Au revoir à un “PADRE” hors normes !
Le 15 février dernier Le père Lallemand faisait ses adieux à la Légion et était fait à l’occasion “ Légionnaire d'honneur”
Dernière messe célébrée à la Légion, le mercredi 15 février 2018 par le père Yannick Lallemand à la chapelle du quartier Viénot à Aubagne lors de son départ en retraite, lors de laquelle son sermon fut une fois de plus remarquable et ce n’est rien de dire qu’il chargeait d’émotions, les anciens légionnaires et les cadres d’actives présents.
Au revoir Padre ! Yannick Lallemand
A l'issue de la messe, une cérémonie présidée par le général Jean Maurin, précisait toute l'estime de la Légion étrangère pour un de ses plus fidèles aumôniers avec la distinction de légionnaire honoraire, juste reconnaissance pour 50 ans de sacerdoce dont 23 passés au service de la Légion étrangère.
Le père Yannick Lallemand a servi comme officier du contingent lors des évènements en Algérie ( au cours desquels il a perdu son frère aîné, également soldat ) à partir de juillet 1958 en tant que chef de section* dans un commando de chasse (Kimono 36 ou K36.) Il s’y distingue rapidement et finit la guerre d’Algérie avec le grade de lieutenant de réserve et deux citations.
(*) Le séminariste Yannick Lallemand était sorti aspirant de son stage à l'Ecole d'Officiers de Réserve de Cherchell, en Algérie, (Promotion 806 / 04 juillet-15 décembre 1958) et affecté au 22ème RI à Ténès,
L’ancien séminariste devenu Lieutenant, répond ensuite à sa vocation et est ordonné en 63. Il devient aumônier militaire et est affecté au 4° REI ou son charisme et son carnet de sauts particulièrement gonflé lui vaudront par la suite son surnom dans la Légion ‘Le Padré’*
(*) Un curé avec une vraie paire de co.....! Grosses comme des noix de coco ! Qui a coiffé presque tous les bérets, noirs, bleus, rouges; verts; Il sauta notamment sur Kolwézi avec le 2° REP
En 1981 il quitte une première fois la Légion pour Pau et son 1er RCP qu’il accompagne dans la douleur et dans l’épreuve du lâche attentat de Drakkar du 23 octobre 1983 à Beyrouth au Liban (qui causa la mort de 58 Paras du 1er RCP). Ou il obtient de rester quelques temps pour aider physiquement et spirituellement, Cela alors qu’il vient d’être nommé aumônier du groupement aéroporté à Albi, auprès du 3e RPIMa de Carcassonne.
A Beyrouth il est notamment cité, entre autres, pour son obstination à rechercher les parachutistes ensevelis sous les décombres de l’immeuble Le Drakkar.
De même en 1984 et en 1986, lorsqu’il est au Tchad pour les opérations Manta et Epervier, au cours desquelles il est encore cité.
Après le Tchad, c’est la Nouvelle-Calédonie, (ou j’ai eu moi même eu l’honneur de lui être présenté lors d’une de mes périodes de réserve active à la BA de La Tontouta, en qualité d’Officier de Réserve de l’Armée de l’Air qui m’avait offert un poste Mob. PN - m’incitant à “fuguer” de l’ALAT qui n’avait pas de service de réserve)
Ensuite il est affecté en République centrafricaine.
C’est là, que touché par le sort des militaires locaux, il quitte en 1986 l’uniforme et l’armée française et devient aumônier catholique de l’armée tchadienne pendant 10 ans.
Au service des chrétiens de l’armée tchadienne. Il y côtoie la misère, et le dénuement, ce qui le renforce dans sa foi au service des plus petits.
Engagé de nouveau dans sa nouvelle ‘Mission’,
Il fait du presbytère de Faya-Largeau (Tchad) son quartier général, d’où il rayonne pour aller rebâtir ces chrétientés du désert…. « Nous avons reconstruit une vingtaine d’églises, écroulées ou détruites par les Libyens. Ils avaient transformé en w.-c. celle de Faya. A Mao, nous avons commencé, à deux fidèles, sous un arbre. J’ai vu l’Esprit Saint travailler. Bientôt, nous nous sommes retrouvés à deux cents ».
