Les filles de l'Escadron Bleu

Bien que relativement peu connu, le nom de Madeleine Pauliac illustre une page de bravoure extraordinaire vécue par une jeune française pendant la Seconde Guerre mondiale.

Dès le début du conflit, Madeleine Pauliac met ses compétences de médecin hospitalier au service de la Résistance avant de rejoindre le service de santé de la 2ème DB où elle recevra le grade de lieutenant. C’est en février 1945 qu’elle se voit confier la mission de rapatrier les Français éparpillés par le conflit à travers la Pologne. Médecin-chef d’un hôpital français ouvert à Varsovie, elle contribue avec la Croix-Rouge française à rechercher, soigner et évacuer les prisonniers français tout en venant en aide à la population locale. Elle apporte notamment un précieux secours aux religieuses violées par des soldats de l’Armée rouge, épisode qui constitue la trame du film « Les innocentes » réalisé par Anne Fontaine.

En juillet 1945, elle est rejointe à Varsovie par 10 jeunes ambulancières et infirmières de la Croix-Rouge française réparties dans 5 ambulances. C’est ainsi que débute l’épopée des filles de l’Escadron bleu dont Madeleine Pauliac prend la tête. Ainsi dénommées en raison de la couleur de leur uniforme, ces jeunes filles téméraires sillonneront les routes de Pologne et parfois même au-delà, le plus souvent dans des conditions très périlleuses. Les filles de l’Escadron bleu feront preuve d’un remarquable courage et accompliront jusqu’en novembre 1945 plus de 200 missions de sauvetage de Français blessés retenus prisonniers.

C’est ce parcours héroïque que l’association franco-polonaise Loire-Vistule a souhaité mettre en lumière pour illustrer une page exemplaire de l’histoire des deux pays à l’occasion de la sortie en 2020 du film documentaire réalisé par Emmanuelle Nobécourt et Philippe Maynial, neveu de Madeleine Pauliac et auteur du livre « Madeleine Pauliac, l’insoumise ». D’où la projection de ce film le 4 septembre 2021 à l’auditorium du Musée des Beaux-Arts, séance qui sera suivie d’un débat avec Philippe Maynial.

La Croix-Rouge Centre Val de Loire s’est volontiers associée à cette initiative qui rend hommage au courage de ces jeunes volontaires françaises et notamment à Madeleine Pauliac qui a du reste reçu la Croix d’or, la plus haute distinction de la Croix-Rouge polonaise.

Quant à la section du Loiret de la Société des membres de la Légion d’Honneur, elle ne pouvait trouver plus belle figure, pour fêter le centenaire de la SMLH, que cette légionnaire hors du commun qui incarne si bien la devise de la société : « Honneur - Patrie - Solidarité ».

Près de 230 ambulancières de la Croix Rouge française ont rapatrié plus de 60 000 déportés, juste après la libération des camps de la mort. Parmi elles, onze jeunes filles regroupées au sein de l’Escadron bleu.

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L’an dernier, plusieurs enfants des anciennes conductrices ambulancières de la Croix Rouge française se sont rendus en Pologne, sur les traces de leurs mères, à Varsovie et au camp d’Auschwitz. « Dès qu’on le peut, on se retrouve comme elles le faisaient à l’époque », témoigne Huguette Rother, habitante d’Artzenheim, fille d’Aline Tschupp, originaire d’Habsheim, l’une de ces héroïnes.

Réalisé par Emmanuelle Nobécourt et Philippe Maynial, le film croise les destins de ces onze jeunes femmes avec celui de Madeleine Pauliac, qui dirigeait alors l’antenne de la Croix Rouge à Varsovie. Leur mission ? Rapatrier les déportés des camps de la mort. « Ces filles ont été parmi les premières à pénétrer dans les camps de concentration avec l’armée américaine », souligne Emmanuelle Nobécourt. Ce furent des missions incroyables. Elles ont été d’un héroïsme inimaginable. »

Huguette Rother ne dit pas autre chose de sa mère, décédée en 1986. « Elle est toujours restée très humble. D’ailleurs elle racontait peu cette période de sa vie. Elles ont toutes vécu des horreurs ! » Aline Tschupp vivait à Soissons durant la guerre où elle travaillait comme nourrice dans une famille. Quelques jours avant le Débarquement, elle rejoint la Croix Rouge à Metz. « Elle voulait juste se rendre utile », dit sa fille. Après une formation, elle intègre ce fameux Escadron bleu, baptisé ainsi en raison de la couleur des uniformes des jeunes femmes qui provenaient de l’armée américaine.

À bord d’ambulances Austin offertes par l’ambassade de Grande-Bretagne, Aline et ses collègues arrivent à Dachau le lendemain de la libération du camp par les Américains, le 29 avril 1945. « Dès l’entrée, nous avons été saisies par l’odeur qui s’exhalait d’une tranchée où du sang humain était stocké », racontait Jeanine Robert, en 2015, dans le Quotidien du médecin. Il a fallu trier parmi les déportés ceux dont l’état nécessitait un rapatriement prioritaire. »

Débute alors une noria d’ambulances entre la France et l’Allemagne ou la Pologne. Les ambulancières effectuent chaque jour des centaines de kilomètres sur des routes défoncées pour tenter de sauver des rescapés dont l’état de santé est précaire. « Elles n’avaient pas ou peu de médicaments », raconte Huguette Rother. Pas d’antidouleur, encore moins d’antibiotiques. Rien pour soigner les crises de dysenterie, d’angoisse. « Elles-mêmes souffraient de la pénurie, du manque de soin, d’eau… La Pologne était ravagée. C’était un monde livré à la sauvagerie », insiste la réalisatrice.

« Pour récupérer les Français dans les camps, elles tournaient avec leur ambulance en klaxonnant et en chantant La Marseillaise ! », ajoute Huguette. Après Dachau, l’Escadron bleu évacuera des déportés de Buchenwald et d’Auschwitz. En six mois, le groupe rapatrie plus de mille hommes et femmes dont un certain Jean Bentz, originaire de Jebsheim qui avait été interné à Tambov et qu’Aline Tschupp avait soigné. Ils se retrouvèrent presque par hasard vingt ans plus tard.

« Ces femmes se sont données pour servir leur pays et l’autre », souligne Emmanuelle Nobécourt. C’est une vraie leçon de vie pour nos jeunes. Il y a des valeurs humaines qui, dans des circonstances exceptionnelles, transcendent tout. L’Histoire est intéressante quand elle fait écho à notre présent et donne à réfléchir sur la façon dont on vit ».