HISTORIA MAGAZINE N° 43 DE SEPTEMBRE 1983
A PROPOS DE LA CAPTURE DE JEAN MOULIN LES FRANÇAIS QUI ONT AIDE BARBIE « J'ai la conviction de l'innocence de René Hardy dans la capture de Jean Moulin », affirme Jean-Claude Valla, qui prépare un ouvrage sur le coup de filet de Caluire. Nous versons son point de vue et son argumentation au dossier de cette affaire, sans prendre parti, mais, en sachant qu'ils' appellent la contestation sur plusieurs points.
IL EST 15 H 10, CE LUNDI 21 juin 1943, à Caluire, une commune de la proche banlieue lyonnaise, lorsque trois voitures arrivent discrètement sur la place Castellane. Huit gestapistes, conduits par Klaus Barbie, investissent la paisible maison du Dr Frédéric Dugoujon.
Au premier étage, où le commando s'est précipité, cinq hommes sont maîtrisés avant d'avoir pu tenter quoi que ce soit : André Lassagne, Henri Aubry, René Hardy, le colonel Lacaze et Bruno Larat.
Au rez-de-chaussée, dans la salle d'attente du médecin, trois autres suspects sont arrêtés : Raymond Aubrac, le colonel Schwartfeld et, surtout, l'ancien préfet Jean Moulin, que toute la Résistance active connaît sous le nom de Max et qui n'est autre que le représentant personnel du général de Gaulle en France occupée.
Le SS Obersturmführer Klaus Barbie, chef de la section IV du Kds de Lyon(1) a de bonnes raisons de soupçonner la présence de Max, dont il ignore l'identité et dont il ne possède pas le signalement. Il sait qu'une réunion importante doit se tenir dans la maison du Dr Dugoujon, mais, si l'on en juge par les effectifs du commando, il a visiblement sous-évalué le nombre des participants. Malgré tout, la Gestapo n'est pas si mal renseignée, puisque cette réunion, en effet, a pour but de désigner un nouveau chef de l'Armée secrète unifiée, en remplacement du général Delestraint, alias Vidal, arrêté à Paris, au métro Muette, douze jours plus tôt. Désireux de s'assurer le contrôle absolu de cette armée de réserve de la Résistance, Jean Moulin souhaite proposer le nom du colonel Schwartfeld.
La candidature de ce personnage falot, issu d'un mouvement de résistance peu représentatif(2), est soutenue par Raymond Aubrac et André Lassagne, que Max a pressentis pour exercer les fonctions d'inspecteurs généraux de l' A.S., le premier pour la zone nord, le second pour la zone sud. Tous les deux sont issus du mouvement Libération, qui, sous la houlette d'Emmanuel d'Astier de la Vigerie, se situe assez nettement à gauche. Aubrac lui-même est connu pour ses sympathies communistes.
Le projet de Jean Moulin est vivement contesté par Henri Aubry, chef d'état-major de l'Armée secrète et proche collaborateur d'Henri Frenay, le fondateur du mouvement Combat. En l'absence de celui-ci - Frenay s'est envolé pour Londres quelques jours plus tôt, avec la ferme intention de présenter au général de Gaulle un sévère réquisitoire contre Max -, Aubry a pris l'initiative d'inviter René Hardy, alias Didot, qui appartient lui aussi au mouvement Combat.
Plus tard, cette invitation fera l'objet de vives controverses, mais il convient de la replacer dans son contexte. Il y a, en ce mois de juin 1943, une vive opposition entre Jean Moulin et Henri Frenay. Ce dernier accuse le représentant du général de Gaulle d'outrepasser ses pouvoirs et d'éliminer, chaque fois que l'occasion s'en présente, les responsables de la Résistance issus de Combat. Ce conflit, latent depuis plusieurs mois, porte notamment sur l'Armée secrète, dont Frenay, qui en est le véritable créateur, revendique la direction pour lui-même ou pour l'un de ses amis.
Aubry sait qu'il sera minoritaire lors de la' réunion de Caluire. Outre Aubrac et Lassagne, Bruno Larat est acquis à Jean Moulin. Quant au colonel Lacaze, ancien chef du 99e R.I.A., c'est un officier de peu d'envergure, très ignorant des problèmes de la Résistance, qui se ralliera probablement à la majorité. C'est pourquoi le chef d'état-major de l'A.S. compte sur Hardy pour soutenir son point de vue.
Même si elle n'était pas initialement prévue, la présence de René Hardy est loin d'être absurde. Ce résistant de la première heure, qui a passé plus d'un an dans les geôles de Vichy, est un patriote ardent, volontiers casse-cou, parfois frivole, mais d'une efficacité et d'une ardeur hors du commun. Didot - tel est son pseudonyme - est, depuis quelques mois, le patron du service Sabotage-Fer des Mouvements unis de résistance. C'est lui qui a conçu le fameux «plan Vert », dont l'exécution doit permettre, lorsque les Alliés débarqueront en France, de désorganiser toutes les communications ferroviaires. Ses mérites sont connus de tous les chefs de la. Résistance, puisque René Hardy est, depuis le 6 mai, détaché auprès du 3e bureau de l'état-major de l'A.S. et que le général Delestraint, juste avant son arrestation, avait voulu lui confier la direction de ce 3e bureau. Enfin, tout porte à croire qu'Aubry, avant d'inviter le chef du Sabotage-Fer, a pris soin de consulter l'un des bras droits et plus proches amis de Frenay, le futur général Pierre de Bénouville. Ce qu'Aubry et Bénouville ignorent, c'est que Hardy a été arrêté par les Allemands en gare de Chalon-sur-Saône, dans la nuit du 7 au 8 juin, puis relâché dans la soirée du 10, après avoir eu long entretien avec Barbie.
