[size=30]Éphéméride du 29 décembre[/size]
jeudi 29 décembre 2022Premières sanctions vaticanes contre l’Action Française
1743 : Mort de Hyacinthe Rigaud
Autoportrait au manteau bleu, Musée de Montfort l’Amaury
rivagedeboheme/peinture-17e-siecle/hyacinthe-rigaud
hyacinthe-rigaud.over-blog
Son célébrissime portrait de Louis XIV, que l’on peut admirer au Louvre est l’original d’un portrait que le Roi-Soleil voulait offrir à son petit-fils, le duc d’Anjou, parti régner à Madrid sous le nom de Philippe V, et devenu le premier roi Bourbon d’Espagne du fait de l’acceptation par Louis XIV du testament de Charles II, le dernier des rois Habsbourgs, qui offrait le trône d’Espagne à un prince français.
Mais, lorsque Louis XIV vit le chef-d’œuvre que venait de réaliser Hyacinthe Rigaud, il fut si satisfait du tableau qu’il décida de le garder pour ses propres collections, et demanda au peintre d’en réaliser une copie, qui, elle, fut, cette fois, envoyée à Madrid. C’est donc bien l’original du tableau que l’on admire toujours au Musée du Louvre..
Commandé par Louis XIV en 1701 pour son petit-fils, le roi d’Espagne Philippe V (l’acceptation du testament est de 1700…) ce portrait fut exposé au Salon de 1704 et fit partie des collections de Louis XIV, demeurant ensuite dans les collections royales, avant d’entrer en 1793 au Muséum musée du Louvre.
Louis XIV est représenté à soixante-trois ans, en costume de sacre, l’épée royale au côté, la main appuyée sur le sceptre et la couronne posée sur un tabouret derrière lui; il est important de comprendre la symbolique du tableau :
1926 : Premières sanctions vaticanes contre l’Action française, décrétées par Pie XI
• « Premières » car elles seront aggravées le 8 mars suivant : le 29 décembre 1926, c’est – seulement – l’ensemble des ouvrages de Maurras ainsi que le quotidien L’Action française qui sont mis à l’Index par décret du Saint-Office ; le 8 mars 1927, les adhérents de l’Action française seront carrément interdits de sacrements.
• « Sanctions » et non « Condamnation », car ni l’Action française, ni Maurras, ni le Royalisme n’ont jamais été « condamnés » par l’Eglise catholique.
Lorsque l’Eglise catholique « condamne » un mouvement, une doctrine, une théorie, une personne… il s’agit d’un acte définitif et irrévocable, absolument irréversible, sur lequel aucun Pape ne pourra jamais revenir, jusqu’à la fin des Temps.
Ainsi, le pape Pie XI a « condamné » le nazisme le 14 mars 1937, par la Lettre Encyclique « Mit brenender sorge », et le communisme (mot usuellement employé pour définir le « marxisme-léninisme »), le 19 mars 1937, par la Lettre Encyclique « Divini redemptoris ». Aucun Pape n’est revenu sur ces « condamnations », et aucun Pape n’y reviendra jamais : il est dès lors impossible à quiconque se dit catholique d’adhérer aux théories nazies et marxistes, sauf à s’exclure de l’Eglise catholique.
Rien de tel ne s’est passé pour l’Action française en 1926 : aucune Lettre Encyclique n’est venue « condamner » le Royalisme, ni Maurras, ni l’Action française.
Il y a donc seulement eu des « sanctions » pontificales, le 29 décembre 1926, les ouvrages de Charles Maurras ainsi que le quotidien « L’Action française » ont simplement été « mis à l’Index », c’est-à-dire interdits de lecture pour les catholiques. Et, un peu plus de deux mois plus tard, le 8 mars 1927, ces « sanctions » furent aggravées : les catholiques qui restaient fidèles au mouvement royaliste se voyaient privés de tout sacrement, y compris au moment de leur mort.
