Nombre de messages : 29167 Age : 78 Emploi : Français Radicalisé . Date d'inscription : 07/11/2014
Sujet: Georges Mandel le sacrifié . Sam Juil 06 2024, 20:25
Georges Mandel le sacrifié
Ifrane et Meknès au Maroc.
Le château de Chazeron, dans le Puy-de-Dôme.
Un hôtel miteux à Pellevoisin, dans l'Indre.
Un autre hôtel à Aubenas, dans l'Ardèche.
L'Hôtel des bains de Vals.
Le fort glacial du Portalet, dans les Pyrénées-Atlantiques.
Les camps d'Oranienburg et de Buchenwald?
Voilà les stations du martyre de l'ancien ministre Georges Mandel, interné administratif, qui débuta en août 1940 et prit fin il y a quatre-vingts ans le 7 juillet 1944 dans la forêt de Fontainebleau, criblé de neuf balles tirées dans le dos par des miliciens.
Que lui reprochait le régime de Vichy ?
Sans doute d'exister.
Mais surtout d'avoir été le plus violent opposant à l'armistice au sein du gouvernement Reynaud en juin 1940 à Bordeaux, ce qui lui valut d'être poursuivi d'abord pour atteinte à la sûreté de l'État quand il partit sur le Massilia pour Casablanca en juin 1940, puis pour bellicisme et atteintes à la sûreté de l'État.
Comme la coupe n'était pas pleine, on voulut, en vain, lui coller sur le dos des accusations de corruption, de concussion :
« Aucun élu de la IIIe République n'aura vu sa situation financière et même sa vie privée passées de la sorte au crible, sans pouvoir s'expliquer », selon son biographe Bertrand Favreau.
Inventaire et pillage de l'appartement parisien de Georges Mandel, en avril 1941.
Son appartement, avenue Victor-Hugo, fut spolié par les Allemands puis transformé en QG du Rassemblement national populaire, le parti collaborationniste de Marcel Déat.
Pour suggérer l'ironie du personnage, citons sa lettre à Pétain, datée de février 1941, lorsqu'il fut obligé de déclarer sa religion juive :
« Pour mériter plus sûrement certaines attaques, j'ai tenu à proclamer mon ascendance juive quand, en 1920, j'ai fait mes débuts à la tribune de la Chambre en défendant la reprise des relations avec le Vatican? »
Dialogue avec de Gaulle
Jean-Noël Jeanneney avait sous-titré sa biographie de Mandel L'homme qu'on attendait.
Référence à l'occasion manquée du 16 juin 1940 lorsque le major Spears vient demander au ministre de l'Intérieur de le suivre dès le lendemain à Londres.
« Il faut une voix française autorisée, qui n'ait jamais accepté la capitulation pour assurer la direction de l'Empire français », déclare-t-il à l'ex-ministre des Colonies.
« Vous êtes inquiet pour moi parce que je suis juif. Eh bien, c'est justement parce que je suis juif que je ne partirai pas demain. On croirait que je me sauve », lui répond Mandel qui, trois jours avant, a dissuadé de Gaulle de démissionner :
« Vous avez de grands devoirs à remplir, général, mais avec l'avantage d'être au milieu de nous tous un homme intact », lui aurait dit Mandel selon les Mémoires du Général de Gaulle, qui avait tout intérêt à se dire adoubé par le plus résistant d'entre tous.
L'essai raté de Churchill
On a beaucoup glosé sur ce refus de partir de Mandel :
Mais il ne pouvait pas être le de Gaulle du 18 juin.
« De Gaulle ! Rôle indispensable à Londres. Rôle militaire. Mais il y avait aussi beaucoup à faire ailleurs. Londres n'avait pas besoin d'un chef politique », dira Mandel.
Arrêté dès le 17 juin 1940 à Bordeaux, Mandel obtiendra une lettre d'excuses qu'il dictera à Pétain après avoir été remis en liberté.
Les jours suivants, deux missions venues d'Angleterre tentèrent, en vain, à Bordeaux, de persuader Mandel de les suivre à Londres.
Fin juin, à Casablanca, seul des vingt-sept parlementaires à devoir rester sur le Massilia, Mandel est empêché de rencontrer Duff Cooper, le ministre de l'Information de Churchill dépêché pour l'exfiltrer, mais cette fois, ce sont les autorités de Vichy qui font barrage.
Mandel ne sera pas le grand résistant de Londres.
« Ah, si j'avais pu faire sortir Mandel du Maroc », écrira Churchill en janvier 1944 alors qu'il ferraille avec de Gaulle.
Le 8 août 1940, il est de nouveau arrêté, à Casablanca.
De France vers Buchenwald
L'ordre vient de Berlin.
Traîné dans la boue par la presse antisémite, Mandel avait aussi pour ennemis les Allemands, notamment l'ambassadeur du Reich, Otto Abetz, qui déclara dès 1941 vouloir l'étrangler de ses mains.