IL CACHE À SES AMIS QUE BARBIE L'A ARRÊTÉ ET RELÂCHÉ Dès LE LENDEMAIN matin, René Hardy a pris le train pour Nîmes. Le 12, il était, de retour à Lyon, où il a rencontré ses deux adjoints, René La Combe et Max Heilbronn. Après un bref séjour à Paris, il était de nouveau dans la capitale rhodanienne, où il a pris contact avec de nombreux camarades de la Résistance, parmi lesquels Jacques Baumel, Henry Aubry et Claude Bourdet, mais, à aucun d'eux, il n'avoua avoir été arrêté. Il prétendit avoir sauté du train aux environs de Chalon-sur-Saône, après s'être inquiété d'allées et venues suspectes autour de lui.
Pourquoi Hardy a-t-il menti?
Avant d'essayer de répondre à cette question capitale, il faut préciser que le chef de Sabotage-Fer a appris, de la bouche même de Klaus Barbie, que Delestraint a été arrêté à l'instigation d'un traître qui, nous y reviendrons, s'est présenté au général de la part de « Didot ».
« De quelque côté qu'il pût se tourner, expliquera plus tard l'avocat de René Hardy, Me Maurice Garçon, il était pris dans un réseau de preuves accablantes, conduisant à démontrer que l'arrestation du général Delestraint était de son fait. Sans doute aujourd'hui - mais avec quelle peine et après quels détours - son innocence en ce qui touche l'affaire du métro Muette est d'une évidence éclatante, mais en juin 1943, il n'en était pas de même(3)».
René Hardy a de bonnes raisons de penser que ses camarades de la Résistance, au cas où ils apprendraient son arrestation, ne manqueraient pas d'établir un lien de cause à effet entre sa détention et l'arrestation du commandant de l'Armée secrète. Hardy pourrait bien, dans ce cas, être condamné à mort par ses propres amis. « Alors qu'en temps de paix, expliquera encore Maurice Garçon, jamais une condamnation ne doit intervenir lorsqu'il demeure un doute, en temps de guerre clandestine, le doute crée une présomption insupportable et qui justifie une exécution. » Il devient légitime de frapper un simple suspect, « même au prix d'une erreur, parce que, s'il est coupable, les conséquences sont trop incalculables ». René Hardy «s'est vu dans l'obligation de mentir pour ne pas paraître le traître qu'il n'était pas» et pour ne pas « mourir déshonoré et haï de ses compagnons de combat(4) ».
Ce n'est qu'après la Libération que la vérité sera entr'aperçue grâce à des sources allemandes. René Hardy sera arrêté par la D.S.T., le 12 décembre 1944, mais persistera dans son mensonge. Maurice Garçon doit convaincre les jurés de la cour de justice de la Seine que son client n'a pas été arrêté dans la nuit du 7 au 8 juin 1943 et que la trahison ne peut donc pas être retenue. L'éminent avocat réussira, puisque la cour acquittera René Hardy, le 24 janvier 1947.
Deux mois plus tard, le 24 mars 1947, l'ancien responsable de Sabotage-Fer est de nouveau incarcéré. Cette fois-ci, il ne peut plus nier: la D.S.T. a retrouvé, dans les archives des wagons-lits, un rapport établissant avec certitude que René Hardy a bien été interpellé en gare de Chalon-sur-Saône. Il revient donc à Maurice Garçon la lourde tâche de démontrer que son client n'a révélé aucun secret à ses geôliers de la Gestapo. Le 8 mai 1950, le tribunal militaire permanent de Paris prononcera, à son tour, un verdict d'acquittement.
La « chose jugée» fera-t-elle taire les passions? Nullement. Aujourd'hui encore, quelques-uns de ses compagnons de Résistance n'hésitent pas à maintenir contre René Hardy tout ou partie des accusations qui lui ont valu de comparaître devant la justice. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si les plus acharnés sont ceux qui, à l'époque des faits incriminés, tentaient d'infiltrer la Résistance au profit des communistes et si la campagne de presse contre Hardy d'une violence inouïe, fut montée et orchestrée par le Parti communiste, dans l'espoir de jeter le discrédit sur la fraction non communiste de la Résistance et d 'atteindre celui qui en était le symbole, Henri Frenay.
MOOG ET MULTON, DEUX « TAUPES» DE CHOIX POUR LA GESTAPO DE LYON Une longue et minutieuse étude du dossier, qui fera l'objet d'un livre ultérieur, nous a permis d'acquérir la « conviction intime» de l'innocence de René Hardy. Mais nous n'avons pas la place, dans le cadre d'un article, de répondre point par point à toutes les accusations, souvent fallacieuses, ou pour le moins biaisées, qui ont été formulées contre l'ancien patron de Sabotage-Fer, ni de rappeler avec suffisamment de détails dans quel climat d'hystérie se sont déroulés les deux procès et surtout, dans quel mépris du droit fut menée l'instruction.
