À Saumur, le Cadre noir veille sur l’équitation de tradition française
Depuis plus de 200 ans, le Cadre noir de Saumur (Maine-et-Loire) forme des hommes et des chevaux. Aujourd’hui, ses écuyers entretiennent un savoir-faire entré au patrimoine immatériel mondial de l’Unesco.
GRAVURE DE CORDIER/PHOTOGRAPHIES : :copyright: ALAIN LAURIOUX – CADRE NOIR IFCE
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Ouest-France Olivier RENAULT.
Publié le 17/07/2021 à 09h45
Offrir le JournalLe 18 juin 1815 au soir, l’affaire est entendue. Waterloo n’est plus que la morne plaine du poème d’Hugo. La France impériale est défaite. Et Napoléon s’apprête à abdiquer. Après des années de campagnes éprouvantes, victoires et revers confondus, la cavalerie tricolore est décimée.
Il y a urgence à recomposer ses unités étrillées. Seulement voilà, la plupart des experts militaires aptes à former officiers et sous-officiers à l’art équestre ont été mutilés ou occis aux champs d’honneur. Il va donc falloir faire appel aux grands maîtres d’équitation des manèges académiques de France pour former de nouveaux instructeurs militaires. Ce sont des civils mais à la guerre comme à la guerre ! L’armée les veut. L’armée les engage. Et elle crée, dès 1815, une École des troupes à cheval (que l’on appellera « Cadre noir » à partir de 1825), à Saumur.
Cavalier du Cadre noir. Gravure de Cordier. | CADRE NOIR
Pourquoi Saumur ?Parce qu’il s’y trouvait déjà une très grande école de cavalerie qui avait compté jusqu’à 2000 chevaux, explique Frédérique Mercier, responsable communication et marketing pour le Cadre noir. Et parce que c’est une ville de l’Ouest de la France, connue pour être une grande « région de cheval ».
Pour distinguer les professeurs civils de leurs élèves militaires vêtus de bleu, on les habillera en noir. En noir et or plus précisément. D’où le nom de l’école : Cadre noir.
Le Cadre noir quitte l’armée
La première mission des écuyers (c’est ainsi que l’on appelle les professeurs d’équitation) sera de dresser des chevaux et former des hommes pour aller faire la guerre. Et c’est important parce qu’à l’époque, la guerre est encore presque artisanale - la vieille guerre en chair et en os », écrivait Joseph Delteil.
La poudre, les balles et les canons font fureur depuis longtemps déjà mais ils ne dispensent pas des bons vieux assauts à la baïonnette – cette arme toute française si redoutable à l’ennemi (1) – des corps-à-corps à l’arme blanche et encore moins des lourdes charges de cavalerie.
Le cavalier et son cheval semblant venir des profondeurs de l'Histoire. | @ALAIN LAURIOUX_CADRE NOIR IFCE
Au cours du XXe siècle, l’apparition des blindés renvoie la cavalerie à l’écurie. Faute de combattants, le Cadre noir quitte l’armée dans les années 1970 et entame une carrière dans le civil. Il devient alors École nationale d’équitation. À l’époque, le ministère souhaitait formaliser l’enseignement de l’équitation, explique Frédérique Mercier. Comme beaucoup d’autres sports, elle s’était développée après la guerre et il était nécessaire de structurer sa formation.
En 2010, l’École fusionne avec les Haras nationaux pour devenir l’Institut français du cheval et de l’équitation.
Les quatre missions du Cadre noir
L’école d’équitation n’a donc plus de liens avec l’armée depuis quarante ans même si quelques-uns de ses écuyers sont militaires. Le lien est aussi entretenu par la grande tenue de gala que l’on jurerait chipée à la garde-robe d’un officier.
La tenue des écuyers du Cadre noir rappelle celle de l'armée mais l'école est bien civile depuis 40 ans. | @ALAIN LAURIOUX_CADRE NOIR IFCE
Militaire ou civil, le Cadre noir a toujours eu la même exigence d’excellence. Il va sans dire que les élèves qui le rejoignent n’en sont pas à leurs premiers tours de manège ! Ce sont déjà d’excellents cavaliers venus se former aux métiers d’enseignant ou d’entraîneur d’équitation.
La transmission des savoirs, c’est la première des quatre grandes missions du Cadre noir et de ses 300 chevaux. La deuxième, c’est l’accompagnement et le soutien en faveur du sport de haut niveau, poursuit Frédérique Mercier. Soit nos écuyers entraînent des athlètes, soit ils participent eux-mêmes aux compétitions de très haut niveau. C’est le cas du lieutenant-colonel Thibaut Vallette, champion olympique à Rio en 2016.
Garant d’une tradition et d’un patrimoine
La troisième mission du Cadre noir – et sa vitrine en quelque sorte – c’est la transmission des savoirs et savoir-faire au grand public. C’est important car le Cadre noir a été reconnu comme l’ambassadeur officiel de « l’équitation de tradition française » inscrite par l’Unesco à la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité, en 2011.
Les chevaux du Cadre noir sont dressés dans le respect de l'équitation française de tradition. | @ALAIN LAURIOUX_CADRE NOIR IFCE
Sur quoi repose ce patrimoine ? C’est une dimension philosophique de l’équitation. On pratique une équitation respectueuse dans la recherche de l’harmonie et non pas dans la contrainte et la domination.
Concrètement, cette transmission consiste en des « matinales » didactiques, une à deux fois par semaine, de mars à octobre, et en de grandes soirées de gala. L’idée n’est pas de proposer du divertissement pur, reprend Frédérique Mercier. C’est vraiment le patrimoine équestre français qui s’habille dans un bel univers artistique et narratif pour présenter l’équitation de tradition française.
Le Cadre noir de Saumur, vu du ciel. | @ALAIN LAURIOUX_CADRE NOIR IFCE
La quatrième mission, c’est la recherche. Celle-ci porte essentiellement sur l’optimisation de la performance sportive de manière à rester à la pointe de l’excellence. Question de tradition !
(1) Père Blanchet d’Yvré-l’Evêque dans son éloge funèbre des soldats morts au plateau d’Auvours en 1871.