À la différence de Léon Blum, Jean Zay, le général Gamelin, jugés à Riom, Mandel et Reynaud, incarcérés, n'eurent jamais de procès.
Ils manquèrent d'être livrés aux Allemands en 1941 pour être exécutés.
Ribbentrop, le ministre des Affaires étrangères, préféra les laisser aux mains de Pétain, à condition qu'ils soient détenus à vie.
Puis le 20 novembre 1942, Knochen, le numéro deux de la Gestapo en France, vient lui-même le chercher au fort du Portalet pour l'expédier en Allemagne.
Le refus de sa veuve
Jusqu'à la fin, Mandel gardera espoir, l'espoir aussi d'une opération pour venir le libérer :
« Je n'ai souffert de toutes les persécutions dont j'ai été l'objet que parce qu'elles m'ont empêché de seconder votre effort », a-t-il écrit à de Gaulle le 20 août 1942 dans une lettre secrète qu'il fait passer à Londres depuis le fort.
Le messager, Philippe Roques, tentera en vain de persuader de Gaulle de réunir un commando.
Sa veuve, l'actrice Béatrice Bretty, refusera d'être présente à l'hommage rendu par de Gaulle en 1949, rappelant « qu'il n'avait pas cru devoir apporter d'Angleterre l'aide nécessaire à l'évasion de Georges Mandel ».
Accord entre les nazis et la Milice
Pourquoi Mandel fut-il exécuté et non pas Reynaud ou Blum, Abetz réclamant à nouveau la mort du trio au printemps 1944 ?
Parmi les mobiles, on cite le meurtre par la Résistance de Philippe Henriot, le 28 juin 1944.
Ajoutons la condamnation à mort du colonel phalangiste Magnien en Tunisie, qui déclenche une soif de vengeance chez des miliciens de plus en plus puissants.
Mais l'ordre vient de Berlin :
Hitler s'est déclaré d'accord pour que Mandel, Blum, Reynaud soient fusillés à titre de représailles par le gouvernement français.
« Mais les nazis ont le souci des apparences. Ils vont laisser faire le sale boulot par les Français qui dans le même temps réclament Mandel », précise Favreau.
Pourquoi pas Reynaud ?
L'ex-président du Conseil, qui eut surtout le ministère de la parole, est moins détesté.
Et Blum, certes juif, a derrière lui tout un parti et n'a jamais manifesté de haine envers l'Allemagne.
Mandel, si, et il est isolé.
Une voiture allemande
Le 1er juillet, aux obsèques de Henriot, Abetz annonce la nouvelle à Pierre Laval, qui répond :
« Quel joli cadeau vous me faites ! »
Par ailleurs, les dirigeants de la Milice ont demandé au chef de la Gestapo parisienne que Mandel leur soit livré.
Le 20 juin, l'ex-ministre juif de l'Éducation issu du Front populaire, Jean Zay, détenu à Riom par les autorités de Vichy, a été assassiné dans une forêt par les miliciens :
Une affaire strictement française.
Le 7 juillet, le meurtre de Mandel, livré par l'occupant aux Français, sera surveillé d'une voiture allemande par un officier SS, le Dr Schmidt.
Échec au Panthéon
Les hommages empreints de remords et de culpabilité, analyse Favreau, seront innombrables jusqu'en 1950.
Lors de la panthéonisation de Jean Zay, décidée par François Hollande en 2015, l'équilibre aurait voulu que Mandel, homme de droite, y fasse aussi son entrée.
Il n'en fut rien.
La biographie signée par Nicolas Sarkozy en 1994 lui a-t-elle porté préjudice ?
C'est possible.
Il n'est pas trop tard.
Macron, toujours en quête de panthéonisables, devait aller lui rendre hommage en forêt de Fontainebleau.
Mais il a été tué un 7 juillet.
Et cette année, le 7 juillet 2024 ?...................
« Je ne suis pas abattu, je n'ai pas perdu courage. La vie est en nous et non dans ce qui nous entoure. Être un homme et le demeurer toujours, Quelles que soient les circonstances, Ne pas faiblir, ne pas tomber, Voilà le véritable sens de la vie ».
81/06, Eva et marienneau jean-michel aiment ce message
Eva Admin
Nombre de messages : 4660 Age : 72 Emploi : Retraite Date d'inscription : 01/02/2021
Sujet: Re: Georges Mandel le sacrifié . Sam Juil 06 2024, 21:56
Que de haines, malveillances et cruauté en ces années là.
« Lorsque dans notre pays on parle de courage et de grandeur, c’est vers les croix de guerre que se tournent les regards » Alphonse JUIN Maréchal de France
Commandoair40 et 81/06 aiment ce message
Alexderome Admin
Nombre de messages : 9338 Age : 59 Emploi : A la recherche du temps perdu Date d'inscription : 22/10/2010
Sujet: Re: Georges Mandel le sacrifié . Sam Juil 06 2024, 22:53
Les miliciens avaient prétextés une panne pour l’assassiner. Mais l’instigateur est bien Hitler, pourquoi Mandel et pas Blum, juif de gauche ?