Le toujours excellent site Maurras.net a consacré à ce sujet un dossier complet, remarquable de rigueur, et qui peut être considéré comme faisant autorité :
maurras.net/textes/159
Dans ses magnifiques « Manants du Roi », Jean de La Varende a bien conté la souffrance qui résulta de ces sanctions iniques : il y consacre trois nouvelles (la septième, « La Fugue », la huitième, « L’enterrement civil » et la neuvième, « La Procession ») et dédicaça la huitième de ces nouvelles (« L’enterrement civil ») « A la grande mémoire de Jacques Bainville« , qui fut lui-même, en 1936, privé d’obsèques religieuses, car ce ne fut que 13 ans plus tard, en 1939, que le nouveau pape Pie XII – dont ce fut l’un des tous premiers actes – leva ces sanctions, sans contrepartie ni rétractation de la part de l’Action française. Fait très rare dans l’histoire de l’Eglise : les injustes sanctions vaticanes entraînèrent la démission d’un cardinal, Louis Billot, théologien et prêtre jésuite, créé cardinal par le pape Pie X en 1911, qui démissionna en 1927 en raison de son désaccord avec les sanctions contre l’Action française prises par Pie XI.
On attribue au cardinal Billot une grande partie de la rédaction de l’encyclique Pascendi, qui condamne le modernisme ; ce qui est certain, c’est que le cardinal critiqua sévèrement la conduite du pape, si bien que celui-ci le convoqua auVatican. C’est le 13 septembre 1927 que Pie XI le reçut en audience : celle-ci fut étrangement brève et silencieuse. Quand Louis Billot sortit de chez le pape, il n’était plus cardinal : il s’était sans cérémonie dépouillé de ses insignes et de son titre cardinalice. Tous les insignes de l’ex-cardinal Louis Billot restèrent dans le bureau du pape, qui accepta officiellement sa démission le 21 octobre. Son geste sera expliqué publiquement, mais après sa mort, par la publication d’une de ses lettres datée du 2 mars 1928 à la revue des Jésuites, Etudes : « …J’ai toujours répondu, soit de vive voix, soit par écrit, à tous ceux qui me consultaient sur la ligne de conduite à tenir, qu’il leur fallait non seulement éviter avec soin tout ce qui aurait un semblant d’insoumission ou de révolte mais encore faire le sacrifice de leurs idées particulières pour se conformer aux ordres du Souverain Pontife. Pour ma part personnelle, je me suis, tout le premier, tenu à cette règle… »
Comment expliquer ces sanctions vaticanes, venant après les deux règnes très bienveillants vis-à-vis du royalisme français de saint Pie X et de Benoît XV ? Deux règnes qui durèrent tout de même 22 ans, Pie X étant élu le 4 août 1903 (décédé le 20 août 1914) et Benoît XV élu le 3 septembre 1914 (décédé le 22 janvier 1922).
• On sait que Maurras a écrit, entre autres, un ouvrage au titre éloquent, Le bienheureux Pie X sauveur de la France; et on sait aussi que la mère de Maurras, croyante fervente, et inquiète pour son fils Charles qui s’était éloigné de la religion, était allé à Rome, voir le pape, qui lui avait déclaré, en substance : je bénis son œuvre, elle aboutira, entrevue racontée par Maurras lui-même, dans son livre Le bienheureux Pie X sauveur de la France, (Plon, 1953, pages 52/53) : « Ne parlez pas à votre fils de ce que je vais vous dire… Ne lui en dites jamais rien… Mais je bénis son oeuvre… ». Il se tut, pour ajouter : « Elle aboutira ». Tel fut le trésor que ma mère emporta de Rome. Elle ne m’en fit jamais part. Pendant les onze années qui lui restaient à vivre, elle n’y fit aucune allusion… J’eus la clef du mystère huit jours après sa mort, survenue le 5 novembre 1922. Deux amies à qui elle s’était confiée, me donnèrent le secret des paroles pontificales : mon œuvre a été bénie de Pie X. Elle aboutira. J’avais la prophétie et la bénédiction de ce Bienheureux.
