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 L'Allemagne dans l'histoire des forces spéciales

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MessageSujet: L'Allemagne dans l'histoire des forces spéciales   L'Allemagne dans l'histoire des forces spéciales Icon_minitimeSam Avr 06 2019, 19:09

L’Allemagne dans l’histoire des forces spéciales




par Tancrède Wattelle





L'Allemagne dans l'histoire des forces spéciales Brandenburg-300x154


A la suite de son article sur les Kommando Spezialkräfte Tancrède Watelle, président de Sciences Po Défense et Stratégie, présente une analyse historique des unités spéciales allemandes, tout d’abord les Sturmtruppen, les forces d’assaut allemandes du premier conflit mondial qui firent l’admiration de Winston Churchill, puis les Brandenburgers, authentiques précurseurs des forces d’opérations spéciales. Cette étude met en valeur la notion d’innovation dans l’art de la guerre.




1 : Les Sturmtruppen, un choix stratégique manqué ?





Comme de nombreuses autres innovations, les Sturmtruppen, troupes d’assaut allemandes de la Première Guerre mondiale sont le résultat de leçons tirées mais pas mises en œuvre par leurs adversaires. En l’occurrence, le capitaine André Laffargue publia en 1915 un ouvrage relatif à l’attaque dans la guerre de tranchées qui attira l’attention de l’armée française. Cette dernière décida néanmoins de le publier uniquement à titre indicatif, quand les Britanniques décidèrent de ne pas le traduire du tout.


Quand les Allemands purent mettre la main sur un exemplaire, ils disposaient déjà depuis deux mois d’une unité répondant aux critères de l’auteur.
Cet exemple illustre bien le voisinage des réflexions stratégiques mais aussi les divergences d’approche entre Empires centraux misant sur la qualité de leurs hommes et l’Entente pariant sur les avances technologiques (premiers tanks).


Les Sturmtruppen, instrument redoutable, furent de toutes les grandes offensives après 1916 mais ne purent éviter la défaite de l’Allemagne et de ses alliés.
Néanmoins, leur apport dans la pensée stratégique et tactique est de poids : ils préfigurent en effet des unités d’élite chargées de peser dans la balance pour rompre le front et l’emporter.


Toute ressemblance avec une tactique employée dans la guerre suivante est tout sauf fortuite, en particulier quand on connaît l’importance accordée par les Allemands au Kriegsspiel et au retour d’expérience.


Dans cette optique, on peut se demander dans quelle mesure les Sturmtruppen constituent autant un succès sans conséquences qu’une avancée considérable pour la réflexion stratégique.





Tout d’abord, il faut se pencher sur les méthodes des troupes d’assaut allemandes.


En effet, ces unités d’élite sont dotées des équipements individuels les plus modernes pour concentrer une puissance de feu inédite sur des positions faiblement défendues qui seront laissées aux troupes conventionnelles.


De fait, les Sturmtruppen ne sont pas pensées pour prendre d’assaut des points forts, par exemple un nid de mitrailleuse, mais pour exploiter ensuite les percées dans la profondeur du dispositif ennemi, désorganisant le réseau logistique, mobilisant les réserves et empêchant toute contre-attaque.


Ces unités d’élite se placent dans la continuité des Sturmpioniere (génie d’assaut), créés peu avant la guerre pour prendre les forts belges à l’aide d’une puissance de feu peu commune, à l’image de la prise du village fortifié de Maize en août 1915 par des Pioniere utilisant massivement des grenades.


La doctrine des Sturmbataillone est aussi particulièrement influencée par la tactique d’infiltration théorisée par le général Oskar von Hutier qui aura d’ailleurs l’opportunité de commander ces unités à la fin de la guerre : dans la lignée de l’Auftragstaktik (( Tactique de commandement décentralisée donnant une responsabilité accrue aux cadres intermédiaires.))  allemande, il ne s’agit pas d’une infiltration sans combat mais bien d’une concentration de feu sans précédent sur un point faible qui permettra la rupture de la ligne adverse et son exploitation dans la profondeur.


