Nombre de messages : 29167 Age : 78 Emploi : Français Radicalisé . Date d'inscription : 07/11/2014
Sujet: L'épopée de l'armée de Lattre . Jeu Sep 16 2021, 00:47
L'épopée de l'armée de Lattre
Complément indispensable au débarquement allié en Normandie, celui des côtes méditerranéennes visait à prendre les Allemands en tenailles.
Les troupes françaises s'y sont particulièrement illustrées, sous la direction d'un chef d'exception : le général Jean de Lattre de Tassigny.
Ils ont débarqué en Provence entre le 15 et le 17 août 1944, libéré Toulon, Marseille, Lyon, Colmar et beaucoup d'autres villes et villages de France, réussi leur jonction avec les Forces françaises de l'intérieur (FFI), franchi le Rhin et terminé la guerre sur le Danube.
Et pourtant, les soldats de la Première armée française ressentent quelquefois l'impression qu'ils sont les mal-aimés de la nation.
Le général Leclerc, qui commanda la 2e DB, éclipserait le général de Lattre, comme si le dissident des premiers jours, gaulliste de toujours, libérateur de Paris et de Strasbourg, méritait une gloire plus éclatante que le second, rallié d'après novembre 1942, organisateur de l'armée de la victoire, seul général français qui, au cours de la Seconde Guerre mondiale, ait eu sous ses ordres des unités américaines.
Ce sont là de vieilles querelles qui tombent, peu à peu, dans les oubliettes de l'histoire.
Elles n'en marquent pas moins les mentalités collectives et rappellent, à leur manière, que la campagne de la Première armée française a grandement contribué à libérer la France.
Dans les plans des Alliés, l'opération Anvil (« enclume ») - qui prendra le nom de Dragoon (« dragon ») en août 1944 - figure en bonne place.
Ce sera le complément indispensable d'Overlord (cf. André Kaspi, p. 8).
Le débarquement sur les côtes de la Manche et le débarquement sur la côte méditerranéenne prendront les Allemands en tenailles.
Ils les contraindront soit à accepter l'isolement, puis la reddition de leurs forces dans le Sud-Ouest, soit à replier celles-ci, de toute urgence, jusqu'au Rhin.
Au cours de l'été 1943, l'état-major combiné des Alliés (Combined Chiefs of Staff) prépare Overlord tout en prévoyant que «des opérations offensives contre la France du Sud [...] devraient être entreprises en vue d'établir une tête de pont dans la région de Toulon-Marseille et d'avancer vers le nord, pour créer une diversion dans le cadre du plan Overlord. ». Le 27 octobre, les premiers projets sont élaborés.
C'est alors qu'apparaissent des divergences entre Britanniques et Américains.
Roosevelt souhaite montrer à l'Union soviétique que l'alliance de guerre est solide, qu'elle continuera après le rétablissement de la paix, que Staline peut compter, comme il le demande avec insistance, sur l'ouverture prochaine d'un front occidental.
Churchill, quant à lui, désire que l'intervention des Alliés porte sur la Méditerranée centrale ou orientale.
Staline préfère l'opération Anvil, à la grande satisfaction des Américains.
Roosevelt poursuit son but, chimérique sans doute mais à l'époque encore concevable, de renforcer l'amitié soviéto-américaine pour établir une paix durable et bâtir l'Organisation des Nations Unies. Du coup, Anvil n'est plus une simple opération de diversion.
Les stratèges alliés songent désormais à « une opération de soutien [...] sur la plus grande échelle possible » et concluent :
« Overlord et Anvil sont les opérations capitales de 1944. Elles doivent être exécutées pendant le mois de mai 1944. Rien ne doit être entrepris dans aucune autre partie du monde qui risque de porter préjudice à ces deux opérations. [...] Il faut procéder aussi rapidement que possible à l'examen du projet Anvil à partir d'une attaque menée par au moins deux divisions. »
C'est la VIP armée américaine du général Alexander Patch qui reçoit la mission de peaufiner les plans.