• Quant à Benoît XV, critiqué voire haï par les deux camps durant la Guerre (chacun lui reprochant d’être l’ami de l’autre), il fut toujours très bien traité par l’Action française, et il envoya sa bénédiction personnelle à Léon Daudet, le directeur politique du journal : « …Or, trois semaines après, je recevais du Vatican une grande et belle photographie de Sa Sainteté Benoît XV, accompagnée de Sa bénédiction autographe et de Sa signature. Ma famille et moi étions gratifiés d’une indulgence plénière in articulo mortis… » Pourquoi, donc, un tel changement de la part du nouveau pontife, Pie XI, sur lequel reviendra son successeur Pie XII, à peine élu ?
On peut envisager trois types d’explication, toutes très différentes :
1. Pie XI voyait d’un mauvais œil les masses catholiques, et les masses tout court, suivre L’Action française de préférence au mouvement de L’Action catholique, qu’il espérait voir reconquérir les esprits, en France, après les fortes persécutions du début du siècle (séparation de l’Eglise et de l’Etat, expulsion des Congrégations etc…). Cet aspect des choses peut surprendre, mais les intérêts de l’Eglise ont le souci naturel des ecclésiastiques… Il faut se souvenir que L’Action française venait de réunir plus de 60.000 personnes à son Rassemblement royaliste du Mont des Alouettes, en Vendée, que Léon Daudet réunissait régulièrement 20.000 parisiens, et plus, à Luna Park, et que, dans toute la France, le mouvement royaliste progressait, auréolé, entre autres, de son attitude patriotique durant la Guerre. Enfin, en 1925, une revue religieuse belge, Les Cahiers de la Jeunesse catholique, publiée à Louvain, ouvrit une Enquête chez ses abonnés : « Parmi les écrivains des vingt-cinq dernières années, quels sont ceux que vous considérez comme vos maîtres. »
Le 5 mai 1925, les résultats étaient publiés. Charles Maurras arrivait en tête avec 174 voix sur 460 suffrages. Le cardinal Mercier, Primat de Belgique, n’arrivait que sixième ! Maurras, non croyant, classé premier et maître de la jeunesse catholique par les jeunes catholiques eux-mêmes, avant le cardinal Mercier, relégué au sixième rang !
Sans aucun doute, cette sorte de gifle aura, absurdement, pesé dans la balance.
2. Ensuite, Maurras défendait l’autonomie du politique par rapport au religieux. Il ne les séparait pas, ne les opposait pas, mais il les distinguait, chacun étant autonome et indépendant dans son ordre. Pie XI n’avait pas la même conception. En admettant officiellement cette distinction et cette autonomie, en 1965, le Concile Vatican II a donné raison à Maurras, et tort à Pie XI. Mais le mal était fait, depuis bien longtemps.
3. Enfin, il faut replacer ces sanctions vaticanes dans le contexte beaucoup plus large des rapports entre l’Eglise et la Révolution, et la République idéologique qui en est issue.
Pendant un siècle, l’Eglise a fermement condamné la Révolution : dès l’assassinat de Louis XVI, Pie VI (ci contre) a condamné l’acte, ses auteurs et leur idéologie (il mourra d’ailleurs prisonnier, en France) et Pie VII fut obligé par un Bonaparte alors triomphant d’assister à la parodie de sacre de Notre-Dame. L’Eglise et les masses catholiques restèrent donc très largement hostiles à la Révolution et à la République idéologique, même si une part d’entre elles s’accommodaient de leurs idées.
Mais, après l’échec de la restauration monarchique en 1875, le pape Léon XIII imagina une autre politique vis-à-vis de cette République qui, finalement, semblait s’installer pour durer. Il prôna le Ralliement à la République, pensant que, les catholiques étant majoritaires en France, ils finiraient par investir le pouvoir, en gagnant les élections.