Sa coordination par un officier subalterne rompu aux tactiques particulières des Sturmtruppen est donc essentielle.


Le capitaine Rohr, commandant historique du premier Sturmbataillon, rajoute le niveau Gruppe (escouade), qui permet une meilleure coordination et une interdépendance salutaire.
Un assaut de ces unités se déroulait ainsi : dans la lumière des fusées éclairantes, après une éventuelle attaque au gaz et une courte mais violente préparation d’artillerie, les Allemands concentrent leur puissance de feu considérable (mitrailleuse, grenades, lance-flammes) sur une position faible repérée au préalable,
contournent les positions mieux défendues et s’enfoncent dans la profondeur pour gêner l’acheminement et l’organisation d’une contre-attaque.


Seule, la question de la mobilité des troupes dans l’exploitation de la percée reste sans réponse, du moins jusqu’à l’avènement des Panzerdivisionen.



Les Sturmtruppen sont à la confluence entre unités spécialisées (Flammenwerferabteilung) et d’élite (Alpenkorps, bataillon de choc wurtembergeois commandé par le lieutenant Rommel) et se signalent notamment par un format inédit, tant dans la doctrine que dans l’équipement.


Lorsque naît la première Sturmabteilung le 2 mars 1915, l’influence du génie d’assaut dont elle est issue est décisive et se traduit par un armement sophistiqué et moderne, à commencer par des lanceurs de grenades et de mines (Minenwerfer), des lance-flammes, des mitrailleuses de type Maschinengewehren 08/15, voire même des arbalètes lance-grenades.


Pour le combat de tranchées, les soldats peuvent compter sur le traditionnel Grabendolch  (couteau de tranchée) mais aussi la Grabenkeule, sorte de matraque ferrée.


L’appui de l’artillerie nécessaire au pilonnage des défenses et des défenseurs est assuré en partie par l’armée conventionnelle, mais aussi par une batterie d’artillerie spécialement affectée et qui dispose de canons de petit calibre, aisément transportables, comme les canons de 37 mm.


De même, les Sturmtruppen bénéficieront des armements les plus modernes puisqu’elles seront les premières à disposer du premier pistolet-mitrailleur, le Bergmann MP18.
De plus, lors de l’offensive de la Marne en 1918, le demi-bataillon Hoffman du n°5 Rohr dispose même de quatre chars A7V, les seuls chars construits par l’armée allemande entre 1914 et 1918.


D’une manière générale, les troupes d’assaut testent le matériel destiné à équiper l’ensemble de l’armée, à l’image du célèbre Stahlhelm (casque d’acier). On constate aussi la présence plus sporadique d’armures corporelles et de boucliers, comme le note Jean-Louis Larcade, qui décrit un soldat portant « deux grands boucliers de protection de mitrailleuses attachés ensemble et dans la main droite, un pic-hachette »((1)).


Les hommes étaient des volontaires de moins de 25 ans, de préférence célibataires, qui étaient mieux payés et mieux approvisionnés.
En avril 1916, le bataillon est ainsi constitué d’un commandement, de 4 compagnies de 210 hommes, de deux compagnies de mitrailleuses MG 08/15, d’une compagnie de Minenwerfer, d’un élément lance-flammes, d’une batterie de canons de montagne de 105 mm, d’une compagnie de pionniers d’assaut et d’animaux de bât.


Le dispositif monta rapidement en puissance après un premier échec et après l’hiver 1916-1917, ce sont 17 Sturmbataillone qui sont alignés, dont certains composent la 101ème division, aussi appelée Angriffsdivision (division d’attaque), composée uniquement de troupes d’assaut.



En raison de leurs spécificités, ces unités étaient considérées comme extrêmement prestigieuses et populaires, et firent des émules à l’étranger.


