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| Sujet: évadés de DIEN BIEN PHU Lun Oct 08 2007, 11:24 | |
| Diên Biên Phu: une évasion réussie Voici le récit d'une évasion de Diên Biên Phu, réussie en mai 1954 par René Delobel, ancien d'Indochine. L'évasion de trois hommes du GM-35, 35e régiment d'artillerie légère parachutiste, les deuxièmes classes Alain Charrier, Georges Nallet et le maréchal des logis René Delobel. Ils ne furent qu'une dizaine de soldats métropolitains à pouvoir s'évader, sur 11 000 prisonniers, dont on sait que seul un tiers put revenir, décharnés, des camps du Viêt-Minh. Sur ces dix évadés, ils sont deux ou trois à être encore avec nous sur la piste et René est l'un d'eux.
7 MAI 1954. Prisonniers à Diên Biên Phu. 7 AU 10 MAI. Nous marchons sur la RP 41. Le commissaire politique, à la suite de renseignements, décide de nous ramener dans la cuvette en compagnie d'une quarantaine d'autres artilleurs pour récupérer des munitions et des appareils de pointage que nous n'aurions pas détruits. 10 AU 13 MAI. Retour vers la cuvette. 14 MAI. En vue de notre future évasion, je décide, en compagnie de Charrier et Nallet, de profiter de l'occasion qui nous est donnée de récupérer des restes de boites de ration trouvés sur nos anciennes positions. Cela nous permettra de tenir le coup pendant une quinzaine de jours à raison dune pâte de fruits, d'une boîte de fromage pour trois et d'un biscuit par jour. (...) Avec mes deux camarades nous décidons de tenter notre évasion le soir même, à la première occasion favorable. 15 MAI. À la première halte, vers I heure du matin, nous demandons à quelques copains de faire un peu de diversion pour mobiliser l'attention de la quinzaine de sentinelles chargées de nous garder. Après deux tentatives, nous réussissons à nous glisser entre elles en rampant et nous éloigner d'une centaine de mètres. (...) Nous traversons la position sans être repérés. Pour brouiller nos traces, nous marchons dans la Nam-Youm pendant I km environ. Nous nous arrêtons ensuite en haut d'un petit piton où nous nous sommes planqués pour la nuit. Nous avions décidé de ne marcher que la journée, disposant seulement d'une montre et du soleil pour nous guider. En plus, ignorant la position des Viêts, nous ne voulons pas faire de boulettes. VERS LE 20 MAI. Nous tombons sur une patrouille de trois Viêts qui nous «rafalent» et nous poursuivent pendant une demi-journée environ. Nous réussissons à les semer vers le soir. VERS LE 27 MAI. Ayant dû traverser une forêt de bambous à quatre pattes et ne pouvant plus nous diriger à l'aide de notre montre et du soleil, nous grimpons en haut du premier piton venu pour nous apercevoir avec découragement que nous avions tourné en rond et que nous étions revenus aux abords de la cuvette. Nous décidons de changer de tactique et de prendre les prochaines lignes de crête. De là, nous avions cru suivre le ruissellement des eaux partant en direction du sud-ouest, c'est-à-dire Muong Saï, alors qu'en réalité, nous étions montés très au nord-ouest de Diên Biên Phu, ce que je découvrirai avec stupeur à mon retour parmi les nôtres à Hanoi. VERS LE 28 MAI. Nos vivres sont épuisés. Quand nous trouvons des fruits, l'un de nous en mange et, s'il n'est pas malade, les deux autres en mangent à leur tour. Nous essayons également de mâcher toutes sortes de racines. VERS LE 30 MAI. Grosse émotion et grande joie. Nous avons la joie et le bonheur de tomber sur trois gars du 6e BPC de Bigeard, les sergents Sentenac. Rilbac et Skrodzki. Nous décidons d'unir nos efforts et de continuer ensemble. VERS LE 1er JUIN. Charrier, les pieds en sang, et moi-même, malade, retardons la progression de nos camarades. Nous décidons après entente de nous reposer sur place et de laisser partir Nallet et les trois gars de chez Bigeard avec pour mission d'avertir les nôtres de notre éventuelle position. VERS LE 2 JUIN. Nous prenons contact avec une vieille Méo. Celle-ci, à la vue des pieds en sang de Charrier, confectionne une décoction de plantes qu'elle applique directement sur ses plaies. Elle nous fait également don de deux galettes de riz. VERS LE 5 JUIN. Les plaies de Charrier entièrement cicatrisées et moi-même un peu plus en forme, nous reprenons la piste par les lignes de crête. Au cours de notre progression, nous tombons avec surprise et étonnement sur un Européen vêtu d'un pagne, un filet de pêche posé sur les épaules comme un Méo. Il vit depuis deux mois avec une Méo dans un village un peu