Ayant d'abord refusé d'assister Hardy lors de la seconde affaire Maurice Garçon accepta de plaider après avoir appris de la bouche des deux confrères qui avaient accepté de le remplacer « que les témoignages les plus vils étaient recueillis avec complaisance lorsqu'ils chargeaient l'accusé, que certains personnages qu'on ne pouvait tenir qu'en mépris faisaient l'objet de mesures de faveur lorsqu'ils servaient l'accusation, que des criminels de guerre échappaient aux poursuites à partir du moment où ils consentaient à se joindre à la meute et qu'un condamné à mort voyait surseoir à son exécution jusqu'à ce qu'il eût témoigné contre Hardy (6) ».
L'affaire Hardy, exploitée avec des méthodes qu'il faut bien qualifier de staliniennes, a permis d'occulter le rôle joué par trois Français, Robert Moog, Jean Multon, dont la culpabilité et la responsabilité ne font pourtant aucun doute, et Mme Delettraz, qui bénéficia d'un non-lieu à la Libération, mais qui a été incontestablement « retournée» par les Allemands. Elle l'a elle-même reconnu, tout en affirmant avoir vainement tenté d'alerter la Résistance.
Malgré un physique de « grand Aryen blond » et un nom à consonance germanique qui le feront souvent prendre pour un Allemand, Robert Moog est un citoyen français, ancien contremaître à la Poudrerie nationale de Toulouse, qui, dès le printemps de 1942, s'est engagé dans une organisation de résistance, les fameux réseaux Gilbert créés par le colonel Groussard.
Quelques semaines plus tard, l'une de ses relations, René Saumande, l'a présenté au lieutenant Eugen Kramer, responsable de la section IH de l'Abwehr, installée à Dijon. Toulouse est alors en zone libre et le service de renseignement de la Wehrmacht, qui est encore totalement indépendant du S.D. ... et terriblement plus efficace, cherche à recruter des agents capables de s'infiltrer dans les réseaux de résistance de la zone non occupée.
Appâté par le gain ou séduit par le nazisme, Moog reçoit le matricule K30 et accepte le rôle de « taupe» qui lui est assigné par Kramer. Lorsque son chef de réseau, le lieutenant Devigny, projette d'élaborer un plan de sabotage de la Poudrerie de Toulouse, Moog n'hésite pas à l'aider. Le temps passe et, au début du mois d'avril 1943, alors que la zone sud est occupée depuis déjà cinq mois, il livre à l'Abwehr le plan de sabotage et tous les membres du réseau que son zèle de faux résistant lui a permis de connaître. L'importance des personnes arrêtées est telle que Kramer est prié par ses supérieurs de bien vouloir prêter son agent au KdS de Lyon. Moog va pouvoir achever son travail, car André Devigny, qui a échappé à la première vague d'arrestations, se cache dans la région lyonnaise, à proximité de la frontière suisse.
Le traître ne perd pas de temps: le 16 avril, place du Pont, dans une blanchisserie lyonnaise qui sert de « boîte aux lettres », il fait arrêter Mme Delettraz, un agent de liaison des réseaux Gilbert. Cette femme est aussitôt conduite à l'hôtel Terminus, qui abrite les services de la Gestapo, et là, au cours d'un interrogatoire, elle finit par craquer et indique à ses bourreaux le moyen de contacter le lieutenant Devigny. Le lendemain, elle est relâchée et « priée» de rentrer chez elle à Annemasse !
Entre-temps, Moog a expédié à Devigny un télégramme signé de Mme Delettraz, lui demandant de se trouver sur le quai de la gare d'Annemasse, à l'arrivée du train de Lyon.
A 18 h 30, elle descend du train et cherche à éviter le lieutenant, mais celui-ci, sans le moindre soupçon, s'approche d'elle et aperçoit un peu plus loin Robert Moog dont il ignore la trahison. Quelques secondes plus tard, il est arrêté par un groupe de policiers allemands vêtus d'imperméables?
Peu après, Robert Moog reçoit le renfort de Jean Multon. Cet ancien militant du mouvement Combat, qui se faisait appeler Lunel, a exercé des responsabilités relativement importantes auprès du responsable marseillais de l'organisation, Maurice Chevance, dit Bertin. Arrêté par les Allemands le 28 avril 1943, il a accepté, sur-le-champ, de donner les noms et les adresses de tous les résistants qu'il connaît. Et c'est parce qu'il est désormais «grillé» à Marseille que Multon est, lui aussi, mis à la disposition du KdS de Lyon.
C'est une recrue de choix, qui connaît beaucoup de monde et qui n'a pas le moindre scrupule. C'est grâce à ses informations que Moog parvient à tendre un piège à Berty Albrecht, la propre secrétaire de Frenay. Cette femme exceptionnelle, à laquelle le mouvement Combat devait tant, est arrêtée le 27 mai 1943 devant l'hôtel de Bourgogne, à Mâcon.
Trois jours plus tard, toujours sur les indications de Multon, Moog s'est rendu, 14, rue Bouteille à Lyon, au domicile de Mme Dumoulin, dont la boîte aux lettres, affirme l'ancien secrétaire de Chevance, est utilisée par le service Sabotage-Fer des Mouvements unis de résistance. La femme est arrêtée et une souricière est organisée autour de la maison.