Pour se distinguer des autres unités, les nouveaux bataillons, à l’exception des plus anciens, le n°5 Rohr (Pioniere) et le n°3 (Jägers), prennent l’appellation de Grenadiere qui caractérise en Allemagne les troupes d’élite.


De même, par décret spécial, chaque Sturmbataillon prend le numéro de l’armée dont il fait partie ainsi que le nom de son commandant, un honneur insigne décerné par le Kronprinz.
Par ailleurs, l’un de leurs exercices avec la division de cavalerie de la garde en avril 1917 sera observé de près par les généraux Hindenburg et Ludendorff mais surtout par les deux Kronprinz allemand et austro-hongrois.


L’intérêt suscité est symptomatique du prestige de ces entités, comme en témoigne la visite de l’empereur, du Kronprinz mais aussi du général von Gleiwitz accompagnant Enver Pacha, l’un des dirigeants jeune-turc.


A la fin de la guerre, les Sturmtruppen seront chargées de la protection du quartier-général de l’OHL((2)), mais aussi de personnalités, notamment de la famille royale qui part en exil.


Leur efficacité est rapidement reconnue par leurs adversaires, au premier rang desquels les Italiens qui créent un corps d’arditi aux attributions semblables, qui infligea de lourdes pertes aux armées coalisées sur le front austro-italien.


Les leçons tactiques en termes de techniques d’assaut furent progressivement assimilées, en particulier par le Canadian Corps, mais aussi par l’armée russe qui en fit bon usage pendant l’offensive Broussilov de juin 1916.


Il faut attendre février 1917 pour que l’armée britannique se réorganise, adoptant notamment une unité tactique de base proche de la Gruppe du capitaine Rohr.
Plus étonnante est l’absence de réponse de l’armée française, dont il faut néanmoins souligner la capacité d’adaptation avec la défense en profondeur du général Pétain, efficace face à la pénétration de ces unités.





Les innovations des Sturmtruppen sont aussi à relier à leur engagement et à leur déploiement, constitués en majorité de cycles intensifs d’entraînement et de formation.
En effet, contrairement aux unités conventionnelles, les Sturmbataillone disposent de leur propre base logistique à Beuveille où ils s’entraînent dans des conditions réalistes et où ils dispensent en partie leurs formations, l’autre partie étant effectuée à Doncourt.


Ainsi, l’entraînement est renforcé avec notamment des simulations d’assaut de positions ennemies reconstituées pour l’occasion.
Des tactiques spécialement développées à l’occasion de ces instructions sont mises en action par le régiment d’infanterie n°187 qui prend le collet du Linge et le Hartmannswillerkopf en octobre 1915 mais le perd dans la foulée.


Le capitaine Rohr reçoit la mission de reprendre ces positions stratégiques et difficiles d’accès et fait construire une position à Ensisheim semblable à celle qu’il a la responsabilité de conquérir.
L’attaque lancée le 8 janvier 1916 est couronnée de succès.


Néanmoins, comme l’illustre la formation dont a bénéficié le 187ème régiment d’infanterie, les troupes d’assaut sont avant tout des enseignants de techniques modernes d’assaut et de combat de tranchées.


A partir de mars 1916, ils forment de nombreuses unités aux techniques modernes de combat rapproché à Doncourt, ainsi que l’ensemble des troupes devant participer à l’opération Michael à Beuveille.


A l’hiver 1917, ils participent à l’opération à côté de Saint-Quentin et instruisent à leur retour la division de cavalerie de la garde aux techniques de combat spécifiques au front de l’ouest à Maubeuge.
De même, des formations furent organisées au profit d’officiers des autres armées de l’Ouest et de l’Est, ainsi qu’au profit d’officiers austro-hongrois englués sur le front de l’Isonzo.


Des éléments furent même envoyés en Bulgarie pour former des Sturmtruppen bulgares. En tout, en plus de la création d’un site d’entraînement, c’est tout un Sturmbataillon bulgare qui est mis en place, composé de deux compagnies, d’une section de Minenwerfer et d’une section lance-flammes.


