Avril 1945 : Les chasseurs-alpins montent à l’assaut du Mont-Froid (2 800 m d’altitude)
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Au soir du 4 avril 1945, le général MOLLE, chef de la 27edivision d’infanterie alpine, issue de la division alpine FFI, créée à partir des maquis de Savoie et du Dauphiné, a réuni autour de lui une centaine d’hommes en tenue de combat, lourdement chargés de sacs, d’armes et de munitions.
— Vos camarades de la 1ère armée se sont durement battus en Alsace et maintenant ils poursuivent la lutte en Allemagne. Le tour de l’armée des Alpes est venu. Un jour prochain, vous entrerez en Italie. Cette nuit, vous serez à l’avant-garde. Je vous fais confiance.
Le commandement, pour soulager l’offensive que le général ALEXANDER vient de lancer en Italie, a décidé de prendre à revers les Allemands et leurs derniers alliés italiens. Depuis l’automne, ils occupent encore les hauteurs surplombant la vallée de l’Arc et interdisent l’accès au plateau du Mont-Cenis, d’où une offensive victorieuse pourrait déferler sur Turin. Après un premier « coup de poing » en Tarentaise, au col du Petit-Mont-Saint-Bernard, le général MOLLE est décidé maintenant à frapper en Maurienne. Demain à l’aube, les chasseurs alpins de la 7edemi-brigade du lieutenant-colonel LE RAY, un chef de 34 ans, vont attaquer les sommets qui défendent le plateau du Mont-Cenis et qui ont constitué pendant tout l’hiver de remarquables observatoires pour l’ennemi. Trois bataillons de chasseurs alpins sont lancés dans la bataille. Au 11eBCA du capitaine GRAND, tenant depuis des mois le quartier de Bramans, revient l’honneur de conquérir deux redoutables pitons : Bellecombe à 2 755 m et le Mont-Froid à 2 822 m. Bellecombe, ce sera l’affaire de la SES III, la section d’éclaireurs-skieurs de l’adjudant-chef VASSEROT, qu’accompagne le lieutenant FRENDO, l’officier montagne du bataillon. Le Mont-Froid, lui, est confié au capitaine BRANCHE qui commande la 4e compagnie, avec la SES IV du sous-lieutenant LACABE. Il a reçu le renfort de la SES II, récemment arrivée du Queyras, sous les ordres du sous-lieutenant Julien FAURE. La compagnie BRANCHE comprend également la section de l’aspirant VANIER qui participe à l’opération et celle du sous-lieutenant REYMOND qui restera en soutien juste sous la crête du Mont-Froid à distance d’appui-feu. Trois officiers du 11e BCA se joignent à la compagnie d’assaut : le lieutenant CHARVET, un ancien aviateur ; l’aspirant BARDEY, qui a réussi de nombreux raids clandestins en Italie ; et le Dr STROBEL, un jeune médecin auxiliaire, récemment arrivé de la célèbre compagnie STÉPHANE.
Le capitaine BRANCHE a confiance. Il a une solide réputation : « BRANCHE a du pot », dit-on au bataillon. À 32 ans, cet ancien sous-officier du « régiment de la neige » sorti de Saint-Maixent a fait la guerre dans les groupes francs et a gagné déjà la croix de la Légion d’honneur en se battant sur l’Aisne. Prisonnier, évadé, résistant, maquisard, il connaît à fond son métier et estime que l’on peut prendre le Mont-Froid. Mais à une seule condition : bénéficier de la surprise. Aussi, pas de préparation d’artillerie. Ses chasseurs grimperont silencieusement, dans la nuit, les 1 500 m de dénivelée et surprendront leurs adversaires au lever du jour.
Depuis quelques jours il souffle un vent de foehn. Les conditions d’enneigement sont si épouvantables que — comme diront les premiers prisonniers — « il fallait être fou pour attaquer par un temps pareil ». Mais MOLLE, LE RAY, GRAND, BRANCHE ne sont pas fous. Ils savent que la victoire appartient à celui qui frappe où et quand l’ennemi ne l’attend pas.