Le lendemain, une autre femme est repérée au moment où elle dépose un message. C'est Mme Raisin, la secrétaire d'Aubry. Mais Robert Moog se garde bien de l'arrêter. Il se contente d'intercepter le message dont la lecture le laisse pantois : rédigé en clair, 'le texte est destiné à Didot. Il l'invite à se rendre à Paris pour y rencontrer Vidal, le 9 juin à 9 heures, au métro Muette. Or, si les Allemands et leurs complices ignorent l'identité réelle de ces deux personnages, ils savent parfaitement que le pseudonyme de Didot dissimule le chef de Sabotage-Fer et celui de Vidal, le grand patron de l'Armée secrète.
Le 7 juin dans la soirée, Moog et Multon, qui sont désormais inséparables, arrivent en gare de Perrache pour prendre le train de 21 h 50 à destination de Paris, en prévision du rendez-vous entre Didot et Vidal. Au moment où les deux traîtres s'installent dans leur compartiment, Multon aperçoit dans le couloir un homme d'une trentaine d'années, aux cheveux blonds, dont le visage ne lui est pas inconnu.
Moog a observé le mouvement de surprise de son complice et l'interroge discrètement. Multon hésite avant de répondre. Oui, il est certain d'avoir déjà rencontré cet homme à Marseille. Il lui a été présenté, dans un restaurant, sous le nom de Carbon. Mais quel est son rôle exact? S'agit-il d'un résistant ou d'une simple relation amicale de l'homme - un résistant celui-ci - en compagnie duquel il se trouvait?
Moog, qui n'a pas l'habitude d'abandonner la plus petite piste, décide de faire arrêter le voyageur. A 1 heure du matin, la Feldgendarmerie est alertée pendant l'arrêt du train à Chalon-sur-Saône. Conduit au commissariat allemand de la gare, l'homme aux cheveux blonds présente des papiers d'identité au nom de René Hardy, entrepreneur de motoculture à Garons, dans le Gard. Le KdS de Lyon est aussitôt prévenu, mais Moog et Multon, qui sont remontés dans le train, sont alors très loin de: se douter que leur suspect est le fameux Didot qu'ils espèrent bien coincer au métro Muette ...
En réalité, si Hardy a pris le train de Paris, ce n'est pas pour se rendre au rendez-vous avec le général Delestraint. En effet, dès son arrivée à Lyon, quelques jours plus tôt, le chef de Sabotage-Fer a été prévenu par des amis que la « boîte aux lettres» de la rue Bouteille était désormais « grillée ». Le fameux message ne lui est donc jamais parvenu et son voyage à Paris, entrepris pour d'autres raisons, n'est qu'une simple coïncidence.
Toujours est-il que le 9 juin, à 9 heures, Jean Multon se présente au rendez-vous de la Muette. Deux minutes passent et l'agent de la Gestapo voit arriver un homme d'une soixantaine d'années, portant béret basque, et rosette de la Légion d'honneur. Impossible de se tromper : même en civil, il sent le militaire à plein nez.
- Mon général, lui dit Multon, je viens de la part de Didot. Il juge l'endroit trop dangereux et il vous attend au métro Passy. Venez dans ma voiture ...
Vidal ne se méfie pas. Non seulement il accepte de suivre cet inconnu, mais il lui signale que deux autres de ses collaborateurs, Joseph Gastaldo, chef du 2e bureau de l'A.S., et Jean-Louis Théobald, l'attendent à 9 h 30 près du métro Pompe. Quelques instants plus tard, le général se retrouve, menottes aux mains, dans une voiture, où. Robert Moog, l'air triomphant, le rejoint aussitôt.
BARBIE: DES VERSIONS CONTRADICTOIRES MAIS TOUJOURS ACCABLANTES POUR HARDY Si deux «CLIENTS» imprévus ont été arrêtés - Gastaldo et Théobald -, Didot, lui, ne s'est pas présenté au rendez vous. Moog, qui est de retour à Lyon dès le lendemain matin et qui se fie à son instinct de chasseur, informe Barbie que le suspect de Chalon pourrait bien être le chef de Sabotage-Fer. C'est sur cette indication tardive et hypothétique que le SS Obersturmführer se décide enfin à partir pour Chalon, où il prend livraison du prisonnier aux alentours de 16 heures.
De retour à Lyon, Hardy est conduit il l'École de santé militaire, nouveau siège de la Gestapo, où il est longuement interrogé. Voici ce qu'il en dira, le 22 juillet 1947, devant le juge d'instruction militaire:
« ... Mon identité, je suppose, était vérifiée, car elle n'était plus discutée ... On me parle de la Résistance, du général Vidal, de Frenay, d'un certain nombre de camarades. Je fais l'ignorant et proteste de mes sentiments loyalistes. Ils avaient d'ailleurs trouvé dans ma valise un insigne du Maréchal et un autre du P.P.F.
« Je sens que les Allemands ne sont pas sûrs d'eux. J'ai dû être arrêté dans le doute. Multon ne m'avait d'ailleurs vu que quelques minutes, trois mois auparavant, au cours d'un rendez-vous à Marseille, et j'avais à cette époque les cheveux teints et des lunettes à verres légèrement fumés.