plus loin et désire s'y établir définitivement. Il refuse de nous donner son nom et, après nous avoir offert deux boulettes de riz, il nous indique la direction à suivre pour atteindre le prochain village. (...) VERS LE 9 JUIN. Nous atteignons le village méo de Sempo situé dans une boucle de la rivière Nam-Bhan, à 40 km à vol d'oiseau au nord-ouest de Dién Biên Phu. Après avoir pris contact avec le chef du village, celui-ci, pro-français, décide de nous héberger et de me cacher. Épuisé, malade des intestins, n'ayant plus la force de marcher (je pèse 36 kg, je décide Charrier à continuer seul et à essayer de rejoindre le premier poste français qui, d'après le chef du village, se trouve approximativement à neuf jours de marche. Poste que je suppose être Muong-Koua ou Muong-Saï. Légionnaire libéré d'un camp de prisonnier viêt minh (Photo ECPAD) 10 AU 18 JUIN. Après le départ de Charrier, le chef du village me loge dans sa propre case, essaye de me nourrir, mais je m'épuise. Je souffre de coliques, je perds du sang ... Les vieilles femmes se rassemblent autour de ma couche et essayent de me soulager suivant leurs coutumes ou plutôt croyances. Sur un plateau, elles disposent les bracelets d'argent des jeunes femmes et des boulettes de riz aux quatre coins, au milieu elles placent un bol contenant le sang et le duvet mélangés de trois poussins fraîchement égorgés. Après diverses incantations, elles promènent les bracelets et les boulettes de riz sur mon ventre et, pour clore la cérémonie, elles me font ingurgiter le contenu de ce fameux bol. Ce remède n'ayant donné aucun résultat le chef me fait fumer une pipe d'opium, le soir, ce qui me permet de pouvoir somnoler deux à trois heures par nuit. Bien sûr, l'opium n'est pas pur car le chef l'a déjà fumé trois ou quarre fois avant moi mais cela m'a permis d'éviter la dépendance. 19 JUIN. Je suis allongé sur une natte et je somnole plus ou moins quand, tout à coup, le chef entre en trombe dans la case et jette des peaux de bêtes sur moi en me disant de ne plus bouger car des Viêts arrivent. Effectivement, à travers les bambous de la case, j'aperçois une patrouille de cinq Viéts qui me passent à 50 cm du nez, sur le chemin longeant la case, et se dirigent vers le centre du village. Une fois arrivés à cet endroit, ils se font remettre la dîme : du riz, des poules et deux cochons. Heureusement, ils ne s'attardent pas et ne fouillent aucune case. L'alerte a été chaude et le chef décide de me faire confectionner sur le champ une hutte située près d'une source, en dehors du village, car il craint un possible retour des Viéts et surtout des représailles, si ceux-ci venaient à me découvrir. 19 AU 21 JUIN. Installé dans mon «nouvel univers » tous les gens du village, hommes, femmes et enfants, viennent me voir à tour de rôle et m'apportent de la nourriture que je n'arrive malheureusement pas à avaler. Je décline de plus en plus. Je commence à revoir le film de ma brève vie et à me faire à l'idée de ne plus revoir les miens. Je me pose toutes sortes de questions «Charrier, a-t-il pu rejoindre le poste français ? N'est-il pas prisonnier à nouveau ou pire? Et Nallet, que devient-il avec les gars de Bigeard?» Je compte les jours avec impatience, désespérant d'être récupéré un jour. 21 JUIN. Une nouvelle journée commence quand, tout d'un coup un bruit de moteur d'avion me tire de mon hébétude. Il me semble que l'avion vient de virer et de revenir vers nous. En titubant, je sors de ma hutte et vois arriver le chef en compagnie des villageois tout excités. Ils montrent du doigt un Dakota en train de nous survoler. Avec l'aide du chef et de ses hommes, je fais tout de suite disposer des nattes sur le terrain en forme de T pour baliser la zone de largage. Le Dakota revient et largue des colis. Après avoir largué sa cargaison, il nous salue à nouveau et je le vois avec regret s'éloigner de nous. Le chef et ses hommes, enthousiasmés vont récupérer les colis sur le terrain et les ramènent intégralement auprès de ma hutte. En présence des villageois réunis, je les ouvre le premier contient des médicaments, le deuxième des rations, le troisième des boules de pain, les trois derniers des sacs de sel pour récompenser les gens du village, le sel étant très rare. A l'intérieur d'un de ces colis, je découvre un petit mot de Charrier qui m'encourage et me promet de nous revoir très bientôt. Tout le village est en ébullition et chacun veut voir, toucher toutes ces choses qu'ils ne connaissent pas. Je leur montre comment étaler de la confiture sur du pain. Les femmes et les enfants y goûtent avec prudence puis s'empressent d'en réclamer. Quant aux hommes, ils sont attirés par les allumettes, les cigarettes et veulent que j'ouvre toutes les boîtes de ration. Le restant de la journée s'écoule dans une joyeuse fièvre... Enfin, après bien des palabres et des manifestations de toutes sortes, chacun regagne ses pénates. Je me sens bien seul tout à coup, vidé de tout. La fièvre de l'excitation et de la joie retombe et laisse la place à toutes sortes d'interrogations. Quand, comment et où pourra-t-on me récupérer? Cette nuit fut longue, très longue. 