Léon XIII (ci contre) prépara les esprits au Ralliement en demandant au cardinal Lavigerie – pourtant traditionaliste – de prononcer son fameux toast d’Alger et, le 16 février 1892, publia son encyclique Inter innumeras sollicitudines, demandant aux catholiques français de renoncer à une opposition systématique au régime en place, d’accepter la Constitution pour combattre « par tous les moyens honnêtes et légaux » les lois anti-chrétiennes, et de peser de tout leur poids sur les nouvelles institutions.
L’encyclique fut peu suivie, le rallié le plus célèbre étant le comte Albert de Mun (ci contre), qui se repentit vite – mais trop tard – de son erreur, et à qui l’Action française n’en tint d’ailleurs pas rigueur. Mais, comme le note Michel Mourre », « se heurtant à la majorité des catholiques et du clergé français… c’est cependant dans la ligne du ralliement que put commencer à se développer, au début du XXème siècle, le mouvement de démocratie chrétienne. »
Là est certainement le point le plus important – à cause de ses conséquences néfastes – des sanctions vaticanes de 1926/1927 : malgré le Ralliement, les masses rurales et catholiques restaient très largement réceptives aux idées royalistes, et les Séminaires formaient, très majoritairement, des prêtres, sinon royalistes dans le domaine politique, du moins eux aussi très largement sensibles aux idées royalistes. C’est cela qui va radicalement changer avec les sanctions : désormais, sauf évidemment quelques exceptions, les Séminaires vont, à l’inverse de ce qu’ils avaient fait jusqu’à présent, former quasi exclusivement des abbés démocrates..
Il n’est pas exagéré de dire que c’est dans cette période que l’on trouve l’origine principale de l’immense crise que connaîtra l’Eglise dans la deuxième moitié du XXème siècle, avant, pendant et après le Concile Vatican II. En rendant les armes face à un Système qui, en fait, est une nouvelle religion, vouant une haine mortelle au christianisme et constitué dans le but premier de le faire disparaître; en renonçant à combattre ce Système; et, pire, en collaborant avec lui, dans le vain espoir qu’on arrivera à le diriger, l’Eglise n’a fait que conforter son pire ennemi, en affaiblissant ceux qui le combattaient et le contestaient radicalement, c’est-à-dire remettaient en causes ses fondements mêmes, avant tout anti chrétiens et contraires à toutes les traditions millénaires constitutives de la Nation française (« Du passé faisons table rase !…).
C’est de l’Eglise, de sa force et de sa place dans la Société que le Système a réussi à faire table rase, obtenant dans ce combat à mort l’appui inespéré de ceux-là même qu’il s’était juré d’abattre !
- Citation :
Quatre de nos éphémérides traitent des rapports entre l’Eglise et la République idéologique française, en général, et des rapports entre l’Eglise et l’Action française en particulier :
• pour les rapports entre l’Eglise et la République idéologique française, voir l’éphéméride du 16 février – sur le « Ralliement » – et celle du 18 novembre – sur le « toast d’Alger », qui préparait les esprits à ce « ralliement »;
• pour les rapports entre l’Eglise et l’Action française, voir, en complément de celle-ci, notre éphéméride du 10 juillet, sur la levée des sanctions vaticanes par Pie XII.
La nature a horreur du vide : voilà ce qu’aurait dû méditer Pie XI. Ôtez tel maître à la Jeunesse, elle s’en cherchera d’autres : lors du congrès de la J.O.C. (Jeunesse Ouvrière Chrétienne), en 1974, Georges Marchais, Secrétaire général du Parti Communiste et invité d’honneur (!) entonna l’Internationale, reprise en chœur par les 35.000 jeunes « catholiques » (!) présents, devant 44 évêques qui ne bronchèrent pas.