Les visites dans les missions l’éreintent....
« Pendant la tournée des postes, je n’avais pas une minute libre. Les fidèles me mangeaient, avec des baptêmes et des confessions par dizaines. Et en même temps, tout repose sur vous; vous êtes terriblement seul. Quand je rentrais à Faya, tous les mois et demi environ, je faisais l’expérience extraordinaire de la présence vivante de Jésus-Hostie qui m’attendait.
C’est là que j’ai vraiment découvert ce qu’est la solitude et l’adoration. C’est l’adoration qui m’a permis de tenir ».
Il en revient en 1996.
A son retour en France, il dessert la garnison de Montpellier puis celle de Castelnaudary au sein du 4ème Etranger pendant six années. Atteint par l’âge de la retraite en 2002, il poursuivait depuis cette date son ministère de façon bénévole.
Rentré chez les bénédictins de Notre-Dame de Ganagobie, il prend l’habitude de passer trois jours en silence tous les mois. Mais continue aussi à pratiquer ses marches régulières de 60 km sac au dos, qui l’incitent peut-être ? à revenir dans l’armée. Il reprend alors son ministère d’aumônier, avec Montpellier puis Castelnaudary, où il retrouve les légionnaires du 4e REl (Régiment étranger d’infanterie).
Avec eux, il fait la marche képi blanc, soixante kilomètres sac au dos, « le moment le plus important de leur formation. C’est là qu’il faut être ». confie-t-il !
60 ans au service de la France, 55 ans au service de l’Eglise, 23 ans au service de la Légion
difficile chez ce grand Monsieur de dissocier le soldat du prêtre...
Discours du Général de division Jean Maurin, le 15 février 2018, à Aubagne
C’est dans cette salle d’honneur du musée de la Légion étrangère, que sont accueillis chaque semaine selon un rite immuable les jeunes engagés volontaires en partance pour Castelnaudary, quatre mois plus tard ces mêmes engagés devenus légionnaires lorsqu’ils sont affectés dans leur régiment, et ces mêmes légionnaires aguerris par cinq à quarante années de service lorsqu’ils disent Au revoir à la Légion à quelques heures de leur retour à la vie civile. C’est donc dans cette même salle
D’honneur que nous avons choisi de vous dire Au revoir, Padre, notre Padre. Vous ne vouliez pas faire de bruit en nous quittant, mais nous ne voulions pas que vous partiez dans l’indifférence. Dans la sobriété de cette salle d’honneur qui lui donne toute sa solennité, nous tenons à vous exprimer toute notre reconnaissance pour ce que vous nous avez apporté. Nous, c’est la maison mère de la Légion étrangère bien sûr, mais ce sont aussi toutes ces têtes qui vous sont familières et qui représentent les régiments, les anciens, les familles et les amis qui vous sont si chers. Ces têtes présentes autour de vous, mais aussi tous ces visages des légionnaires qui sont passés par cette salle d’honneur.
60 ans au service de la France, 55 ans au service de l’Eglise, 23 ans au service de la Légion. Soldat et prêtre. Padre, vous êtes un homme de courage et un homme de foi, qui avez mis en pratique chaque jour cette citation du curé d’Ars, qu’aimait tant rappeler le Père Hirlemann, au point qu’il la fit graver dans l’église de Puyloubier : “on n’a rien fait tant qu’on n’a pas tout donné.”
Il est difficile de dissocier chez vous le soldat du prêtre, tant dans votre vie les vertus de l’un se sont nourries de celles de l’autre. C’est d’ailleurs ce qu’écrivit si bien l’un de vos chefs de corps, recevant un jour la redoutable mission de vous noter, et qui trouva cette phrase salvatrice, mais sonnant ô combien juste : « la sainteté est entrée dans la Légion. »
Il est difficile de dissocier chez vous le soldat du prêtre
Soldat, vous l’avez été, d’abord par le service des armes puisque comme chef de commando de chasse en Algérie, vous avez été cité à deux reprises. Soldat, vous le resterez comme aumônier militaire, en ayant troqué votre arme pour votre service quotidien des plus humbles, par votre présence rassurante et par le gain de deux autres citations. A cette bravoure du soldat, vous avez joint à maintes reprises le courage de l’engagement, physique et moral. En accueillant sur le port de Marseille sous la huée des dockers, une quarantaine de harkis et leurs familles, de la section de l’un de vos frères qu’il réussit, malgré tous les barrages, à envoyer en France, et donc, à sauver de l’assassinat par le FLN. Cela vous valut, par la pleutrerie d’un préfet et d’un évêque, d’être ordonné avec six mois de retard, non pas traditionnellement dans la cathédrale du diocèse comme vos amis séminaristes, mais en catimini dans votre village du Poitou.