Général MOLLE
Dix heures de montée dans la neige
Après le redoux, le froid. Décidément, le temps est exécrable dans la vallée où il a plu depuis plusieurs jours. Que va-t-on trouver en altitude ? Il est 6 heures du soir, le 4 avril, quand la compagnie BRANCHE quitte Le Verney. En tête, la SES LACABE qui ouvre la marche, tout de suite rendue très pénible par une neige profonde et difficile. Les chasseurs grimpent par le sentier qui escalade en lacets les pentes couvertes d’une épaisse forêt de sapins enneigés. Il leur faudra quatre heures de marche pour arriver aux lisières. Là se trouvent quelques baraques d’alpage, les chalets du Jeu, qui vont servir de base arrière à toute l’attaque sur le Mont-Froid. Le capitaine BRANCHE y retrouve l’aspirant VANIER, envoyé en éclaireur 24 heures auparavant. Il a multiplié les patrouilles pour s’assurer que des skieurs ennemis ne traînent pas dans le coin.
— Aucune activité ennemie, mon capitaine. La voie est libre.
— Très bien. Nous partons tout de suite.
La 4e compagnie est désormais au complet. Les hommes progressent en file indienne, section par section.
Peu après minuit, les éclaireurs de pointe de la SES IV atteignent la crête du Général-Sarret. La progression se poursuit. Entre 2 et 3 heures du matin, la marche d’approche est terminée. Les hommes s’allègent et prennent la tenue d’assaut. L’objectif semble désormais très proche. Une heure plus tard, les sections se séparent en contrebas du bloc Ouest. L’ennemi ne semble pas en éveil. La section VANIER doit attaquer le bloc Centre en progressant par la pente sud, celle qui se trouve du côté de l’ennemi. Elle est très enneigée mais un peu moins raide que la face nord où s’engage la SES FAURE. Les éclaireurs venus du Queyras doivent attaquer le bloc Ouest par celte face nord et rejoindre ensuite le bloc Centre. Quant à la SES LACABE, elle attaquera successivement les trois blocs par la ligne de crête, fonçant le plus vite possible jusqu’au bloc Est, qui se trouve à environ 800 m du bloc Ouest.
L’assaut a lieu peu après 4 heures du matin. La SES LACABE débouche au sommet. Il souffle un vent glacial, qui soulève des plaques de neige poudreuse et oblige, fort heureusement, les guetteurs ennemis à se réfugier dans leurs abris. Avant le lever du jour, le sous-lieutenant LACABE s’empare des superstructures du bloc Ouest où se trouve l’observatoire, sur le point culminant. Il y laisse en protection un groupe de combat, celui du sergent Émile VILLARET, un montagnard de l’Oisans, qui combat avec ses quatre frères parmi les chasseurs alpins de Maurienne.
— On fonce vers le bloc Centre, lance LACABE aux chefs de ses deux autres groupes, les sergents Charles Villaret et Reignier..
La crête descend d’ouest en est. Elle est étroite. Parfois de gros rochers sombres apparaissent entre des plaques de glace très glissantes et des creux où s’accumule une neige profonde à la surface croûtée. À 5 h 30, les éclaireurs de LACABE sont sur le bloc Centre. Le jour va bientôt se lever. On devine, dans le brouillard, la masse du bloc Est, ultime objectif, au bout de la crête. Le chef de la SES IV ordonne à Charles VILLARET :
— Tu restes ici pour surveiller les issues du bloc Centre et nous couvrir avec ton FM et celui du groupe Reignier. Nous, on continue…
Avec LACABE se trouvent l’aspirant BARDEY, l’adjudant DECRET, le sergent REIGNIER et une demi-douzaine d’éclaireurs. Il est 6 heures et le jour se lève quand ils arrivent devant les vieilles murailles de pierres sèches couvertes de neige qui constituent la dernière défense ennemie à enlever d’assaut sur le Mont-Froid. Mais les Allemands ont réagi. Le chef de poste et deux de ses hommes sortent de l’ouvrage et ouvrent le feu sur les Français s’avançant sur la crête.
Le combat s’engage aussitôt au pistolet-mitrailleur et à la grenade. Les trois Allemands sont tués, mais tombent aussi mortellement atteints le caporal PIC et les deux éclaireurs FAVIER et SAULNIER. Les défenseurs du bloc Est se sont réfugiés à l’abri des murs et continuent à tirer par les meurtrières. Il est impossible de réduire le bloc Est. LACABE est obligé de ramener ses hommes à l’abri sur une sorte de collet entre le bloc Est et le bloc Centre. La prise par surprise de l’ultime objectif a été manquée à quelques minutes si ce n’est à quelques secondes.