Éphéméride du 29 décembrejeudi 29 décembre 2022Premières sanctions vaticanes contre l’Action Française
1743 : Mort de Hyacinthe Rigaud
Autoportrait au manteau bleu, Musée de Montfort l’Amaury
rivagedeboheme/peinture-17e-siecle/hyacinthe-rigaud
hyacinthe-rigaud.over-blog
Son célébrissime portrait de Louis XIV, que l’on peut admirer au Louvre est l’original d’un portrait que le Roi-Soleil voulait offrir à son petit-fils, le duc d’Anjou, parti régner à Madrid sous le nom de Philippe V, et devenu le premier roi Bourbon d’Espagne du fait de l’acceptation par Louis XIV du testament de Charles II, le dernier des rois Habsbourgs, qui offrait le trône d’Espagne à un prince français.
Mais, lorsque Louis XIV vit le chef-d’œuvre que venait de réaliser Hyacinthe Rigaud, il fut si satisfait du tableau qu’il décida de le garder pour ses propres collections, et demanda au peintre d’en réaliser une copie, qui, elle, fut, cette fois, envoyée à Madrid. C’est donc bien l’original du tableau que l’on admire toujours au Musée du Louvre..
Commandé par Louis XIV en 1701 pour son petit-fils, le roi d’Espagne Philippe V (l’acceptation du testament est de 1700…) ce portrait fut exposé au Salon de 1704 et fit partie des collections de Louis XIV, demeurant ensuite dans les collections royales, avant d’entrer en 1793 au Muséum musée du Louvre.Louis XIV est représenté à soixante-trois ans, en costume de sacre, l’épée royale au côté, la main appuyée sur le sceptre et la couronne posée sur un tabouret derrière lui; il est important de comprendre la symbolique du tableau : 1926 : Premières sanctions vaticanes contre l’Action française, décrétées par Pie XI
• « Premières » car elles seront aggravées le 8 mars suivant : le 29 décembre 1926, c’est – seulement – l’ensemble des ouvrages de Maurras ainsi que le quotidien L’Action française qui sont mis à l’Index par décret du Saint-Office ; le 8 mars 1927, les adhérents de l’Action française seront carrément interdits de sacrements.
• « Sanctions » et non « Condamnation », car ni l’Action française, ni Maurras, ni le Royalisme n’ont jamais été « condamnés » par l’Eglise catholique.
Lorsque l’Eglise catholique « condamne » un mouvement, une doctrine, une théorie, une personne… il s’agit d’un acte définitif et irrévocable, absolument irréversible, sur lequel aucun Pape ne pourra jamais revenir, jusqu’à la fin des Temps.
Ainsi, le pape Pie XI a « condamné » le nazisme le 14 mars 1937, par la Lettre Encyclique « Mit brenender sorge », et le communisme (mot usuellement employé pour définir le « marxisme-léninisme »), le 19 mars 1937, par la Lettre Encyclique « Divini redemptoris ». Aucun Pape n’est revenu sur ces « condamnations », et aucun Pape n’y reviendra jamais : il est dès lors impossible à quiconque se dit catholique d’adhérer aux théories nazies et marxistes, sauf à s’exclure de l’Eglise catholique.
Rien de tel ne s’est passé pour l’Action française en 1926 : aucune Lettre Encyclique n’est venue « condamner » le Royalisme, ni Maurras, ni l’Action française.
Il y a donc seulement eu des « sanctions » pontificales, le 29 décembre 1926, les ouvrages de Charles Maurras ainsi que le quotidien « L’Action française » ont simplement été « mis à l’Index », c’est-à-dire interdits de lecture pour les catholiques. Et, un peu plus de deux mois plus tard, le 8 mars 1927, ces « sanctions » furent aggravées : les catholiques qui restaient fidèles au mouvement royaliste se voyaient privés de tout sacrement, y compris au moment de leur mort.
