La force aérienne allemande teste un radar passif susceptible de détecter les avions « furtifs »
par Laurent Lagneau · 26 octobre 2023
En 2018 , le groupe Hensoldt expliqua que son radar passif Twinvis avait été en mesure de détecter deux chasseurs-bombardiers furifs F-35A américains à l’occasion de leur participation au salon aéronautique ILA de Berlin. Cependant, Lockheed-Martin relativisa la portée de cette « performance » en faisant valoir que les deux avions en question avaient été équipés de lentilles dites de Lüneberg afin de les rendre justement détectables par souci de sécurité puisqu’ils devaient s’immiscer dans le trafic aérien civil.
Seulement, réflecteur ou pas, cela ne changea rien à l’affaire… En effet, un radar passif, dont les bases avaient été jetées dès 1943 par le groupe allemand Telefunken, n’émet pas d’ondes électro-magnétiques pour repérer un objet et déterminer sa position. En revanche, il utilise toutes les ondes émises par des émetteurs de radio, de télévision et de téléphonie mobile, voire aussi par des radars actifs, des satellites de télécommunication et de géolocalisation.
De telles ondes sont réfléchies dès qu’elles recontrent un obstacle, comme par exemple un avion en mouvement, puis elles sont captées par le recepteur du radar passif. Théoriquement, il est donc possible de détecter, de suivre la trajectoire et d’évaluer la vitesse de déplacement d’une cible potentielle. Et cela, sans prendre le risque de se faire repérer et « brouiller » puisqu’un tel système n’émet aucun signal.
« En utilisant des bandes de fréquences basses, un radar passif présente un complément de couverture aérienne, notamment aux basses altitudes, très appréciable par rapport aux radars actifs, qui couvrent essentiellement les zones de moyenne et haute altitudes », avaient expliqué deux ingénieurs de Thales, dans les pages d’un hors série du magazine « Pour la science ».
Qui plus est, les revêtements absorbants des avions de combat dit de 5e génération sont peu efficaces contre les ondes de basses fréquences… Ce qui ne fait qu’accroîtrer leur « vulnérabilité » face à un radar passif.
Une telle technologie intéresse la Direction générale de l’armement [DGA]. Un radar passif aéroporté avait ainsi été testé en 2015 par l’Office national d’études et de recherches aérospatiales [ONERA], associé au Centre de recherche de l’armée de l’Air [CReA] et au laboratoire SONDRA. Plus récemment, l’édition 2021 du Document de référence de l’orientation de l’innovation de Défense [DROID] a évoqué le développement d’un « démonstrateur de radar passif pour la surveillance aérienne ».
Si Thales a déjà développé le MSPR [Muti-static Silent Primary Radar, ndlr], Hensoldt a visiblement un coup d’avance avec son Twinvis… puisque ce système est actuellement en train d’être testé par la force aérienne allemande [Luftwaffe].
Il s’agit de vérifier si une telle technologie « peut fournir un signal précoce de l’approche de menaces », a détaillé le général Ingo Gerhartz, le chef d’état-major de la Luftwaffe, au magazine américain Defense News.
A priori, le Twinvis intéresse d’autres armées. En août, Hensoldt a fait savoir que trois autres pays, qu’il n’a pas cités, venait de lui notifier des contrats pour s’en procurer quelques exemplaires.
« Notre traitement du signal entièrement automatisé et la fusion des données de capteurs ouvrent aux forces armées une possibilité sans précédent de mener des opérations secrètes à longue distance contre un large éventail de cibles, jusqu’aux menaces furtives », a en effet indiqué l’industriel, via un communiqué diffusé le 4 août dernier.
Cela étant, si un radar passif présente certains avantages, il a aussi ses inconvénients. Ou, du moins, il suppose de réaliser d’autres avancées technologiques, comme par exemple en matière de puissance de calcul. Inutile dans une région peu peuplée, il faut par ailleurs disposer des caractéristiques et de la localisation précise des émetteurs exploités, ce qui passe par l’intégration de « systèmes de mesures dédiés à la récupération de ces informations », avaient expliqué les ingénieurs de Thales à « Pour la science ».
Photo : Hensoldt