Pendant ce temps, la SES II se bat devant les du bloc Ouest. Le sous-lieutenant FAURE, en donnant l’assaut, a reçu une rafale de pistolet-mitrailleur. Il n’est pas blessé, mais une balle a traversé sa cagoule et déchiré son portefeuille. Une dizaine d’Allemands se sont enfermés dans l’ouvrage et refusent obstinément de se rendre. Il semble possible de les réduire, et tous les éclaireurs s’agglutinent devant l’entrée en tiraillant sans grand résultat.
La section VANIER a réussi à progresser sur la pente sud et arrive sur son objectif. Le capitaine BRANCHE décide de réduire le bloc Centre avec l’aide de LACABE, de VANIER et d’un petit groupe de la section FAURE que commande l’adjoint de celui-ci, l’adjudant-chef BENOIT-LIZON, un champion militaire de ski, originaire du Jura.
Le combat fait rage sur la crête du Mont-Froid, l’Allemand résiste à tous les assauts.
Les trois couleurs flottent à près de 3 000 m
Avec le lever du jour, les assaillants du Mont-Froid, très visibles sur la crête malgré leurs cagoules blanches, sont pris à partie par les mitrailleuses et les mortiers allemands de la pointe de Cléry, de l’autre côté du col de Sollières. Un des éclaireurs, Marin CRUDERAZ, mortellement blessé, bascule sur la pente de la face nord. BENOIT-LIZON se lance en ramasse dans un couloir de glace balayé par les tirs ennemis et parvient à récupérer le malheureux. On compte d’autres blessés. Le bloc Centre résiste toujours. L’éclaireur Léonce MICHEL parvient à faire un premier prisonnier. Mais la résistance se poursuit. Finalement, encerclés par les hommes de LACABE, de BENOIT-LIZON et de VANIER, les Allemands tentent une sortie. Ils se lancent sur la pente sud, mais se font cueillir au vol par les armes automatiques. Leurs corps roulent jusque sur le plateau du Mont-Cenis. Bilan : 7 prisonniers et plusieurs tués.
Il est 9 h 30. Le bloc Centre est pris, mais la consommation en munitions, très forte, inquiète le commandant de compagnie. Du bloc Est, les mitrailleuses allemandes continuent à tirer. Les FM français du bloc Centre leur répondent. Par une température très basse, les assaillants sont cloués au sol. Les armes, prises par le gel, s’enrayent souvent, culasse bloquée. Le peu de boisson qui reste dans les bidons est transformée en glace. Le vent hurle toujours. Mille aiguilles de glace piquent les visages et les mains. À la fin de la matinée, on aperçoit du côté du col d’Erellaz des groupes d’Allemands qui préparent une contre-attaque. L’artillerie française intervient. Au début de l’après-midi, le premier prisonnier fait au bloc Centre parvient à convaincre ses compatriotes du bloc Ouest de se rendre. Ils sortent, l’un après l’autre, les bras en l’air. Ils ont trois blessés que soigne aussitôt le Dr STROBEL.
Le jeune médecin sera tué peu après, ainsi que l’éclaireur GARNIER. Tous deux ont été touchés par des éclats d’obus français car, de la vallée, un sous-officier d’artillerie avait demandé, sans y être autorisé, un tir sur le Mont-Froid…
Les deux blocs pris, les chasseurs alpins s’installent sur le sommet du massif. Ils se relaient : deux hommes sur trois restent aux postes de combat et leur camarade essaie de sommeiller dans un trou ou dans la tranchée creusée dans la neige.
Le capitaine BRANCHE fait intervenir la section de réserve du sous-lieutenant REYMOND : en fin de journée, le 5 avril, elle va attaquer le bloc Est, guidée par quelques éclaireurs de la SES LACABE. Les jeunes chasseurs, en général des conscrits de la classe 43, sont accueillis par un feu d’enfer d’armes automatiques et doivent refluer. Un deuxième assaut aura lieu peu après 1 heure du matin, et un autre à l’aube du 6 avril. Pendant toute la nuit, canons et mortiers ennemis ont tiré sur ceux qui viennent de conquérir le Mont-Froid. Quelques fusées éclairantes s’élèvent dans le ciel. On y voit parfois comme set plein jour. Le froid devient épouvantable et il doit faire environ — 30 °C. Les chasseurs ont emporté deux boites de rations, depuis longtemps consommées. Ils souffrent du froid, de la faim et surtout de la soif.