Le toujours excellent site Maurras.net a consacré à ce sujet un dossier complet, remarquable de rigueur, et qui peut être considéré comme faisant autorité :
maurras.net/textes/159
Dans ses magnifiques « Manants du Roi », Jean de La Varende a bien conté la souffrance qui résulta de ces sanctions iniques : il y consacre trois nouvelles (la septième, « La Fugue », la huitième, « L’enterrement civil » et la neuvième, « La Procession ») et dédicaça la huitième de ces nouvelles (« L’enterrement civil ») « A la grande mémoire de Jacques Bainville« , qui fut lui-même, en 1936, privé d’obsèques religieuses, car ce ne fut que 13 ans plus tard, en 1939, que le nouveau pape Pie XII – dont ce fut l’un des tous premiers actes – leva ces sanctions, sans contrepartie ni rétractation de la part de l’Action française. Fait très rare dans l’histoire de l’Eglise : les injustes sanctions vaticanes entraînèrent la démission d’un cardinal, Louis Billot, théologien et prêtre jésuite, créé cardinal par le pape Pie X en 1911, qui démissionna en 1927 en raison de son désaccord avec les sanctions contre l’Action française prises par Pie XI.
On attribue au cardinal Billot une grande partie de la rédaction de l’encyclique Pascendi, qui condamne le modernisme ; ce qui est certain, c’est que le cardinal critiqua sévèrement la conduite du pape, si bien que celui-ci le convoqua auVatican. C’est le 13 septembre 1927 que Pie XI le reçut en audience : celle-ci fut étrangement brève et silencieuse. Quand Louis Billot sortit de chez le pape, il n’était plus cardinal : il s’était sans cérémonie dépouillé de ses insignes et de son titre cardinalice. Tous les insignes de l’ex-cardinal Louis Billot restèrent dans le bureau du pape, qui accepta officiellement sa démission le 21 octobre. Son geste sera expliqué publiquement, mais après sa mort, par la publication d’une de ses lettres datée du 2 mars 1928 à la revue des Jésuites, Etudes : « …J’ai toujours répondu, soit de vive voix, soit par écrit, à tous ceux qui me consultaient sur la ligne de conduite à tenir, qu’il leur fallait non seulement éviter avec soin tout ce qui aurait un semblant d’insoumission ou de révolte mais encore faire le sacrifice de leurs idées particulières pour se conformer aux ordres du Souverain Pontife. Pour ma part personnelle, je me suis, tout le premier, tenu à cette règle… »
Comment expliquer ces sanctions vaticanes, venant après les deux règnes très bienveillants vis-à-vis du royalisme français de saint Pie X et de Benoît XV ? Deux règnes qui durèrent tout de même 22 ans, Pie X étant élu le 4 août 1903 (décédé le 20 août 1914) et Benoît XV élu le 3 septembre 1914 (décédé le 22 janvier 1922).
• On sait que Maurras a écrit, entre autres, un ouvrage au titre éloquent, Le bienheureux Pie X sauveur de la France; et on sait aussi que la mère de Maurras, croyante fervente, et inquiète pour son fils Charles qui s’était éloigné de la religion, était allé à Rome, voir le pape, qui lui avait déclaré, en substance : je bénis son œuvre, elle aboutira, entrevue racontée par Maurras lui-même, dans son livre Le bienheureux Pie X sauveur de la France, (Plon, 1953, pages 52/53) : « Ne parlez pas à votre fils de ce que je vais vous dire… Ne lui en dites jamais rien… Mais je bénis son oeuvre… ». Il se tut, pour ajouter : « Elle aboutira ». Tel fut le trésor que ma mère emporta de Rome. Elle ne m’en fit jamais part. Pendant les onze années qui lui restaient à vivre, elle n’y fit aucune allusion… J’eus la clef du mystère huit jours après sa mort, survenue le 5 novembre 1922. Deux amies à qui elle s’était confiée, me donnèrent le secret des paroles pontificales : mon œuvre a été bénie de Pie X. Elle aboutira. J’avais la prophétie et la bénédiction de ce Bienheureux.