« Les Allemands m'étalent leur force; me disent qu'ils sont très bien renseignés; que tous les rendez-vous de la Résistance leur sont connus; qu'ils y ont des agents à eux; qu'ainsi ils ont arrêté le chef de l'Armée secrète et que je ne saurais les tromper. Je pense à jouer leur jeu; J'approuve leurs tirades politiques, entre les questions. Ils me font le chantage au sentiment : je suis un pur Aryen blond qui ne saurait aider la Résistance bolchevique et des Juifs.
J'acquiesce chaleureusement.
Après plusieurs heures de conversation, je crois les avoir convaincus de leur erreur et de la pureté de mes sentiments vis-à-vis d'eux. Je rappelle des souvenirs de voyage en Allemagne et je me déclare prêt, si je le peux, dans la mesure de mes moyens, à leur rendre service, bien que ne faisant pas de politique militante... Je suis relâché vers 11 heures du soir, après cinq ou six heures de questions, de discussion, que ne saurait rendre un si bref exposé ... »
De ces quelques heures que René Hardy a passées dans les locaux de la Gestapo, Klaus Barbie a donné différentes versions, Parfois contradictoires, souvent invraisemblables, mais toujours accablantes pour l'ancien chef de Sabotage-Fer.
C'est peu après la guerre, dans le cadre de l'instruction du second procès Hardy, que le gestapiste donne sa première version des faits. Il est alors commerçant à Augsbourg, en Bavière, et les Américains, qui ont eu recours à ses services, s'opposent à la demande d'extradition formulée par la France ; mais ils autorisent un représentant de la justice militaire française à venir interroger leur protégé. Les 14 et 18 mai 1948 et le 16 juillet de la même année, Barbie répond aux 240 questions écrites qui lui sont présentées par le commissaire Louis Bibes, accusant ainsi René Hardy d'avoir accepté de collaborer avec lui et d'avoir reconstitué le « plan Vert» pour le compte des Allemands.
Lors du procès, Me Maurice Garçon attirera l'attention des juges sur le caractère extrêmement directif des questions. « Quelques unes, dira plus tard René Hardy, faisaient une demi-page et même une page et demie. Elles comportaient en elles-mêmes les réponses. » De surcroît, deux jours après le verdict, on apprenait que le commissaire Bibes était recherché par la Sûreté nationale ...
En 1972, Barbie, alors réfugié en Amérique du Sud, renouvelle ses accusations dans un long entretien accordé au journaliste brésilien Ewaldo Dantas Ferreira.
Les allégations de Barbie ne résistent pas à un examen sérieux. Ainsi, lorsque le gestapiste prétend que René Hardy lui a désigné Jean Moulin sur les lieux mêmes de l'arrestation, il convient de rappeler que le KdS de Lyon a mis plusieurs jours pour identifier le représentant du général de Gaulle.
Nous savons que, le 23 juin, c'est-à-dire le surlendemain de Caluire, Barbie a envoyé un rapport à ses supérieurs parisiens, rapport dont nous n'avons pas la copie mais dont nous connaissons la teneur grâce à la note transmise le 29 juin 1943 par Ernst Kaltenbrunner, chef du S.D., au ministre des Affaires étrangères du Reich, Joachim von Ribbentrop. Or, cette note, rédigée sur la base des indications fournies par Barbie, soutient que Max n'a pas été arrêté à Caluire, ce qui prouve que, le 23 juin, au moment où il fit son rapport, Barbie n'avait pas encore identifié Jean Moulin et, de ce fait, était persuadé que celui-ci lui avait échappé.
DEUX JOURS APRÈS, LES ALLEMANDS N'ONT PAS ENCORE IDENTIFIÉ JEAN MOULIN Lorsque le gestapiste affirme par ailleurs que René Hardy a reconstitué le plan Vert, il convient de préciser que ce plan ne comportait pas moins de 150 feuillets dactylographiés et mille objectifs codés. Or, entre le moment où Hardy fut relâché, le 10 juin au soir, et celui où il fut pris au piège de Caluire, le 21 juin, nous connaissons avec certitude, jour par jour, et presque heure par heure, son emploi du temps. Quand aurait-il pu trouver les heures, sinon les jours nécessaires à la reconstitution d'un plan aussi volumineux et aussi complexe?
La vérité est très différente: lorsque les Allemands ont perquisitionné les bureaux d'Aubry, le lendemain de l'affaire de Caluire, ils y ont trouvé une série de documents techniques - des calques et des plans - concernant le sabotage de certaines voies ferrées(8). Ces documents, qui n'avaient strictement rien à voir avec le plan Vert provenaient de Londres d'où ils avaient été transportés par avion, le 18 juin 1943.
Lorsque René Hardy fut détenu à l'hôpital militaire allemand de la Croix-Rousse, du 28 juin au 3 aout 1943, Barbie l'interrogea, a plusieurs reprises, sur ces calques et ces plans qui, quelques jours plus tard, furent adressés à la section IV du KdS de Paris, sous la dénomination fallacieuse de plan Hardy. .
Pourquoi Barbie cherche-t-il à tromper ses supérieurs ? Pour tenter de répondre à cette question, il faut revenir sur ce qui s'est passé entre la libération de Hardy, le 11 juin, et l'affaire de Caluire du 21.