La Force 163, comme on dit dans les milieux alliés, poursuit sans relâche ses préparatifs.
Mais Churchill, Montgomery et les généraux britanniques qui commandent sur le front italien manquent toujours d'enthousiasme.
La situation en Italie leur sert de prétexte.
Si les Alliés y rencontrent une résistance acharnée de la part des Allemands, ils demandent que l'effort soit accru pour y faire face et que, faute de troupes disponibles, le débarquement sur la côte méditerranéenne soit reporté.
Au contraire, si les Allemands cèdent du terrain, c'est la preuve qu'on peut les faire reculer jusqu'aux portes de l'Allemagne...
Bien des Français du corps expéditionnaire en Italie, à commencer par le général Alphonse Juin, partagent cette opinion.
Et puis, le gênerai Eisenhower admet, le 20 mars 1944, qu'il ne dispose pas d'un nombre suffisant de péniches de débarquement pour mener à bien en même temps Overlord et Anvil.
Les deux opérations seront donc dissociées.
Les Britanniques reviennent alors à la charge.
Pourquoi ne pas faire à'Anvil une sorte d'opération dissuasive qui menacerait les Allemands, sans que les Alliés aient l'intention de la déclencher ?
Les Américains ne se laissent pas convaincre.
Ils veulent respecter la promesse de leur Président à Staline.
Ils croient que la réussite d'Overlord dépend aussi de la libération d'un grand port dans la France du Sud et veulent affronter les Allemands sur « un front large ».
Rome est libérée le 4 juin.
L'état-major allie recommande que l'avance des troupes soit arrêtée sur une ligne Pise-Rimini, que quatre divisions américaines suivent un entraînement intensif pour lancer une opération amphibie du côté de Toulon et de Marseille, ou du côté de Bordeaux et de Sète. Churchill défend alors une idée qu'il juge géniale.
Les Alliés, dit-il, devraient remonter la vallée du Pô.
Ils atteindraient la trouée de Ljubljana et marcheraient sur Vienne.
Etablis au cœur de l'Europe, dans son « ventre mou », ils menaceraient directement l'Allemagne et formeraient un rempart contre une avance excessive des Soviétiques vers l'ouest.
Eisenhower reste de marbre.
Il redoute les combats dans une zone montagneuse et estime qu'en remontant la vallée du Rhône, en libérant la Normandie, en franchissant la Loire et la Seine, les Alliés remporteront plus rapidement la victoire.
Roosevelt lui donne raison.
Plongé dans la préparation des élections présidentielles, il ne peut pas déclarer à ses concitoyens que les États-Unis iront se battre en Europe centrale, que les boys resteront, une fois la victoire assurée, de l'autre côté de l'Atlantique, que la méfiance envers l'Union soviétique succédera à l'alliance et que le rêve d'une ONU est mort-né.
En fin de compte, c'est le 2 juillet seulement que les plans définitifs de l'opération Anvil sont adoptés.
Peu après, la date est fixée.
Ce sera le 15 août, dix semaines après le débarquement en Normandie.
Et jusqu'au dernier moment, Churchill tentera, en vain, de dissuader ses alliés américains.
Britanniques et Américains sont, malgré tout, tombés d'accord sur un point.
Si l'opération Anvil a lieu, les Français tiendront un rôle majeur dans le débarquement.
Rien d'étonnant à cela.
Depuis janvier 1943, les États-Unis ont promis de réarmer onze divisions françaises (le nombre est réduit ensuite à huit).
En décembre, Eisenhower a pris l'engagement auprès de De Gaulle qu'une division participera à Overlord et entrera dans Paris.
En conséquence, les Français disposeront pour Anvil de cinq ou six divisions d'infanterie, de trois divisions blindées et de trois états-majors de corps d'armée.