22 JUIN. Dès l'aube, en compagnie du chef du village, je suis installé devant ma hutte en attente des futurs événements de la journée. Le chef a disposé des guetteurs sur tous les pitons des alentours et a laissé en place le marquage au sol de façon à faciliter le guidage d'un futur hélico. La journée est très belle et tout me semble merveilleux mais, petit à petit, une angoisse s'installe en moi et m'oppresse le temps s'écoule lentement, trop lentement à mon gré et nous ne voyons rien venir. En fin de matinée, le silence est tout à coup rompu par un cri lancé : l'un des guetteurs nous indique un point venant du sud-ouest. Ce point grossit à vue d'il et, enfin, nous percevons le bruit et les formes d'un hélicoptère. Une joie indicible s'empare de nous. Après une reconnaissance du terrain, le pilote de l'hélico décide après deux rotations d'éviter de se poser. Motif : e village est très encaissé, cerné de pitons très abrupts en forme de falaise. Pour pouvoir me récupérer en effectuant l'hélitreuillage, le pilote a un mal fou à stabiliser son appareil en raison des remous d'air que provoque cette configuration du terrain. Pendant que j'agrafe le ceinturon qui va m'emporter loin d'eux, c'est la vue brouillée et les yeux pleins de larmes que je regarde, peut-être pour la dernière fois, ces gens si simples qui m'ont tout donné, amitié, camaraderie, nourriture et qui m'ont certainement permis de vivre. Avec une joie inoubliable, je retrouve à l'intérieur de l'hélico mon brave copain Charrier, mon commandant de batterie, le capitaine Mariani, ainsi que le pilote A-C Royet et le mécanicien, l'adjudant Flandin.
ci-dessus: légionnaire libéré d'un camp de prisonnier viet-minh (un air de déjà vu dans les camps de concentration nazi)
ci-dessus: René DELOBEL en tenue civile.
23 JUIN. Après une nuit passée à Louang-Prabang au Laos, je fus rapatrié sur Hanoi et hospitalisé à l'hôpital Lanessan : «poids 36 kg, entérite aigüe, parasites amibiens, anémie complète et épuisement extrême». Ma première sortie de l'hôpital, mes premiers désirs d'homme libre à Hanoi furent de me rendre seul à une terrasse de restaurant. Je demeurai à cet endroit pendant quelques heures à regarder vivre, je dis «vivre» et gesticuler tous ces gens, à écouter et à me saouler de tous les bruits de la vie que j'avais cru perdre à tout jamais. Je passais ensuite commande de toutes les choses dont j'avais rêvé pendant mon évasion : langoustines frites, côte à l'os, plusieurs desserts, le tout accompagné d'un très bon bordeaux. Bien sûr, j'ai goûté à tout, mais j'avais l'estomac noué et l'esprit perturbé par le souvenir de tous les copains disparus dont l'image venait me hanter sans arrêt. Je suis rentré à l'hôpital complètement déboussolé René Delobel (à droite) par cette journée de liberté. Après traitements, je fus transféré au centre de repos de Doson près de Haiphong, Là, j'eus la joie d'apprendre la réussite de l'évasion de Nallet, Sentenac, Rilhac et Skrodzki qui avaient été récupérés par un commando de Méos. Remis sur pieds, je refusai de rentrer en France et rejoignis mon unité qui avait fait mouvement vers le sud, c'est-à-dire Saigon, où je demeurai jusqu'à mon retour en France en juillet 1955.
René Delobel je n'ai aucun mérite, je ne fais que vous transmettre ce document. grand respect pour ces hommes. |
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Invité Invité
| Sujet: Re: évadés de DIEN BIEN PHU Lun Oct 08 2007, 11:39 | |
| Oui , respects pour ces hommes qui ont tout fait pour refuser la captivitée !!!!! Et ce pauvre SENTENAC !!!! pour se faire tuer qq ++tard en ALGERIE !!!! Mais que sont devenus les tortionnaires , comme ceux de 39/45 !!!! Ah , j'oubliais , CHICHI a éte les saluer au Vietnam , et serrer la main de GIAP !!! MERCI pour eux !!!!!!! |
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