• Quant à Benoît XV, critiqué voire haï par les deux camps durant la Guerre (chacun lui reprochant d’être l’ami de l’autre), il fut toujours très bien traité par l’Action française, et il envoya sa bénédiction personnelle à Léon Daudet, le directeur politique du journal : « …Or, trois semaines après, je recevais du Vatican une grande et belle photographie de Sa Sainteté Benoît XV, accompagnée de Sa bénédiction autographe et de Sa signature. Ma famille et moi étions gratifiés d’une indulgence plénière in articulo mortis… » Pourquoi, donc, un tel changement de la part du nouveau pontife, Pie XI, sur lequel reviendra son successeur Pie XII, à peine élu ?
On peut envisager trois types d’explication, toutes très différentes :
1. Pie XI voyait d’un mauvais œil les masses catholiques, et les masses tout court, suivre L’Action française de préférence au mouvement de L’Action catholique, qu’il espérait voir reconquérir les esprits, en France, après les fortes persécutions du début du siècle (séparation de l’Eglise et de l’Etat, expulsion des Congrégations etc…). Cet aspect des choses peut surprendre, mais les intérêts de l’Eglise ont le souci naturel des ecclésiastiques… Il faut se souvenir que L’Action française venait de réunir plus de 60.000 personnes à son Rassemblement royaliste du Mont des Alouettes, en Vendée, que Léon Daudet réunissait régulièrement 20.000 parisiens, et plus, à Luna Park, et que, dans toute la France, le mouvement royaliste progressait, auréolé, entre autres, de son attitude patriotique durant la Guerre. Enfin, en 1925, une revue religieuse belge, Les Cahiers de la Jeunesse catholique, publiée à Louvain, ouvrit une Enquête chez ses abonnés : « Parmi les écrivains des vingt-cinq dernières années, quels sont ceux que vous considérez comme vos maîtres. »
Le 5 mai 1925, les résultats étaient publiés. Charles Maurras arrivait en tête avec 174 voix sur 460 suffrages. Le cardinal Mercier, Primat de Belgique, n’arrivait que sixième ! Maurras, non croyant, classé premier et maître de la jeunesse catholique par les jeunes catholiques eux-mêmes, avant le cardinal Mercier, relégué au sixième rang !
Sans aucun doute, cette sorte de gifle aura, absurdement, pesé dans la balance.
2. Ensuite, Maurras défendait l’autonomie du politique par rapport au religieux. Il ne les séparait pas, ne les opposait pas, mais il les distinguait, chacun étant autonome et indépendant dans son ordre. Pie XI n’avait pas la même conception. En admettant officiellement cette distinction et cette autonomie, en 1965, le Concile Vatican II a donné raison à Maurras, et tort à Pie XI. Mais le mal était fait, depuis bien longtemps.
3. Enfin, il faut replacer ces sanctions vaticanes dans le contexte beaucoup plus large des rapports entre l’Eglise et la Révolution, et la République idéologique qui en est issue.
Pendant un siècle, l’Eglise a fermement condamné la Révolution : dès l’assassinat de Louis XVI, Pie VI (ci contre) a condamné l’acte, ses auteurs et leur idéologie (il mourra d’ailleurs prisonnier, en France) et Pie VII fut obligé par un Bonaparte alors triomphant d’assister à la parodie de sacre de Notre-Dame. L’Eglise et les masses catholiques restèrent donc très largement hostiles à la Révolution et à la République idéologique, même si une part d’entre elles s’accommodaient de leurs idées.
Mais, après l’échec de la restauration monarchique en 1875, le pape Léon XIII imagina une autre politique vis-à-vis de cette République qui, finalement, semblait s’installer pour durer. Il prôna le Ralliement à la République, pensant que, les catholiques étant majoritaires en France, ils finiraient par investir le pouvoir, en gagnant les élections.