Et de Gaulle de conclure :
«Le général de Lattre [...] est désigné pour prendre en main cette affaire et organiser les divisions et les services. »
L'entrée en scène du général Jean de Lattre de Tassigny revêt une importance capitale.
Au début de 1944, de Lattre a cinquante-cinq ans.
Entré à Saint-Cyr en 1908, il a combattu à Verdun pendant seize mois.
Blessé quatre fois, cité huit fois, le capitaine de Lattre n'est pas homme à s'endormir sur ses lauriers.
En 1922, le voici muté, sur sa demande, au Maroc où il participe à la guerre du Rif.
Cinq ans plus tard, il entre à l'École de guerre, en sort chef de bataillon, puis est appelé, en 1932, auprès du général Maxime Weygand qui exerce alors les fonctions de vice-président du Conseil supérieur de la guerre.
Le colonel de Lattre commande à Metz le 151e régiment d'infanterie et devient, en 1938, chef d'état-major du général Héring, gouverneur militaire de Strasbourg.
Nommé général de brigade l'année suivante, il commande la 14e division et retient, un mois durant, les Allemands à Rethel.
Au lendemain de l'armistice, il est nommé commandant militaire du Puy-de-Dôme, puis de la XII région.
Après un séjour de quatre mois en Tunisie, il rentre en métropole pour prendre le commandement de la 16e division militaire.
Arrivent le 11 novembre 1942 et l'invasion par la Wehrmacht de la zone dite libre.
De Lattre est le seul général français en activité qui refuse la soumission.
Sa tentative de dissidence échoue.
Il est arrêté, jeté en prison et condamné par des juges français à dix ans de réclusion. Il s'évade de la prison de Riom le 3 septembre 1943, gagne Londres d'abord, puis Alger, le 20 décembre.
Sa première visite est pour le gênerai de Gaulle.
Les deux hommes se connaissent et savent bien que la France a besoin de l'un et de l'autre, à des postes différents.
Sa deuxième visite est pour Giraud, « mon ancien chef de Metz», qui lui fait «un très cordial accueil» et lui offre «une affable hospitalité ».
Soutenu par les autorités tutélaires, et antagonistes, du Comité français de libération nationale (CFLN), de Lattre reçoit immédiatement la mission de former et d'instruire l'armée B.
Il débat avec les membres de la Force 163 à l'École normale de la Bouzaréa.
Aucun Français, de Lattre le sait bien, ne commandera les troupes qui débarqueront, car les Américains et les Britanniques entendent rester les maîtres de l'organisation matérielle et des décisions stratégiques.
Mais les Français sont admis aux discussions.
Ici, ils sont membres à part entière de la coalition.
Ils donnent leur avis et n'hésitent pas à se heurter à leurs alliés.
Entre de Lattre et Patch, le courant passe.
Les deux généraux partagent la même conviction :
Il faut résister à ceux qui voudraient dénaturer ou annuler l'opération Anvil.
Sinon, l'armée B, confie l'Américain, suivra la VIIe armée américaine «sur le théâtre d'opérations où cette grande unité serait engagée. [...] sans doute alors sur le front italien en direction de l'Autriche ».
De Lattre a compris la menace.
Il alerte de Gaulle qui fait savoir qu'« aucun soldat français ne sera envoyé sur un autre théâtre d'opérations que celui prévu et décidé au cours d'une conférence réunissant à Alger, au début de l'année, les représentants officiels des gouvernements alliés».
Message reçu.
«Le général Patch comprend parfaitement cette ligne de conduite du chef du gouvernement français et donne son adhésion totale au maintien de l'opération Anvil. »2
Parfois, les deux hommes sont en désaccord.
Que feront les Alliés juste après le débarquement ?
De Lattre souhaiterait qu'ils coupent la retraite des Allemands le plus rapidement possible et qu'ils foncent vers le triangle Grenoble-Besançon-Bellegarde.