Le 12 juin, un certain Max Heilbronn est arrêté par les gestapistes lyonnais, qui tentent de lui faire avouer qu'il est Didot. Ainsi, deux jours après avoir libéré Hardy, Barbie cherche toujours le fameux Didot. A cette date, il est donc toujours persuadé de l'innocence de René Hardy.
L'arrestation de Max Heilbronn est doublement intéressante, car elle prouve également que le chef de Sabotage-Fer n'a livré aucun secret. Si celui-ci, en effet, avait accepté de collaborer avec les Allemands, il n'aurait pas manqué de leur dire que le plan Vert avait été conçu avec l'aide d'un certain .... Heilbronn. Or, que se passe-t-il lorsque Barbie se rend compte que son nouveau «client» n'est pas Didot? Il se contente de l'accuser d'avoir fomenté des grèves dans les dépôts ferroviaires !
Ce n'est que le 20 juin, vers midi, que Klaus Barbie découvre qu'il a été dupé par René Hardy.
Ce jour-là, en effet, le chef de la section IV du KdS de Lyon se trouve à proximité du pont Morand, où il a la surprise de retrouver son ancien prisonnier en conversation avec un homme dont il connaît le rôle important dans la Résistance. Cet homme, c'est Henri Aubry, le chef d'état-major de l'Armée secrète, que l'Abwehr a réussi à « loger» depuis déjà quelque temps.
Certes, il n'a pas manqué de bonnes âmes pour affirmer que c'est René Hardy qui a conduit Barbie au pont Morand. Gaston Defferre, qui avait lui aussi rendez-vous avec Aubry, a même été jusqu'à prétendre que René Hardy était assis sur un banc juste à côté de Barbie, dont le visage aurait été dissimulé par un journal. Qui veut trop prouver ne prouve rien. Nous savons, en effet, que René Hardy, dont nous connaissons l'emploi du temps, n'a plus revu Barbie depuis sa libération. Ce n'est donc pas lui qui a pu le conduire au pont Morand.
Il reste, bien entendu, l'hypothèse d'une filature organisée à son insu, mais alors comment expliquer qu'aucun des nombreux résistants contactés par Hardy n'ait été arrêté(9) ? Quant' à Gaston Defferre, son témoignage est contredit de façon formelle par celui de Mme Raisin, la secrétaire d'Aubry, qui était également présente sur les lieux. Le futur ministre de l'Intérieur a dû se rendre compte de la fragilité de ses allégations, puisqu'il confiera, en 1963 : « Au moment du procès Hardy, j'ai envisagé d'écrire au tribunal ou de venir témoigner, mais le souvenir que j'avais gardé de cet incident et les conclusions qu'on pouvait en tirer n'étaient pas assez précis. »
POUR NE PAS ÊTRE ACCUSÉ D'AVOIR RELACHÉ HARDY En réalité tout est bon pour enfoncer Hardy et ceux qui ont décidé une bonne fois pour toutes de lui faire porter le chapeau n'hésitent pas à passer sous silence des éléments importants du dossier et, parmi ceux-ci, le fait qu'Aubry était « logé» par le S.D. Quatre jours après l'arrestation de Caluire, le chef d'état-major de l'A.S. confiera en effet au Dr Dugoujon :
- Barbie me suivait depuis longtemps, peut-être depuis plusieurs semaines ...
Nous savons également qu'en mai 1943 Aubry fut contacté par un certain André, qui se prétendait griller dans la région toulousaine et auquel ses chefs avaient recommandé de se mettre au service de la Résistance lyonnaise. Sans vérification préalable, il se l'attacha immédiatement en qualité d'inspecteur national de l'Armée secrète. Or, cet André, dont nous ne connaissons pas l'identité réelle, était un agent des Allemands qu'Aubry eut la surprise de retrouver à Paris, aux côtés de ses geôliers, le 27 juin 1943 !
Ces mises au point étant faites, revenons au pont Morand en cette fin de matinée du 20 juin 1943. Barbie, que l'Abwehr a renseigné sur le rôle d'Aubry, constate avec fureur que René Hardy l'a trompé. Et il se rend compte soudainement des conséquences que pourrait avoir sa légèreté si par malheur ses supérieurs apprenaient la vérité. Il est d'autant plus inquiet que Robert Moog, qui, lui, a toujours cru à la culpabilité d'Hardy, serait bien incapable de le dénoncer à ses propres chefs.
L'agent de l'Abwehr n'a d'ailleurs pas perdu son temps. Dès le11 juin, il s'est précipité au domicile du commandant de l'Armée secrète, à Bourg-en-Bresse, et, au cours de la perquisition, il a pris soin d'informer Mme Delestraint que son mari a été arrêté « sur la dénonciation formelle d'Hardy».
Le même jour, à Paris, Joseph Gastaldo, chef du 2e bureau de l' A.S., est interrogé par la Gestapo; les policiers allemands lui montrent un télégramme reçu de Lyon pendant la nuit et sur lequel figure cette question: «Saviez vous que Didot s'identifiait avec Hardy et s'occupait de Résistance Fer?» Or, ce télégramme, tout nous porte à croire que c'est Robert Moog qui l'a envoyé.
