence de la paix, les Américains rejetteront avec énergie la revendication japonaise d’égalité des races.
(4) Outre la remise en cause de l’accord franco-britannique, Londres veut aussi mettre de son côté la puissance occulte supposée des juifs sur la destinée de la Russie et des Etats-Unis. Enfin, l’acceptation des thèses sionistes se trouve facilitée par l’imprégnation biblique de la culture religieuse britannique.
(5) Ministre français des affaires étrangères (Le Monde diplomatique vient de s’installer dans la rue qui porte son nom).
(6) Stephen Roskill, Hankey, Man of Secrets, Collins, Londres, vol. II, 1972, pp. 28-29. | |
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| Sujet: Re: Mainmise anglaise Sur Constantinople (1920) Dim Jan 19 2014, 23:42 | |
| Le Général GOURAUD Commandant en Chef de l’Armée du Levant Moyen Orient tiré de : http://www.lyceefr.org/aaegd/gouraud1.htm Le général Gouraud est envoyé par Monsieur Clemenceau, Président du Conseil, comme Haut Commissaire de la République en Syrie et en Cilicie et Commandant en Chef de l’Armée du Levant. En acceptant de la société des Nations le Mandat pour la Syrie, la France assumait une mission éloignée de sa politique traditionnelle de protection des Chrétiens des Echelles du Levant. C’était en outre une mission difficile; conduire à l’indépendance une population très divisée du point de vue ethnique et religieux, impatiente de secouer le joug de plusieurs siècles de servitude. En outre cette région était l’enjeu de convoitises multiples que soulevait le démantèlement de l’Empire Ottoman. Action militaire et politique Le général Gouraud débarque à Beyrouth le 21 novembre 1919; il y reçoit un accueil chaleureux. Mais la situation politique est confuse. En Turquie, Mustapha Kemal s’empare peu à peu d’un pouvoir que le Sultan laisse échapper; un sursaut de patriotisme réveille l’armée turque, que l’armistice de Moudros n’a pas désarmée. Face aux agressions venant de part et d’autres, une puissante action militaire s’imposerait; mais au début nos forces sont très insuffisantes. Gouraud aborde ces problèmes avec méthode et détermination. Après avoir longtemps cherché à s’entendre avec Fayçal, Gouraud le met hors de cause le 21 juillet 1920, au combat de Khan Meisseloun. Il est possible d’amorcer l’organisation politique de la plus grande partie des territoires sous mandat français. L’Etat du bilan est créé le 1er septembre 1920. Quelques semaines plus tard, les Etats de Damas et d’Alep et le territoire des Alaouites sont crées à leur tour. Mais l’opposition à la présence française au levant reste violente; le 23 juin 1921 la voiture du Haut Commissaire tombe dans une embuscade sur la route de Damas à Kenitra; le commandant Branet est tué à côté du chauffeur; le Gouverneur de Damas est blessé à côté du Général dont la manche vide est traversée par une balle; les agresseurs s’enfuient en Transjordanie. Au nord, face à la Turquie, une guerre meurtrière se déroule depuis le début de 1920 en Cilicie et sur les « confins militaires ». Celle-ci est jalonnée par les noms douloureux et glorieux de Marache, Ourfa, Ain Tab… A Beyrouth le Haut Commissaire met en oeuvre la politique décidée à Paris. En octobre 1921, par l’accord d’Angora, la Turquie s’engage à respecter la frontière de la Syrie et récupère la Cilicie dont le statut politique n’avait pas encore été fixé. Action administrative et culturelle Le général Gouraud n’avait pas attendu la solution des problèmes militaires et politiques pour entreprendre la réorganisation du pays. Celle-ci progresse de façon continue pendant les trois années de sa présence au levant. L’administration locale, guidée initialement par des conseillers français, se met en place. Les services judiciaires sont réformés; une cour de cassation est créée; l’ordre des avocats est constitué; le casier judiciaire est établi; la douane est réorganisée; le cadastre est créé… Les oeuvres d’instruction et d’assistance sont développées; depuis le début de 1920 jusqu’à la fin 1921, le nombre des écoles passe de 300 à plus de 950; de nombreux dispensaires, orphelinats et ateliers sociaux sont créés. L’Hôtel Dieu de Beyrouth est construit. Un service archéologique est créé; l’armée lui prête souvent son concours; les premières fouilles donnent des résultats intéressants. Un institut d’Archéologie et d’Art Musulman est installé à Damas, dans le palais Azem. Plus tard à Paris , l’Académie des inscriptions et belles lettres recevra le général Gouraud parmi ses membres. L’infrastructure du pays est remise en état; de nombreuses routes sont refaites; d’autres sont ouvertes; 70 ponts et 200 aqueducs sont reconstruits; le port de Beyrouth est dégagé de ses épaves; celui de Tripoli reçoit un appontement; les travaux du port d’Alexandrette sont commencés. La vie économique prend un nouvel essor ce qui permet l’organisation à Beyrouth d’une foire exposition au printemps de 1921. Mais la Syrie est loin de Paris où le Gouvernement est confronté à des problèmes vitaux : La reconstruction du pays au lendemain de la guerre; les réparations et les garanties à obtenir de l’Allemagne. Outre-mer, le Maroc, plus proche et mieux connu, intéresse plus l’opinion française que la Syrie. Chaque année le général Gouraud doit se rendre à Paris pour plaider la cause du Mandat; il le fait avec prestige; pendant la discussion du budget de 1922, assis au banc des Commissaires du Gouvernement, il est applaudi par les députés. Mais l’année suivante la politique d’austérité s’accentue; le général Gouraud estime alors que les moyens qui lui sont accordés, les moyens militaires notamment, ne lui permettent pas de remplir sa mission en face d’une armée Turque qui se concentre sur la frontière de la Syrie. Il demande à être remis à la disposition du ministre de la guerre. Lorsqu’il rentre à Paris en octobre 1922, Il peut être fier de l’oeuvre accomplie pendant trois ans. Monsieur Poincaré, Président du conseil, salue en lui » le pacificateur et l’organisateur de la Syrie ». http://www.lyceefr.org/aaegd/gouraud1.htm | |
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