Patch n'y est pas vraiment opposé, mais puisque l'armée B a reçu la mission de s'emparer de Toulon et de Marseille, ce n'est pas elle qui prendra en charge le secteur des Alpes.
A moins que les Français ne redoutent d'accomplir la tâche qui leur a été confiée.
«Le général Patch parut voir dans mon désir, observe de Lattre, le souci inavoué d'éviter a mes troupes les assauts contre Toulon et Marseille. »3
Il est vrai que la tenue des soldats français en Italie, sous le commandement du général Juin, et à la mi-juin dans la libération de l'île d'Elbe, sous les ordres du général de Lattre, a de quoi rassurer les Américains.
Ce qui plus encore renforce leur détermination, ce sont les informations que transmet la Résistance.
Dans les tout premiers jours d'août, le colonel Henri Zeller, chef des FFI dans les Alpes, arrive à Alger.
Les Allemands sont forts le long des plages, dit-il.
En revanche, à l'intérieur des terres, les FFI ont laminé leur potentiel militaire.
Avec le concours des troupes qui débarqueront en Provence, le «nettoyage » suivra le « travail de désagrégation matérielle et morale sur les troupes allemandes».
Le plan prévoit-il que Grenoble sera atteint à J+90, c'est-à-dire trois mois après le débarquement ?
Quelle erreur ! répond Zeller. De Brignoles à Grenoble, quarante-huit heures suffiront. Et à partir de Grenoble, un mouvement vers le centre coupera la retraite de l'ennemi.
De Gaulle est convaincu.
Il envoie Zeller à Naples, pour y rencontrer de Lattre et Patch.
Zeller poursuit sa démonstration :
Les Allemands disposent encore des moyens de mener de terribles représailles et d'un armement supérieur à celui des FFI.
Mais dans tout le massif alpin, ils ne peuvent plus « lancer un agent de liaison isolé, une voiture sur les routes.
Aucun train ne circulait plus depuis le 15 juin sur les deux voies Abc-Grenoble et Livron-Briançon.
Aucun barrage ennemi, aucun contrôle n'existe en dehors des villes de garnison.
Pas de traces de travaux de campagne, de champs de mines, de menace de destruction.
Les Allemands sont pratiquement prisonniers dans leurs garnisons, dont ils ne sortent qu'en force pour leur ravitaillement ou quelque expédition en représailles - et ces convois, ces colonnes sont attaqués une fois sur deux par un ennemi insaisissable».
Et Zeller de conclure avec fougue et conviction :
« Le soldat allemand est démoralisé. [...] // considère avec crainte ces montagnes, ces forêts, ces rochers, ces vallées étroites d'où à tout instant peut sortir la foudre. Il attend le débarquement avec autant d'impatience que nous. »4
Ce qui revient à dire que les Alliés bénéficieront de l'aide, précieuse, des maquis des Alpes.
Ils affronteront une tâche plus difficile dans le couloir rhodanien où l'ennemi conserve des forces et où la nature du terrain rend plus aléatoire l'action de la Résistance.
De Lattre et Patch savent désormais à quoi s'en tenir.
L'heure de l'assaut sonne le mardi 15 août 1944 au petit matin.
Les tâches ont été réparties avec soin.
Aux premières lueurs de l'aube, près de 10 000 parachutistes britanniques et américains sautent au-dessus du Muy pour bloquer la vallée de l'Argens et interdire aux Allemands la Nationale 7.
Des commandos français se jettent sur le cap Nègre avec succès, et sur Théoule avec moins de réussite.
Des forces spéciales américaines prennent les îles de Port-Cros et du Levant.
A huit heures, à la suite de bombardements intensifs de la côte, le VIe corps d'armée américain du général Lucian Truscott avec ses trois divisions, et le Combat Command n° 1 du général Sudre de la 1re division blindée française, prennent pied entre Cavalaire et Agay.