C'est donc pour éviter des sanctions qui auraient pu être très sévères que le SS Obersturmführer Barbie va désormais prétendre que René Hardy n'a été relâché que parce qu'il avait accepté de collaborer avec lui. Et, comme il ne peut plus rien entreprendre contre cet homme, sous peine de se déjuger, il va s'empresser de diffuser la nouvelle de la «trahison» d'Hardy, avec l'espoir non dissimulé que la Résistance, ainsi abusée, exécutera elle-même l'individu qui s'est moqué de lui.
Le 21 juin, lorsqu'il fait irruption dans la maison du Dr Dugoujon, Barbie se trouve nez à nez avec Hardy. La prise est encombrante, car l'arrestation du chef de Sabotage-Fer, si elle est maintenue, va à l'encontre de la thèse qu'il s'est efforcé de diffuser. Mais la chance lui sourit : au moment où un gestapiste s'apprête à le faire monter dans l'une des trois voitures, Hardy, qui n'est ténu que par un cabriolet!(10) parvient à s'échapper, partiellement protégé des coups de feu par les arbres de la place Castellane(11)
EST-CE Mme DELETTRAZ QUI A RENSEIGNÉ LES ALLEMANDS ?Pour Barbie, cette évasion est une aubaine, car elle lui permet, dès le lendemain, de répandre la nouvelle que c'est par Didot l'homme qu'il a lui-même retourné, qui a déjà•« vendu» Delestraint, et dont il a favorisé la fuite - que le coup de Caluire a pu être monté(12). C'est cette accusation qu'il glisse dans son rapport du 23 juin et que l'on retrouvera tout naturellement dans la note de Kaltenbrunner.
Il est évident que René Hardy serait plus à l'aise pour clamer son innocence si nous savions précisément comment Klaus Barbie a pu monter l'opération de Caluire. Or, sur les préparatifs de cette rafle, nous n'avons que des éléments partiels et souvent contradictoires.
Mme Delettraz prétend qu'elle a filé Hardy à sa sortie des bureaux de la Gestapo. Or nous savons qu'à cette heure-là Hardy-Didot ne pouvait s'y trouver puisqu'il déjeunait avec son agent de liaison, Roger Bossé, dont le témoignage devant le tribunal militaire est extrêmement précis. Donc, elle ment. Elle affirme par ailleurs que Hardy, ayant rejoint Aubry au pied du funiculaire de la Croix Rousse, où les deux hommes s'étaient donné rendez-vous, elle les suivit à partir de là jusqu'à la place Castellane avant de partir retrouver les Allemands pour les conduire jusqu'à la maison du docteur Dugoujon. En fait, n'est-ce pas Henri Aubry, parfaitement repéré par les Allemands, qui a été suivi par Mme Delettraz ?
Il est d'autant plus difficile de répondre avec certitude qu'un autre témoignage semble attester que Barbie savait qu'il devait se rendre chez le Dr Dugoujon, il en ignorait l'adresse exacte. Le témoin, un officier de paix répondant au nom de Curva, aurait vu le convoi des voitures de la Gestapo s'arrêter dans une rue de Caluire, où l'un des occupants aurait demandé: « Où se trouve la maison du Dr Dugoujon 'l», Après avoir été dirigés vers l'ancienne habitation du médecin, impasse de Verchère, les gestapistes auraient été envoyés place Castellane(13).
« ILS NE FAISAIENT PAS LA GUERRE. ILS JOUAIENT AUX BOY-SCOUTS » Comment les allemands se seraient-ils trompés s'ils avaient été conduits par Mme Delettraz? Celle-ci après avoir suivi Aubry et Hardy, se serait-elle contentée d'indiquer que la réunion se tenait chez le Dr Dugoujon sans préciser l'adresse? Ou bien les Allemands se sont-ils fiés à une information qu'ils avaient déjà? L'auraient-ils tenue de l'entourage d'Aubry - nous pensons, bien entendu, au mystérieux André, agent de l'Abwehr? Ce n'est pas exclu. Le chef d'état-major de l'Armée secrète était, en effet, avec Aubrac et Lassagne, l'une des trois personnes qui ont décidé de la date de la réunion.
Certes, Aubry était censé n'en pas connaître le lieu, mais rien ne prouve qu'il n'y ait pas eu des bavardages partiels qui pourraient expliquer l'erreur des Allemands en ce qui concerne l'adresse du Dr Dugoujon. D'autres bavardages nous sont connus : plusieurs personnes, qui n'étaient pas invitées, savaient qu'une réunion importante devait se tenir le 21 juin, sous la présidence de Max. Le colonel Lacaze, quant à lui, enverra sa fille, le 20 juin, reconnaître les lieux et porter une lettre au Dr Dugoujon, après lui avoir téléphoné!