Une des grandes vertus du soldat est la patience. Vous avez dû attendre six ans de sacerdoce pour rejoindre l’aumônerie militaire, que vous désiriez tant, car cette affection pour ces harkis, pour nos soldats et pour l’Algérie où l’un de vos frères y est mort pour la France, était alors punie.
En septembre 1970, vous accédez à l’aumônerie militaire, auprès des chasseurs alpins de Chambéry et de Bourg Saint-Maurice. Puis en 1972, ce sont les parachutistes du 3e RPIMa et en 1975 la Corse, principalement au sein de nos deux régiments de Légion qui y sont stationnés à Calvi, Corte et Bonifacio. Vous enchainez les missions, les exercices et les opérations en Corse, en Guyane, à Kolwezi, à Djibouti, et aux Comores. Mais ce que retiendront d’abord les légionnaires, c’est votre présence quotidienne auprès d’eux, à l’ordinaire quand vous servez la soupe, lors des marches et des manœuvres où vous donnez d’abord aux autres la nourriture que vous portez, lors des 8000 TAP, lors des 1er sauts des jeunes légionnaires. Vous êtes celui « qui ne parle pas comme les autres » disent les légionnaires. C’est vrai, l’aumônier ne donne pas d’ordre, mais vous êtes là, dans l’épreuve, dans la difficulté ou dans la solitude de ces légionnaires qui vous adoptent déjà comme l’un des leurs.
En 1981, vous quittez une première fois la Légion pour Pau et son 1er RCP que vous accompagnerez dans la douleur et dans l’épreuve du lâche attentat de Drakkar en octobre 1983 au Liban, alors que vous venez d’être nommé aumônier du groupement aéroporté à Albi, auprès du 3e RPIMa de Carcassonne. Puis c’est le Tchad, la Nouvelle-Calédonie, et la République centrafricaine. Vous quittez l’uniforme en 1986 et retournez au Tchad, pour 10 ans au service des chrétiens de l’armée tchadienne. Vous y côtoyez la misère, et le dénuement vous renforce dans votre foi au service des plus petits.
Montpellier, Castelnaudary, Aubagne, et aujourd’hui nos anciens de Puyloubier et d’Auriol. Le grand soldat bien connu de tous est aussi le saint prêtre qui déjeunait à l’ordinaire chaque dimanche avec les tous jeunes engagés volontaires en partance pour Castelnaudary, qui marchait avec eux pour qu’ils gagnent leur képi blanc, qui accompagnait les jeunes officiers en formation, qui aujourd’hui toujours conseille et réconforte ceux qui le souhaitent, qui visite les blessés, les malades et les anciens, qui marie, baptise, pardonne, enterre et absout.
Padre, vous aimez à dire « autre celui qui sème, autre celui qui récolte ». Soyez persuadé qu’en ces 60 années au service de notre pays, ce que vous avez semé auprès des plus humbles a déjà porté du fruit. La communauté légionnaire vous en remercie. Elle vous souhaite une bonne retraite partagée entre votre famille dans le Poitou et vos frères moines de Ganagobie. Elle souhaite vous exprimer sa reconnaissance d’une manière toute particulière : vous élever à l’honorariat. Vous ne rejoignez pas le millier de légionnaires de 1ère classe d’honneur, ni la centaine de caporaux d’honneur, mais la dizaine de légionnaires d’honneur que compte dans son histoire la Légion étrangère, car comme le dit l’Ecriture « celui qui veut être le plus grand, qu’il se fasse serviteur des autres ». Vous avez été le serviteur de Monsieur légionnaire. Il vous dit merci, légionnaire Lallemand.
Par le Général de division Jean Maurin commandant la Légion étrangère