Des formations de 14 jours étaient aussi dispensées à des officiers turcs et bulgares. Impressionnés par le concept, les Austro-Hongrois forment des compagnies qui sont ensuite placées sous l’autorité des Sturmbataillone n°8, 10, 11 et 12.


Ils systématisent aussi l’existence de Sturmbataillone au niveau d’une division, voire d’une brigade.
Le cycle opérationnel de ces unités d’élite est donc très fourni, alternant entre déploiement, entraînement et formation.



Créé en mars 1915, le premier Sturmbataillon, le n°5, est commandé par le major Calsow et doit d’abord faire face à l’incompréhension de l’état-major pour ce type d’unités. En effet, déployés à Douai au profit du corps d’armée Lochow, leur action ne convainc pas.
Puis, engagés en mai 1915 lors de la deuxième bataille de l’Artois sur les hauteurs de Vimy, ils sont utilisés pour faire des travaux.
En juin, une offensive du 33ème corps français oblige l’état-major à faire appel à Calsow, qui ne dispose pas de ses armes habituelles.


Ses hommes réussissent à reprendre les tranchées perdues mais sont décimés et perdent la moitié de leur effectif.
Ils sont donc retirés du front pour être reconstitués à Neu-Breisach et confiés dans la foulée au capitaine Rohr en septembre 1915, qui ne peut même plus compter sur le détachement de canons.
Néanmoins, ce dernier arrive à convaincre le général von Falkenhayn, commandant le grand état-major général, de donner une seconde chance aux Sturmtruppen en leur attribuant de nouvelles armes, à commencer par des canons de 76,2 mm ainsi qu’un peloton de mitrailleuses.

L’épopée de ces unités débute réellement en décembre 1915 dans les Vosges où 16 bataillons de chasseurs alpins prennent le Vieil-Armand, position stratégique au cœur du massif.


Épaulés par des chasseurs de réserve et de l’infanterie, le Sturmbataillon n°5 contre-attaque, tourne les Français, les encercle et les anéantit grâce aux lance-flammes, à l’image du 152ème RI.
Falkenhayn est séduit et s’incline devant la force de caractère de ces soldats d’élite.
A partir de février 1916, ils sont envoyés pour participer à la bataille de Verdun en première ligne et emportent les positions ennemies d’Herbébois après un assaut de 1,5 kilomètre parti d’Azannes.


en juin 1916, c’est au tour des bois de la Caillette de tomber, avant que l’effort soit poussé vers le fort de Souville et le village de Fleury.


Le remplaçant de Falkenhayn, Ludendorff, est lui aussi impressionné par les Sturmtruppen, qu’il considère comme l’incarnation de l’esprit offensif que doit avoir l’Allemagne pour remporter la bataille suprême qui brisera le front de l’Ouest.


Et les faits lui donnent raison : lors de la 12ème bataille de l’Isonzo, le front italien est enfoncé de 80 km à l’aide de la 14ème armée allemande et d’unités spéciales dont le bataillon de choc wurtembergeois, formé à Beuveille.


Puis c’est la prise de Riga par la 8ème armée allemande commandée par Oskar von Hutier et facilitée par les troupes d’assaut. C’est aussi la réduction de la tête de pont britannique sur l’Yser en juillet 1917 : à l’aide d’une lourde préparation d’artillerie, le Marine-Sturm-Bataillon  (300 hommes) fait face à deux bataillons anglais de la First Division et capture 1500 hommes.


De même, l’action des Sturmbataillone fait merveille dans la contre-attaque, comme l’illustre l’exemple de Cambrai, où la contre-offensive allemande permet de reprendre l’ensemble du terrain conquis par l’assaut blindé britannique.