Henri Aubry, plus particulièrement, n'a cessé, pendant plusieurs semaines, d'accumuler les imprudences. Sans vouloir accabler un homme dont la droiture ne peut pas être mise en question, il convient de rappeler qu'il porte involontairement la responsabilité de l'arrestation du général Delestraint. Lorsque Mme Raisin, sa secrétaire, eût' déposé le fameux message dans la boîte aux lettres de la rue Bouteille, Aubry eut la naïveté de lui dire :
- Vous êtes allée mettre la lettre dans cette boîte! Malheureuse, vous avez de la chance d'être revenue, la Gestapo était dans la maison…(14)
Peut-être Aubry avait-il appris trop tard que cette boîte était grillée, trop tard pour empêcher Mme Raisin de s'y rendre. Mais comment n'a-t-il pas annulé le rendez-vous de la Muette? «Par quelle aberration, s'interrogea Maurice Garçon(15), Aubry a-t-il négligé de prévenir ? Témoignant à cette audience (celle du second procès Hardy), il a naïvement déclaré qu'il n'y avait pas pensé! Vingt moyens s'offraient à lui. Il pouvait faire mettre Hardy en garde, lancer un avertissement à Delestraint, alerter les amis: il n'a rien fait et a laissé un destin implacable mener les événements, sans rien tenter pour détourner leur cours. » Devant de telles fautes, nous comprenons mieux les paroles acides, lancées récemment par René Hardy, lorsque des journalistes vinrent le tirer de sa retraite poitevine:
- C'étaient des boy-scouts. Ils ne faisaient pas la guerre, ils jouaient aux boy-scouts ...
Jean-Claude Valla 1. Abréviation pour Kommando der Sicherheitspolizei und des Sicherheitsdienst (commando de la police de sécurité et du service de renseignement). Le KdS de Lyon, qui couvrait plusieurs départements, était dirigé par le SS Obersturmbannführer (lieutenant-colonel) Werner Knab, Plus spécialement chargée de la lutte contre la Résistance, la section IV correspondait à ce que les historiens ont pris l'habitude de désigner sous le terme de Gestapo.
2. Il s'agit du mouvement lyonnais France d'abord, crée par Georges Cotton.
3. Maurice Garçon, Plaidoyer pour René Hardy, Arthème Fayard, 1950, page 96.
4. Maurice Garçon, op. cit. pages 100-103.
5. Au moment de sa première arrestation, le 12 décembre 1944, René Hardy travaillait au cabinet d'Henri Frenay, qui était alors ministre des Prisonniers, déportés et réfugiés dans le gouvernement du général de Gaulle.
6. Maurice Garçon, op. cit., page 75. L'avocat fait notamment allusion à Mme Delettraz, auxiliaire de la Gestapo, qui fut blanchie par la Justice pour pouvoir accabler René Hardy, el à l'Allemand Steingritt de la section VI du KdS de Lyon, auquel il fut demandé de signer un questionnaire qui comportait déjà les réponses, sous la promesse - d'ailleurs non tenue, ce qui l'amena à se rétracter - qu'il ne serait pas inculpé comme criminel de guerre.
7. Le rôle de Robert Moog a été assez bien relaté, malgré quelques erreurs, par Jean Bourdier, dans un article publié par Minute, le 31 mai 1972, sous le titre Les Mensonges de l'affaire Barbie. Quant au lieutenant Devigny, il fut incarcéré au fort Montluc de Lyon, d'où il s'évada quatre mois plus tard. Le récit de son évasion a inspiré le film de Robert Bresson Un condamné à mort s'est échappé.
8. Les Allemands possédaient bien d'autres documents de même nature, notamment un vieux plan de sabotage signé Didot, qu'ils avaient trouvé dans une des deux valises d'archives récupérées en mars 1943 lors de l'arrestation de François Morin, premier chef d'état-major de l'A.s. Sans oublier les archives de Frenay, saisies à Cluny et à Mâcon, lors de l'arrestation de Bert y A1brecht.
9. Une seule personne a été arrêtée peu après avoir rencontré René Hardy. Il s'agit de Max Heilbronn, mais les circonstances de son arrestation, que l'intéressé a lui-même précisées, mettent hors de cause le chef de Sabotage-Fer.
10. Un cabriolet est une chaîne que l'on tord autour du poignet d'un prisonnier, et dont le garde tient l'extrémité.
11. Cette évasion, comme on peut s'en douter, a fait couler beaucoup d'encre. Il n'est pas possible, dans le cadre de cet article, d'évoquer les arguments qui sont avancés de part et d'autre. Au cours de son procès devant le tribunal militaire, René Hardy a répondu, de façon très précise et parfaitement convaincante, aux accusations et aux insinuations de ses adversaires. « Les évasions, ajoutait-il dans France-Soir (3 juin), paraissent toujours rocambolesques à ceux qui ne les font pas. »
12. Très vite, comme l'avait souhaité Barbie, la Résistance fut convaincue que René Hardy avait « donné » la réunion de Caluire. Le 24 juin, « sur instructions des organismes dirigeants», Lucie Aubrac, l'épouse de Raymond Aubrac, tenta d'empoisonner René Hardy, qui se trouvait alors au quartier des détenus de l'hôpital de l'Antiquaille, en lui envoyant un pot de confiture bourré de cyanure (témoignage de Raymond Aubrac, recueilli par Guy Sitbon, dans Le Nouvel Observateur du 12 juin 1972).
13. Témoignage évoqué par Henri Noguères et Marcel Degliame-Fouché, Histoire de la Résistance, tome III, pages 450 et 451.
14. Témoignage de Mme Raisin évoqué par Maurice Garçon, op. cit., page 84,
15. Maurice Garçon, op. cit., page 86.