Léon XIII (ci contre) prépara les esprits au Ralliement en demandant au cardinal Lavigerie – pourtant traditionaliste – de prononcer son fameux toast d’Alger et, le 16 février 1892, publia son encyclique Inter innumeras sollicitudines, demandant aux catholiques français de renoncer à une opposition systématique au régime en place, d’accepter la Constitution pour combattre « par tous les moyens honnêtes et légaux » les lois anti-chrétiennes, et de peser de tout leur poids sur les nouvelles institutions.
L’encyclique fut peu suivie, le rallié le plus célèbre étant le comte Albert de Mun (ci contre), qui se repentit vite – mais trop tard – de son erreur, et à qui l’Action française n’en tint d’ailleurs pas rigueur. Mais, comme le note Michel Mourre », « se heurtant à la majorité des catholiques et du clergé français… c’est cependant dans la ligne du ralliement que put commencer à se développer, au début du XXème siècle, le mouvement de démocratie chrétienne. »
Là est certainement le point le plus important – à cause de ses conséquences néfastes – des sanctions vaticanes de 1926/1927 : malgré le Ralliement, les masses rurales et catholiques restaient très largement réceptives aux idées royalistes, et les Séminaires formaient, très majoritairement, des prêtres, sinon royalistes dans le domaine politique, du moins eux aussi très largement sensibles aux idées royalistes. C’est cela qui va radicalement changer avec les sanctions : désormais, sauf évidemment quelques exceptions, les Séminaires vont, à l’inverse de ce qu’ils avaient fait jusqu’à présent, former quasi exclusivement des abbés démocrates..
Il n’est pas exagéré de dire que c’est dans cette période que l’on trouve l’origine principale de l’immense crise que connaîtra l’Eglise dans la deuxième moitié du XXème siècle, avant, pendant et après le Concile Vatican II. En rendant les armes face à un Système qui, en fait, est une nouvelle religion, vouant une haine mortelle au christianisme et constitué dans le but premier de le faire disparaître; en renonçant à combattre ce Système; et, pire, en collaborant avec lui, dans le vain espoir qu’on arrivera à le diriger, l’Eglise n’a fait que conforter son pire ennemi, en affaiblissant ceux qui le combattaient et le contestaient radicalement, c’est-à-dire remettaient en causes ses fondements mêmes, avant tout anti chrétiens et contraires à toutes les traditions millénaires constitutives de la Nation française (« Du passé faisons table rase !…).
C’est de l’Eglise, de sa force et de sa place dans la Société que le Système a réussi à faire table rase, obtenant dans ce combat à mort l’appui inespéré de ceux-là même qu’il s’était juré d’abattre !
- Citation :
Quatre de nos éphémérides traitent des rapports entre l’Eglise et la République idéologique française, en général, et des rapports entre l’Eglise et l’Action française en particulier :
• pour les rapports entre l’Eglise et la République idéologique française, voir l’éphéméride du 16 février – sur le « Ralliement » – et celle du 18 novembre – sur le « toast d’Alger », qui préparait les esprits à ce « ralliement »;
• pour les rapports entre l’Eglise et l’Action française, voir, en complément de celle-ci, notre éphéméride du 10 juillet, sur la levée des sanctions vaticanes par Pie XII.
La nature a horreur du vide : voilà ce qu’aurait dû méditer Pie XI. Ôtez tel maître à la Jeunesse, elle s’en cherchera d’autres : lors du congrès de la J.O.C. (Jeunesse Ouvrière Chrétienne), en 1974, Georges Marchais, Secrétaire général du Parti Communiste et invité d’honneur (!) entonna l’Internationale, reprise en chœur par les 35.000 jeunes « catholiques » (!) présents, devant 44 évêques qui ne bronchèrent pas.