En mars 1918, l’opération Michael, mise en œuvre par une majorité de troupes d’assaut, progresse de 65 km sans arriver à percer le front.
Ca sera le cas avec l’opération Georgette sur la Lys en avril 1918, qui voit les unités d’élite prendre le mont Kemmel et arriver en vue de Dunkerque.


Mais les lourdes pertes et la défense en profondeur font de cet exploit une victoire sans lendemain.
Enfin, l’opération Friedensturm est le chant du cygne des Sturmtruppen, dernier effort qui anéantit en mai 1918 quatre divisions alliées, prend Château-Thierry et les ponts sur l’Aisne.




Mais face aux contre-attaques blindées françaises, les Stosstruppen sont rapidement cantonnées à des tâches défensives jusqu’à l’armistice, se contentant de couvrir la retraite des unités conventionnelles. L’innovation n’aura pas réussi à inverser le cours de la guerre.





Face à l’obstacle des tranchées et d’une guerre qui s’allonge, chaque camp a fait le choix d’une option censée lui apporter la victoire. Si l’Entente a choisi l’arme blindée, l’Allemagne a fait la part belle aux troupes d’assaut, destinées à lui apporter cette victoire décisive qui lui échappait.
Les succès des Sturmtruppen ne sauront pas apporter la victoire à l’Allemagne, mais ouvrent la voie vers deux pistes de réflexion stratégique qui guideront l’Axe à la victoire en 1939.




La première consiste ainsi dans l’exploitation mécanisée de la percée obtenue par une concentration de feu et de moyens, et mène ainsi au Blitzkrieg. La seconde, plus tactique et humaine que stratégique, montre l’importance d’unités d’élite spécialisées capables de faire pencher la balance à tout moment par leur engagement et leurs compétences.


Cet héritage, qui transite par les corps francs où serviront de nombreux soldats des Sturmtruppen, permet ainsi de penser les premières unités spéciales qui aboutiront à la création des Fallschirmjäger et des




Brandebourgeois en 1940


.L'Allemagne dans l'histoire des forces spéciales Sturmtruppen-300x192




Des Sturmtruppen austro-hongroises sur le front italien.


On note les pinces coupantes et l’abondance de grenades.



2 : Les Brandebourgeois, un apport novateur





Vae victis. Nombreux sont les spécialistes militaires à avoir retracé l’origine de nos forces spéciales contemporaines aux commandos britanniques des SAS, notamment en raison de l’entraînement dispensé aux Français et aux Américains.


A contrario, la généalogie de ce concept ne mentionne que peu l’importance d’une unité allemande très spéciale et unique en son genre : les Brandebourgeois.
Issus des corps francs et de l’expérience allemande de la Première Guerre Mondiale, ces soldats à la confluence entre service action et forces spéciales ont pourtant grandement influencé l’action des SAS qu’ils ont notamment affrontés en Afrique du Nord.


La discrétion à leur propos est en tout cas impossible à relier avec d’éventuels comportements déviants.
Nommés d’après leur premier lieu de garnison, Brandenburg an der Havel, ces soldats d’élite constituent en effet des troupes de choc peu compatibles avec l’idéologie nazie du fait de leurs origines.


L’expérience, qui dura de 1939 à 1943, fut ponctuée par des opérations dignes des plus grandes unités de forces spéciales, au cœur du dispositif de Blitzkrieg qu’elle facilita grandement.
Néanmoins, leur réputation ne semble pas avoir franchi les frontières allemandes, à l’intérieur desquelles le sujet demeure tabou en raison de crimes de guerre perpétrés après 1943.


Et pourtant, force est de constater que cette formation présente des caractéristiques proches de nos forces spéciales modernes, alliant audace et savoir-faire.
En tout cas, selon un officier français, « c’étaient des as ! »((3)).

En vue de l’invasion de la Pologne en 1939, l’Abwehr (renseignement militaire allemand) avait créé des unités spéciales constituées de Silésiens germanophiles et de Volksdeutsche (Allemands résidant à l’extérieur du Reich) parlant polonais.


