Soudan : La France a lancé une opération d’évacuation de ses ressortissants
PAR LAURENT LAGNEAU · 2
Au Soudan, depuis maintenant une semaine, les combats font rage entre l’armée régulière du général Abdel Fattah al-Burhane et les Forces de soutien rapide [FSR] dirigées par son désormais ancien allié, le général Mohamed Hamdane Daglo [alias Hemeti]. Et en marge de ceux-ci, un convoi diplomatique américain a fait l’objet d’une attaque tandis que l’ambassadeur de l’Union européenne [UE] en poste à Karthoum, l’Irlandais Aidan O’Hara, a été agressé dans sa résidence.
Aussi, au regard de la situation, plusieurs pays ont dit envisager l’évacuation de leurs ressortissants du Soudan. Seulement, de nature défensive [même si des actions « offensives » ne sont pas exclues pour s’emparer de points clés] et se déroulant généralement en milieu urbain, une opération de type RESEVAC est toujours délicate à planifier.
« En raison des enjeux diplomatiques et humains qu’elle implique, une décision d’évacuation est souvent différée au maximum par l’autorité politique. Par ailleurs, le cadre juridique d’une
opération d’évacuation limite les possibilités de déploiement préalable des forces [celui-ci restant assujetti en principe à l’aval du pays ‘hôte’]. C’est pourquoi, ce type d’opération est la
plupart du temps déclenché et conduit dans l’urgence », explique la doctrine des forces françaises en matière de RESEVAC [DIA – 3.4.2].
En outre, il fait plusieurs conditions préalables pour lancer une opération de type RESEVAC, à commencer par une [relative] accalmie dans les combats. Ainsi, le 19 avril, l’Allemagne a dû interrompre celle qu’elle envisageait de mener au Soudan avec trois avions de transport A400M de la Luftwaffe en raison d’une reprise des affrontements et de frappes aériennes à Khartoum. Qui plus est, l’accès à l’aéroport de la capitale soudanaise n’était pas garanti.
Ainsi, ayant tenté d’obtenir vainement un cessez-le-feu entre les belligérants, l’UE a indiqué, le 21 avril, qu’elle tenterait de faire évacuer quelque 1500 européens du Soudan.
« L’évacuation ne pourra pas se faire par l’aéroport, fermé, mais par voie terrestre et nous avons besoin d’un cessez-le-feu de trois jours pour mener une telle opération », a confié un responsable de l’UE à l’AFP. « Les conditions sécuritaires ne sont pas réunies pour envisager une telle opération pour le moment, mais nous serons prêts le moment venu », a-t-il ajouté, la France [qui peut s’appuyer sur Djibouti] et la Grèce étant appelée à coordonner ce RESEVAC.
Dans le même temps, et selon les données obtenues via les sites de suivi du trafic aérien, un A330 MRTT de l’armée de l’Air & de l’Espace [AAE] a été repéré à Djibouti au cours de ces dernières 24 heures tandis qu’un autre appareil du même type se tenait en alerte à N’Djamena.
Finalement, l’opération de RESEVAC a pu être lancée ce 23 avril, selon un communiqué publié conjointement par les ministères des Affaires étrangères et des Armées.
« Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères et le ministère des Armées coordonnent une opération d’évacuation rapide de notre personnel diplomatique et de nos ressortissants au Soudan, en lien avec toutes les parties prenantes ainsi que nos partenaires européens et alliés. Cette opération inclut des ressortissants de ces États ainsi que le personnel diplomatique européen », ont-ils fait savoir, sans plus de détails au sujet des moyens sollicités.
À l’antenne de franceinfo, Anne-Claire Legendre, la porte-parole de la diplomatie française, a précisé que l’opération a pour but de « fermer l’ambassade » [de France] et, plus largement, d’évacuer « du personnel diplomatique européen et certains ressortissants des États membres ».
Cette opération a été déclenchée après celle ordonnée par Joe Biden, le président des États-Unis.
En effet, via un communiqué publié par la Maison Blanche, les forces américaines ont « mené une opération pour extraire le personnel du gouvernement américain de Khartoum ». Celle-ci a mobilisé trois hélicoptères de transport lourd [HTL] CH-47 Chinook [dont les forces françaises sont dépourvues, ndlr] ainsi que, a priori, au moins un avion « gunship » de type AC-130J Ghostrider. Elle a permis d’évacuer un « peu moins d’une centaine » de personnes, dont « plusieurs diplomates étrangers ».