Le bloc Est est toujours aux mains de l’ennemi et une contre-attaque allemande semble inévitable.
En fin de matinée, le 6 avril, le capitaine BRANCHE décide de lancer une nouvelle reconnaissance vers Le bloc Est. Y participent : LACABE, BENOIT-LIZON, un groupe de la SES IV et quelques volontaires de la SES II dont l’éclaireur infirmier Paul BERTRAND, qui se trouvait également la veille parmi ceux qui ont donné l’assaut au bloc Ouest puis au bloc Centre.
Le petit groupe arrive devant le bloc Est, progressant prudemment de rocher en rocher. L’adjudant-chef BENOIT-LIZON lance une grenade, mais l’ennemi ne riposte pas. Les éclaireurs s’aperçoivent alors que le bloc vient d’être abandonné par ses défenseurs. Sans doute à bout de munitions, les Allemands ont décroché à la faveur du brouillard, abandonnant les cadavres de leurs camarades. L’un d’eux se trouve au sommet d’une sorte de tour carrée au-dessus du bloc Est. Bertrand s’en approche et plante, entre les jambes de l’ennemi abattu, le mât d’un drapeau français qu’il cale à l’aide d’une pierre arrachée à la muraille. Jamais de toute cette guerre, les trois couleurs n’auront flotté aussi haut…
Désormais, l’ensemble du Mont-Froid est tombé aux mains des Français. La SES II du sous-lieutenant Faure reçoit l’ordre de regagner la vallée. Moins d’une semaine plus tard, son chef, le sous-lieutenant Julien FAURE, sera tué à la tête de ses éclaireurs, en donnant l’assaut à la pointe de Cléry. Une compagnie du 6e BCA commandée par le lieutenant RUCHE vient renforcer la compagnie du 11e BCA du capitaine BRANCHE. Le commandement promet également l’arrivée dans la nuit de la 2e compagnie du 11eBCA, aux ordres du capitaine Martinerie.
La température très basse, un vent violent et glacial, un brouillard assez épais gênent considérablement les guetteurs et les éléments d’interception.
La SES LACABE tient le bloc Est, le point le plus menacé de tout le dispositif. Dès la tombée de la nuit, les éclaireurs sont pris à partie par des mitrailleuses à balles traçantes. À 10 heures du soir, c’est l’alerte. Des Allemands se sont massés en-dessous de la crête, prêts à lancer un assaut, mais ils sont dispersés par des tirs d’armes automatiques et des jets de grenades. Ils se retirent et le bombardement par mortiers reprend sur le Mont-Froid, plus précis et plus dense que jamais. L’éclaireur PAQUET est mortellement blessé au bloc Est.
Une heure après le premier assaut, les Allemands en lancent un second. La SES LACABE résiste farouchement, mais elle commence à manquer de munitions. L’ennemi tente de s’infiltrer entre le bloc Est et le bloc Centre. Le groupe de combat de Charles VILLARET parvient à reprendre et à tenir cette portion de la crête. Il fait toujours très froid, la visibilité est nulle et le vent violent. L’aspirant BARDEY reçoit une grenade sur la tête ; sans son casque il aurait été tué. On parvient à le transporter, complètement « sonné », jusqu’au poste de commandement du capitaine BRANCHE.
Peu après minuit, le groupe de combat Émile VILLARET qui se trouve sur la pente, sous le bloc Est, face au col de Sollières, signale des tentatives d’infiltration ennemies. À 1 heure du matin, les éclaireurs de LACABE sont pratiquement à bout de munitions. Leur chef décide de tenter une sortie et de s’établir sur le collet à mi-chemin du bloc Centre. La plupart des éclaireurs réussissent à passer. Le sous-lieutenant et les derniers hommes à quitter l’ouvrage sont obligés de se replier par la face nord, avant de remonter sur la crête. L’adjudant DECRET a disparu. Il passera trois ou quatre heures entre les lignes.
Un éclaireur, Virard, laissé pour mort, est fait prisonnier. Sur la crête, Français et Allemands en viennent au corps à corps. On se fusille à bout portant dans la nuit.