Ces corps-francs, connus sous le nom de K-Trupps, connurent des succès flamboyants, en particulier le bataillon Ebbinghaus, en prenant par surprise des objectifs stratégiques (nœud ferroviaire, tunnel, pont), en empêchant leur destruction et en les tenant jusqu’à l’arrivée des troupes régulières.


L’une de ces unités, la K-Trupp Herzner, prit même le contrôle du tunnel de Jablunka (Haute-Silésie) cinq jours avant la déclaration de guerre((4)). Ces coups d’éclat suffirent à convaincre l’Abwehr de la pertinence de la création d’une unité qui ne serait plus composée de civils mais de militaires entraînés de manière optimale et aux multiples compétences.


C’est ainsi que naquit le 15 octobre 1939 la première unité commando allemande sous le nom trompeur de Baulehrkompanie z.b.V 800, z.b.V voulant dire « zur besonderen Verwendung », soit « pour déploiement spécial ».


La compagnie devient bataillon le 10 janvier 1940, puis prend le 1er juin le nom de Lehrregiment Brandenburg z.b.V 800. Créé par l’Abwehr, le régiment restera sous son autorité jusqu’au 1er avril 1943, date à laquelle il devient un pompier du front de l’Est.





Dès sa fondation, des recrues affluent de toute la Wehrmacht, possédant des profils atypiques et décidés à rejoindre ce régiment d’élite.
Les Volksdeutsche de Silésie et des Sudètes constituèrent le principal vivier de recrutement avant que le besoin en hommes ne fasse venir des soldats de tous les horizons : immigrés des Etats-Unis et d’Amérique du Sud, colons d’Afrique, Volksdeutsche des Balkans et des pays baltes, ou encore minorités ethniques à l’image des Cachoubes ou des Sorabes.


La diversité régnait, comme l’illustre l’exemple de la compagnie von Koenen, déployée en Afrique du Nord et composée d’Allemands des anciennes colonies, de colons d’Afrique du Sud, et de Germano-Palestiniens.




Le recrutement privilégiait avant tout la maîtrise de plusieurs langues ainsi que la connaissance de différentes cultures.
Mais le régiment employait aussi des Kampfdolmetscher, des traducteurs de guerre issus des zones d’engagement qui avaient pour responsabilité de répondre aux sollicitations lors de missions d’infiltration.


Avec le temps et la diminution des effectifs, le nombre de ces derniers, généralement recrutés dans les camps de prisonniers, augmenta jusqu’à égaler le nombre d’Allemands.
Les Allemands retenus devaient ensuite passer par l’école de formation de l’Abwehr II (deuxième bureau) où ils étaient entraînés aux techniques de sabotage, d’infiltration et de démoralisation employées par les services de renseignement. Ce n’est d’ailleurs pas leur seul point commun, puisque chaque Brandebourgeois en mission possédait une capsule de poison qu’il devait ingérer en cas de capture.



Les recrues étaient ensuite affectées par zone géographique, puis par spécialité.
En effet, chaque compagnie avait son espace linguistique de prédilection, en lien avec un front particulier.


Ainsi, si la 1ère compagnie concentrait des spécialistes de l’Est (russe, langues baltes), la 2ème regroupait les anglophones et arabophones.
Au fil du temps, des compagnies spécialisées ont vu le jour à partir des entités existantes : la compagnie motorisée, la compagnie parachutiste, la compagnie de skieurs ou encore la compagnie « tropicale » de Küstenjäger (littéralement chasseurs de côtes)((5)).


Différents des autres unités d’élite, la singularité des Brandebourgeois réside dans le fait qu’ils pouvaient porter à la fois l’uniforme ennemi, la veste d’uniforme (Halbtarnung), ou l’uniforme complet (Volltarnung), une pratique illégale selon le droit de la guerre.
Leur objectif premier, sur le modèle des K-Trupps, était de prendre des objectifs stratégiques et les tenir jusqu’à l’arrivée de la Wehrmacht.