« L'élan américain est irrésistible, écrit de Lattre. [...] La progression est partout satisfaisante. Seule, la plage de Saint-Raphaël reste inabordable. »5
A l'extrême fin de la journée, deux têtes de pont sont solidement établies :
A l'est de l'Argens, entre Saint-Raphaël et Antheor ; a 1 ouest de l'Argens, de Saint-Aygulf au cap Nègre, sur une profondeur de dix à quinze kilomètres.
Dans la région du Muy, les parachutistes ont atteint leurs objectifs.
Les pertes alliées s'élèvent à trois cent vingt tués, dont la plupart ont été victimes des mines.
Deux mille Allemands ont déposé les armes.
Les Américains ont entrepris le déchargement d'un matériel impressionnant et indispensable à la poursuite des opérations.
AFRICAINS, INDOCHINOIS, ANTILLAIS ET POLYNÉSIENS
C'est maintenant au tour de l'armée B de débarquer.
Les Français attendent en mer.
Leur émotion grandit à mesure qu'ils approchent du rivage et qu'ils apprennent les succès de leurs camarades anglais et américains.
A dix-sept heures, le 16 août, « la minute attendue fiévreusement arrive enfin ».
Les hommes de De Lattre sont prêts.
«D'un seul élan, sur tous les navires, tandis que montent les couleurs, la Marseillaise éclate, la plus poignante qu 'on ait jamais entendue. »
Il y a là la 1ere division française libre du général Diego Brosset, composée des anciens de la campagne de Norvège, d'Africains, d'Indochinois, d'Antillais et de Polynésiens, la 1ere division blindée du général Touzet du Vigier, et la 3e division d'infanterie algérienne du général de Monsabert.
Bientôt suivront d'autres divisions françaises et les tabors marocains. L'ensemble de ces unités constitueront, à partir du 25 septembre, la Première armée française.
Les résultats dépassent les espérances.
Toulon est libérée le 23 août, douze jours plus tôt que prévu ; Marseille, le 29 août, vingt-six jours plus tôt que prévu ; Grenoble, le 22 août, quatre-vingt-trois jours plus tôt que prévu.
La jonction des armées d'Over-lord et de celles d'Anvil-Dragoon se fait à la mi-septembre, soit quatre mois avant la date que les stratèges alliés avaient envisagée. Ces victoires successives et, pour tout dire, inattendues, méritent quelques explications.
Comme en Normandie, les Allemands ont été surpris par le lieu du débarquement.
Certes, si affaiblie soit-elle, leur aviation a procédé à des reconnaissances en mer.
Le 12 août, elle a observé une forte concentration de navires allies au large d'Ajaccio, qui deux jours plus tard, prennent la direction du golfe de Gênes.
C'est un signal d'alarme.
De plus, les Alliés bombardent les côtes françaises, surtout les fortifications, les voies de communication, les batteries.
Les services de renseignement de la XIXe armée allemande apprennent que le débarquement aura lieu le 15 août.
Mais où exactement ?
Près de Gênes, assurent les uns.
Entre le Var et le Rhône, répondent les autres, sans doute entre Marseille et Toulon, avec le parachutage de troupes aéroportées dans la Crau.
Du côté de Narbonne et de Sète, estiment d'autres encore.
Somme toute, l'assaut pourrait être donné entre la Ligurie et la frontière espagnole.
Vastes espaces à protéger !
Et comment prouver qu'il n'aura pas lieu le long de l'Atlantique, par exemple dans le golfe de Gascogne ou dans la région de Bordeaux ?
N'est-ce pas, à tout prendre, une menace qui vise à détourner l'attention des Allemands de la bataille de Normandie ?
Or, la-bas, en Normandie et en Bretagne, les combats font rage.
Les Allemands puisent dans leur réservoir du Sud de la France les troupes qui leur font défaut au Nord et à l'Ouest.
Des divisions entières et des unités d'artillerie sont transférées.
