Otan: le retour de la défense collective La guerre en Afghanistan n’est que la partie émergée d’un iceberg nommé Otan. Ce que l’on ne voit pas n’est pas le moins important. Cela s’appelle la
«défense collective» et c’est le cœur même de l’Alliance atlantique dont on célèbre ce weekend le 60 ème anniversaire.
Petite devinette : quelle est la différence entre l’Albanie et la Géorgie ? L’une est protégée, l’autre pas. Depuis le 1er avril, et ce n’est pas une blague, l’Albanie a rejoint l’Alliance atlantique, en même temps que la Croatie. Malgré ses demandes pressantes, la Géorgie n’en fait toujours pas partie. Contrairement à la petite république balkanique, la Géorgie ne bénéficie donc pas des garanties de sécurité offertes par le Traité de l’Atlantique nord. On l’a vu en août 2008 : l’armée russe est entrée de vive force sur son territoire. Or, jamais la Russie n’aurait pris ce risque si la Géorgie avait été membre de l’Alliance. Les pays baltes en savent quelque chose. Leurs rapports avec la Russie peuvent être exécrables, ils se savent à l’abri d’une poussée de fièvre militaire de leur grand voisin. Leur assurance-vie s’appelle l’article 5.
Âprement discuté lors de la création de l’Otan, en 1949, cet article stipule qu’
«une attaque armée» contre un pays membres
« sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties.
En conséquence, chacune d’elles […] assistera la partie attaquées en prenant aussitôt telle action qu’elle jugera nécessaire, y compris l’emploi de la force armée». C’est le fondement de l’alliance :
une attaque contre l’Albanie équivaut à une attaque contre les Etats-Unis. Ce sont ces derniers qui ont exigé il y a soixante ans d’ajouter la phrase
«y compris l’emploi de la force armée».Les Européens souhaitaient alors que cet engagement militaire soit automatique, mais Washington - où le Congrès décide souverainement de la paix et de la guerre - n’a pas voulu se lier trop les mains. La «défense collective» est la première raison d’être de l’Otan.
C’était vrai au temps de la guerre froide et cela le reste. Le nouveau
«Concept stratégique» de l’Alliance, dont les travaux seront lancés lors du sommet de Strasbourg, devrait remettre l’accent sur cette notion, C’est en particulier le souhait de la France.
«Ce ne sont certainement les Français qui vont s’inquiéter d’avoir un accord avec les Etats-Unis au cas où nous serions agressés» a plaidé Nicolas Sarkozy, le 12 mars dernier. Des propos qui marquent une évolution de la doctrine française, qui jusqu’à lors insistait plus sur les forces nucléaires françaises que sur l’alliance avec Washington pour dissuader d’éventuels agresseurs. Adopté en 1999 en pleine guerre du Kosovo, le précédent concept stratégique de l’Otan, insistait plutôt sur les opérations de «maintien de la paix». Outre le Kosovo, l’Otan est aujourd’hui essentiellement engagé en Afghanistan, où ses forces sont à la peine. Ces opérations hors de la zone de l’Atlantique nord ont suscité de nombreuses critiques, certains redoutant de voir l’Otan se transformer en «gendarme du monde».
Les Etats-Unis en ont tiré une conclusion inverse : celle de l’inefficacité de l’alliance sur le terrain, paralysée par ces tropismes nationaux et la nécessité permanente de la recherche du consensus. Chaque pays impose des restrictions d’emplois (
caveat, en droit international) qui empêchent, par exemple, les avions allemands de larguer des bombes… Les Etats-Unis préfèrent jouer leur propre partition : ce n’est pas un hasard si le président Obama a redéfini en profondeur la stratégie de son pays en Afghanistan, et donc celle de l’Alliance, une semaine avant le sommet de Strasbourg.
Recentré sur la défense collective, c’est-à-dire sur la résurgence d’une menace militaire russe et les tentations nucléaires de l’Iran, l’Otan
«ne devrait pas organiser une autre mission» comme l’Afghanistan, a confié cette semaine son chef militaire en Europe, le général américain Craddock.
La «
défense collective» a été longtemps assurée par la présence d’armes nucléaires américaines sur le sol européen. Dimanche, en visite à Prague, le président Obama pourrait annoncer le retrait des quelques 200 dernières bombes, basées dans cinq pays [Allemagne, Belgique, Italie, Pays-Bas et Turquie). Une décision essentiellement symbolique qui devrait toutefois être apprécié par Moscou: ce sont de armes anciennes, dont la sécurité fait l’objet de critiques au sein même du Pentagone.
Source : secret défense