Vers 2 heures du matin, la SES IV tient le collet et elle est ravitaillée en munitions par de nouveaux arrivants. Le capitaine BRANCHE monte une contre-attaque avec le capitaine MARTINERIE et quelques volontaires du 11ecomme du 6e BCA. Les Allemands les accueillent à coups de Panzerfaust. Quand il revient à lui, le capitaine MARTINERIE est prisonnier… Autour de lui, plusieurs morts dont trois sous-officiers, l’adjudant-chef Jean GRAND, l’adjudant Eloy GAY et le sergent-chef VAGUE. L’aspirant HUGUENIN se bat pied à pied pour rameuter les hommes de sa section de la 2e compagnie.
La SES LACABE, agrippée aux pentes escarpées de la face nord du Mont-Froid, protège le poste de commandement du capitaine, tandis que les Allemands parviennent à encercler le bloc Centre que tient la section VANIER de la 4e compagnie. Les Allemands ne font que crier :
— Rendez-vous ! Rendez-vous !
Le combat est de plus en plus violent. Dans le bloc Centre, il y a de nombreux morts et blessés, dont l’aspirant VANIER lui-même. L’officier tente sortie et répond aux offres de se rendre de l’ennemi par le Chant du départ. Ses chasseurs se mettent hurler :
— La victoire en chantant – Nous ouvre la barrière – La liberté guide nos pas…
Ils se précipitent sur l’ennemi, pistolet-mitrailleur ou fusil au poing, et lancent leurs dernières grenades. Arrivé en renfort pour remplacer le Dr STROBEL, le lieutenant PAUT, infirmier radiologiste dans le civil, est blessé d’une balle en pleine poitrine. Il tombe en disant :
— Je peux mourir. Nous avons pris le Mont-Froid.
Cet officier, un ancien FTP de La Tour-du vivra par miracle, mais il y a des pertes.
Profitant du brouillard, vers 4 heures du matin, les Allemands décrochent en emportant leurs blessés, mais abandonnent sur le terrain quatre mitrailleuses et deux mortiers.
Le Mont-Froid se trouve enfin entre les Français qui n’ont reçu aucun ravitaillement en vivres ni en munitions depuis leur attaque de l’avant-veille à l’aube. Ils sont 150 au sommet quand, à 8 heures du matin, une corvée amène des chalets du Jeu 20 litres de vin et 10 litres de « monte-en-ligne », ainsi qu’ils appellent l’eau-de-vie.
Au malin du 7 avril, la compagnie Branche quitte le mont Froid. Dans cinq jours, une nouvelle contre-attaque allemande arrachera la terrible montagne à ses vainqueurs.
Quarante ans plus tard, le 30 juin 1985, anciens combattants des deux camps sont réunis au sommet du mont Froid autour du général LE RAY et du capitaine allemand ROHLEDER, qui commandait l’attaque dans la nuit du 11 au 12 avril et qui fut grièvement blessé. Chacun ravive ses souvenirs et revit les terribles combats. Une minute de silence en mémoire de tous ceux qui sont tombés à près de 3 000 m d’altitude pour leur honneur de soldat. Une sonnerie déchire l’air immobile des sommets. Un ancien chasseur de montagne allemand égrène quelques notes mélancoliques sur sa trompette : J’avais un camarade – De meilleur, il n’en est pas…
Basé à Barcelonnette depuis 1948, le 11e BCA a été dissous en 1990 pour devenir le centre d’instruction et d’entraînement au combat en montagne (CIECM). Le 1er juillet 2008, le CIECM est fusionné avec le Centre national d’aguerrissement en montagne (CNAM) de Briançon dont il devient un détachement.
LCL LE RAY
BIBLIOGRAPHIE- BOELL Jacques : SES, éclaireurs-skieurs au combat, Arthaud, 1946.
- Général Alain LE RAY : La Demi-Brigade de l’Isère.
- MABIRE Jean : Chasseurs alpins, des Vosges aux djebels, Presses de la Cité, 1984.
- MABIRE Jean : La Bataille des Alpes, Presses de la Cité, 1986.
Vient de paraître aux Édtions Pierre de Taillac : Les plus grandes batailles en montagne de l’Antiquité à nos jours