Une armée française de seconde zone pour le centenaire de 14-18 ? Les célébrations du centenaire de la Grande Guerre en 2014 se dérouleront dans un contexte des plus moroses pour les forces armées françaises. Le projet de loi de programmation militaire présenté vendredi en conseil des ministres signe la victoire des argentiers de Bercy sur les considérations stratégiques de défense nationale. En théorie le budget de la défense pour les cinq prochaines années (2014-2019) est censé maintenir la capacité opérationnelle intacte. En théorie seulement.
Dans un contexte budgétaire très difficile le gouvernement a fait le choix "audacieux" de réduire la couverture de l'assurance vie que représente la défense nationale. Avec 1,55% de son PIB affecté à la défense nationale, la France se situe parmi les nations européennes qui font certes les plus grands efforts même si ce niveau se situe en deçà des 2% considérés par l'OTAN comme la côte d'alerte à ne pas franchir. Au pays des aveugles européens, Britanniques et Français sont des rois borgnes.
Le général Vincent Desportes, ancien directeur de l’École de guerre, voit trois conséquences importantes à cette situation. Un risque sécuritaire et de défense, une perte d'influence au niveau mondial mais également des dommages économiques importants sur un secteur qui compte en termes d'emplois (240 000) et de balance extérieure. 33.675 suppressions de postes devront être réalisées sur la période 2014-2019.
François Hollande n’a pas su choisir, juge Hervé Morin (UDI). L'ancien ministre de la Défense, accuse l’exécutif de "faire croire qu’avec un maintien peu ou prou des crédits, la France pourra continuer à faire la même chose". Ces inquiétudes sont partagées à droite comme à gauche où l'on fait remarquer que Nicolas Sarkozy avait largement initié le mouvement.
Un problème de seuil. Tous les experts s'accordent pour reconnaitre qu'un point bas historique est atteint. La trajectoire financière imposée par Bercy pose problème car elle ne prend pas en compte les effets réels de certaines coupes budgétaires. Ainsi, reprenant la métaphore d'un chewing-gum qui n'est pas extensible à l'infini, ces mêmes spécialistes font remarquer qu'une baisse budgétaire supplémentaire de 10 à 15% peut se traduire dans certains secteurs par 50% de pertes de capacités stratégiques.
Les célébrations de 2014 vont s'inscrire dans un contexte d'érosion continue des crédits de défense depuis 20 ans, l’enchaînement ininterrompu de réformes majeures et une réduction de format sévère. Entre 1990 et aujourd'hui, les effectifs des armées ont été divisés par deux. Aujourd'hui la RATP a autant de salariés que l'armée de l'air de militaires.
Pourtant la protection intérieure passe de plus en plus par des actions extérieures de type Mali. Même si cette intervention constitue un indiscutable succès, deux grandes faiblesses sont flagrantes. L'obsolescence de nombreux matériels de plus de 40 ans d'âge mais aussi, des trous opérationnels qui ont contraint par exemple à recourir aux avions de transport américains.
Le contraste est donc saisissant entre le patriotisme et parfois le bellicisme de la société française de 1914 et le délitement actuel marqué par un individualisme et un autisme aux enjeux mondiaux. Homme cultivé le général de Gaulle, si préoccupé de l'image de la France, partageait la pensée de Frédéric le Grand pour qui, " la diplomatie sans la force, c'est comme la musique sans instruments". Le grand Charles n'avait pas hésité à porter, avec la création de la force de dissuasion nucléaire, l'effort de la nation pour la défense jusqu'à 6% de son PIB. Des investissements judicieux qui ont permis un bond technologique qui a profité à de nombreux secteurs de l'industrie civile et dont Arianespace constitue l'un des fils puisqu'issue de la recherche en matière de lanceurs. Il est vrai qu'à l'époque, la politique de la Nation ne se faisait pas plus à la corbeille qu'au ministère des Finances mais, à l'Elysée.