Le général Wiese, qui commande la XIXe armée allemande, chargée de surveiller la côte méditerranéenne, a perdu ainsi une partie importante de ses effectifs.
Il demande le renfort de la 11e division blindée qui stationne dans la région de Toulouse.
Son chef refuse.
Il évalue le potentiel de ses adversaires à seize, voire dix-neuf divisions, alors que, dans la réalité, il n'en dépassera pas onze.
Lorsqu'il accepte enfin, le 12 août, d'envoyer la 11e division blindée, les ponts sur le Rhône sont coupés, et les hommes ne peuvent pas traverser le fleuve.
Que faire dans ces conditions ?
Des canons redoutables protègent Toulon et Marseille.
Des mines truffent le rivage.
Les abris sont bétonnés ; des obstacles en tous genres disposés sur les plages.
Le mur de la Méditerranée ne vaut pas le mur de l'Atlantique, mais tout de même...
En principe, il n'est pas question pour les Allemands de reculer.
Hitler a ordonné la résistance.
Dans le même temps, le Fùhrer a décidé de mettre en place, dans le plus grand secret, une ligne de défense qui courrait de la Somme au Jura.
Deux jours après le débarquement, le 17 août, un ordre arrive de l'état-major de la Wehrmacht.
Les troupes qui sont positionnées à l'ouest du Rhône se replieront jusqu'en Bourgogne.
Celles qui se trouvent à l'est du fleuve maintiendront le contact avec l'ennemi.
Elles combattront jusqu'au dernier homme pour empêcher que Toulon et Marseille ne tombent aux mains des Alliés.
Les troupes d occupation de la région alpine protégeront la retraite de la XIXe armée, puis prendront la direction de l'Italie.
Les Allemands ont reçu l'ordre de détruire, au cours de leur repli, tout ce qu'ils ne peuvent pas emporter.
Ce n'est pas la débandade, mais un repli dans l'ordre, pied à pied, avec ici et là des combats acharnés, souvent une répression terrible contre les civils et les maquisards, des «terroristes», qui mènent une guérilla intensive et efficace, toujours de lourdes pertes.
Ce que redoutent Hitler et ses généraux, c'est qu'en donnant trop tard l'ordre de repli aux armées du Sud de la France, elles ne soient prises dans les tenailles de l'ennemi.
Car il est évident que les Alliés disposent d'une incontestable supériorité matérielle.
Les dix mille bâtiments de la Naval Western Task Force, parmi lesquels trente-quatre unités françaises de gros tonnage, les deux mille appareils embarqués de la Mediterranean Allied Air Force, les milliers de tonnes de bombes et les quantités incalculables de projectiles dont disposent les Alliés démontrent, à l'évidence, que les Allemands livrent un combat d'arrière-garde, qu'ils ont intérêt à regrouper leurs forces à l'ouest du Rhin pour mieux défendre leur territoire national.
Le général de Lattre et ses subordonnés français en sont, eux aussi, conscients, tout comme les généraux américains.
Dans son instruction personnelle et secrète du 6 août, de Lattre résume sa conception de la manœuvre :
«La vitesse sera, avant tout, le facteur essentiel du succès : vitesse dans la recherche constante du débordement par les hauts du terrain, vitesse dans l'exploitation hardie de toute occasion favorable à l'évolution rapide de la manœuvre. »
Ce sont ces brillants résultats qui justifient l'opération Anvil-Dragoon.
D'autant que par Marseille, Toulon et Port-de-Bouc, des vivres, du matériel, du carburant, des véhicules sont acheminés vers les champs de bataille.
En deux mois et demi, 525 000 tonnes sont ainsi déchargées, tandis que 700 000 parviennent jusqu'aux ports de la Manche.
Le succès d'Overlord dépend aussi d'Anvil-Dragoon.
Grâce à ces deux opérations coordonnées et complémentaires, la libération du territoire national sera considérablement accélérée.