A cet égard, la prise du pont de Gennep sur la Maas (Pays-Bas) le 9 mai 1940 est exemplaire : déguisés en déserteurs allemands et encadrés par des sympathisants nazis néerlandais habillés en gendarmes, sept Brandebourgeois prirent et sécurisèrent le pont et trois bunkers((6)).


Par ailleurs, le sabotage et la reconnaissance dans la profondeur faisaient partie de leurs missions habituelles, comme l’illustre l’opération du baron von Fölkersam: à la tête de 62 Allemands baltes et sudètes déguisés en hommes du NKVD, la police secrète soviétique, son unité persuade des déserteurs soviétiques de retourner au front.


Pour le remercier, le commandant du puits pétrolier à sécuriser, leur objectif, lui dévoile les défenses du site.
Le baron s’empresse alors de saboter le centre de communication et d’ordonner le repli. Résultat, les avant-gardes allemandes prennent le puits de Maikop le 9 août 1942, sans combats((7)).


Enfin, à la faveur de la guerre en Russie, les Brandebourgeois sont chargés d’encadrer les partisans qui luttent contre les Soviétiques en Ukraine et dans le Caucase.
L’opération Chamil est lancée, visant à organiser et à armer des maquis dans le Caucase. Cependant, les Tchétchènes parachutés avec leur encadrement brandebourgeois tombèrent dès leur arrivée sur une patrouille qui mit un terme à l’opération.


L’ensemble des assignations derrière les lignes ennemies relevait donc des compétences du régiment Brandebourg.
Ils furent les premiers soldats allemands à entrer en Union Soviétique et furent de toutes les campagnes, en France, en Afrique du Nord, en Yougoslavie et sur le front de l’Est.





Le Lehrregiment Brandenburg s’est progressivement émancipé du cadre interarmes où il évoluait pour devenir une unité à part, capable seule de harceler les arrières de l’ennemi et ses lignes de communication.


Mais c’est aussi un élément déstabilisateur, une formation d’élite capable de faire pencher la balance en assurant la rapidité d’une offensive ou son bon déroulement.
En cela, son action se rapproche de celle des SAS et surtout de la 30 Assault Unit créée par Ian Fleming et rattachée au Directorate of Combined Operations (DCO).


Les premières actions des SAS en Afrique du Nord contre l’Afrikakorps s’inspirent ainsi notamment des interventions de la compagnie tropicale von Koenen qui s’attaquait au ravitaillement logistique de l’armée britannique.


Cette compagnie de Küstenjäger arriva même à infiltrer Le Caire et à reconnaître le sud libyen jusqu’au lac Tchad (opérations Kondor et Dora).


Plus tard, elle prit part à la prise de Leros (Dodécanèse) en coupant en deux les défenses ennemies par un parachutage au milieu de l’île, un modèle dans le genre.
Toutes les entreprises des Brandebourgeois ne furent cependant pas couronnées de succès, à l’image de la tentative de la compagnie de skieurs de faire exploser la ligne de chemin de fer de Mourmansk.


L’opération Pastorius devait quant à elle convaincre des immigrés allemands aux Etats-Unis de saboter des installations industrielles au cœur de leur pays d’adoption.



Appartenant à une unité d’élite interarmes, forts de nombreuses spécialités adaptées au terrain où ils pourraient être déployés, habitués à des interventions coup de poing et à des missions très diverses, les Brandebourgeois préfigurent une version ancienne du Commandement des Opérations Spéciales (COS), qui se caractérise par une marge de manœuvre élargie et par des résultats plus que convaincants.


Par ailleurs, l’actuel appui des Kurdes par le COS en Irak, et celui des Ukrainiens du bataillon Nachtigall par les Brandebourgeois, permet d’établir un autre parallèle.
Il est d’ailleurs intéressant de noter que pour le général Reinhard Günzel, ancien commandant des Kommando Spezialkräfte (KSK), l’équivalent du COS, les commandos allemands s’inscrivent dans la tradition du régiment Brandenburg.