NOTES
1. Arthur L. Funk, « Considérations stratégiques sur l'invasion du Sud de la France », Comité d'histoire de la Seconde Guerre mondiale, La Guerre en Méditerranée, 1939-1945, Paris, éditions du CNRS, 1971, p. 444.
2. Cf. Reconquérir. Écrits 1944-1945, Paris, Pion, 1985, p. 27.
3. Jean de Lattre de Tassigny, Histoire de la Première Armée française. Rhin et Danube, Paris, Pion, 1949, p. 65.
4. Témoignage de Henri Zeller, Comité d'histoire de la Seconde Guerre mondiale, La Libération de la France, Paris, éditions du CNRS, 1976, p. 470.
5. Op. cit., p. 73.
6. De Lattre, op. cit., p. 75.
Lettre du 9 mai 1945 du général d’Armée de LATTRE de TASSIGNY aux Officiers, Sous-officiers, Caporaux et Soldats de la Première Armée Française
Officiers, Sous-officiers, Caporaux et Soldats de la Première Armée Française
Le jour de la Victoire est arrivé.
A Berlin, j’ai la fierté de signer au nom de la France, en votre nom, l’acte solennel de la capitulation de l’Allemagne.
Dignes de la confiance de notre Chef Suprême, le Général de Gaulle, libérateur de notre Pays, vous avez, par vos efforts, votre ferveur, votre héroïsme, rendu à la Patrie son rang et sa grandeur.
Fraternellement unis aux soldats de la Résistance, côte à côte avec nos camarades alliés, vous avez taillé en pièces l’ennemi, partout où vous l’avez rencontré.
Vos drapeaux flottent au cœur de l’Allemagne . Vos victoires marquent les étapes de la Résurrection Française.
De toute mon âme, je vous dis ma gratitude. Vous avez droit à la fierté de vous-même comme à celle de vos exploits
Gardons pieusement la mémoire de nos morts. Généreux compagnons tombés au champ d’honneur, ils ont rejoint dans le sacrifice et la gloire, pour la Rédemption de la France, nos fusillés et nos martyrs.
Célébrons votre victoire : victoire de Mai, victoire radieuse de printemps qui redonne à la France la Jeunesse, la force et l’Espoir.
Soldats vainqueurs, vos enfants apprendront la nouvelle épopée que vous doit la Patrie.
« Je ne suis pas abattu, je n'ai pas perdu courage. La vie est en nous et non dans ce qui nous entoure. Être un homme et le demeurer toujours, Quelles que soient les circonstances, Ne pas faiblir, ne pas tomber, Voilà le véritable sens de la vie ».
foxtrot, 81/06 et RIVIERE aiment ce message
RIVIERE membre confirmé
Nombre de messages : 667 Age : 67 Emploi : RETRAITE Date d'inscription : 27/08/2021
Sujet: Re: L'épopée de l'armée de Lattre . Jeu Sep 16 2021, 12:15
Merci pour cette magnifique page d’histoire !!! Immense respect pour nos grands généraux, ainsi que pour tous ces libérateurs, ces combattants qui ont tout donné pour chasser l’ennemi, pour expulser l’envahisseur….
81/06 aime ce message
Invité Invité
Sujet: de LATTRE Jeu Sep 16 2021, 12:23
Beau reportage et belles photos, bravo guy
Alexderome Admin
Nombre de messages : 9338 Age : 59 Emploi : A la recherche du temps perdu Date d'inscription : 22/10/2010
Sujet: Re: L'épopée de l'armée de Lattre . Jeu Sep 16 2021, 12:41
Parmi ces maréchaux, Leclerc a su parfaitement s’en démarquer, il était même présent lors de ka signature de la. capitulation japonaise sur le Missouri.
« Lorsque dans notre pays on parle de courage et de grandeur, c’est vers les croix de guerre que se tournent les regards » Alphonse JUIN Maréchal de France