Cette déclaration, qui fit polémique outre-Rhin((8)), fut l’occasion pour la Bundeswehr d’affirmer qu’il n’y avait officiellement aucune continuité entre les deux unités.
Encore une fois, l’ombre des crimes de guerre commis par la Division Brandenburg après 1943 a été l’élément retenu par l’Histoire.


On ne peut même pas leur reprocher leurs convictions nazies : les Brandebourgeois étaient issus d’horizons tellement différents que peu étaient des Allemands ordinaires, qui étaient nés et avaient grandi dans le Reich ; contrairement aux forces spéciales des SS, les Brandebourgeois étaient recrutés en raison de leurs compétences, et non du fait de leur allégeance.


De plus, avant 1943, le régiment est placé sous la coupe de l’Abwehr, dirigée par un anti-nazi convaincu, l’amiral Wilhelm Canaris.
Ce personnage bien singulier et visionnaire fut un résistant de la première heure en lien avec l’aristocratie((9)).
Alors qu’il prenait les rênes de l’Abwehr, il aurait ordonné : « N’amenez pas de nazis, surtout au siège à Berlin, mais des Autrichiens »((10)).


Selon Eric Lefèvre, spécialiste français du régiment, l’amiral Canaris aurait compté sur ses Brandebourgeois pour, le jour venu, renverser le régime nazi. Plus concrètement, il s’agissait de sécuriser l’ouest de Berlin et l’école d’artillerie SS de Jüterbog((11)).


Ironiquement, certains Brandebourgeois prisonniers des forces françaises préférèrent s’engager dans la Légion étrangère plutôt que d’affronter des accusations de crimes de guerre.
On en retrouva donc quelques-uns en Indochine puis en Algérie où ils mirent leurs compétences au service de la France.



Le choix de développer une élite guerrière est un tropisme allemand, renforcé par la rareté des matières premières en 1914 et par le culte nazi de la supériorité aryenne en 1939. Les Sturmtruppen, véritables forces spécialisées, auront marqué de leur empreinte la première guerre mondiale et lancé les bases d’une réflexion tactique cruciale sur la rupture de front. Equivalents des SAS, les Brandebourgeois n’atteindront cependant jamais leur célébrité. En Allemagne, le sujet reste largement tabou alors que les enseignements à tirer de cette expérience d’avant-garde sont nombreux. Au confluent entre forces spéciales et service Action, l’Abwehr avait compris la nécessité d’adopter différentes approches asymétriques et révolutionnaires telles que le déguisement, l’infiltration et la ruse pour déstabiliser des forces conventionnelles engluées dans leurs conceptions antiques du combat.

L'Allemagne dans l'histoire des forces spéciales Emblème-des-Brandebourgeois-1

Emblème des Brandenburg

 

 

 

 

Bibliographie :


  • BROCKDORFF Werner, Geheimkommandos des Zweiten Weltkrieges, Welsermühl, 1985

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MessageSujet: Re: L'Allemagne dans l'histoire des forces spéciales   L'Allemagne dans l'histoire des forces spéciales Icon_minitimeSam Avr 06 2019, 23:13

Un grand merci Gus ,

Très beau post , je connaissais vaguement , j'en tombe sur le Cul .

Bon boulot .

___________________________________ ____________________________________

Sicut-Aquila

L'Allemagne dans l'histoire des forces spéciales 908920120 L'Allemagne dans l'histoire des forces spéciales Cocoye10 L'Allemagne dans l'histoire des forces spéciales 908920120

« Je ne suis pas abattu, je n'ai pas perdu courage.
La vie est en nous et non dans ce qui nous entoure.
Être un homme et le demeurer toujours,
Quelles que soient les circonstances,
Ne pas faiblir, ne pas tomber,
Voilà le véritable sens de la vie ».

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