Commandoair40 Admin
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| Sujet: 11 novembre 1918 le premier jour de l'entre-deux-guerres . Dim Nov 11 2018, 15:30 | |
| 11 novembre 1918 le premier jour de l'entre-deux-guerres
L'armistice consacre la fin des combats de la Première Guerre mondiale qu'on espère être la «der des ders».
Pourtant, les germes du conflit à venir vingt ans plus tard sont déjà là.
Récit d'une journée de bascule.
Ce 11 novembre 1918, la guerre continue.
Augustin Trébuchon, berger dans le civil, soldat de 1re classe et estafette au 415e régiment d’infanterie, le voit bien, couché sous les balles, déterminé à faire son devoir, terrifié par la peur de mourir au dernier moment.
Alors même que l’armistice est sur le point d’être signé et que l’armée allemande recule sur tous les fronts, l’état-major français considère qu’il ne faut pas relâcher la pression.
Il a même prévu une offensive majeure pour le 14 en Lorraine, sous la direction de Philippe Pétain, général en chef de l’armée française.
LE DESTIN D'AUGUSTIN
Le 9 novembre, l’état-major a commandé au 415e, engagé en pointe sur les bords de la Meuse, entre Sedan et Charleville, de franchir la rivière et d’établir une tête de pont sur la rive nord.
Dans la nuit du 9 au 10, par un froid coupant, dans le brouillard qui monte de l’eau en crue, Augustin et ses camarades ont franchi un pont de fortune établi par le génie sur les restes d’un barrage.
Les Allemands tirent un peu au hasard, mais l’obscurité est propice.
Glissant sur les planches branlantes, ils réussissent à prendre pied sur l’autre berge et se déploient dans un champ glacé.
Quand le jour se lève, le feu reprend ; aplati dans l’herbe, Augustin sent le souffle des balles de mitrailleuse qui passent au-dessus de lui.
Tout le jour, son régiment résiste aux contre-attaques, décimé par les obus et les tirs allemands.
Au soir, malgré des pertes cruelles, la tête de pont a tenu.
Le lendemain 11 novembre, vers 5 heures, le bruit se répand soudain que l’armistice est signé, qu’il sera effectif à 11 heures.
Hébétés, épuisés, n’osant pas encore y croire, les soldats se laissent lentement gagner par le soulagement.
Comme un jour gris envahit la campagne, on entend au lointain les échos d’une Marseillaise chantée d’une voix hésitante.
Alors on attend, pelotonné dans la rosée froide, le cœur mêlé de joie et d’angoisse, tandis que des coups de feu percent encore le silence du matin.
Portrait d'Augustin Trebuchon. (AFP)
Soudain, un ordre arrive.
A 40 ans, Augustin est agent de liaison.
Il a été mobilisé en 1914 malgré son âge.
Pendant quatre ans, il a promené son accent de la Lozère sur tous les fronts, participé à des dizaines de combats.
Il a survécu, il peut commencer à savourer son sort, celui d’un miraculé qui a traversé la boucherie sans dommage.
Il faut porter un pli au général établi en avant de la rivière.
Une dernière mission de routine avant la délivrance.
Augustin se lève.
Il est 10 h 45.
Dans un quart d’heure, tout s’arrête.
Sans trop de méfiance, il marche dans l’herbe mouillée vers le bâtiment qu’il aperçoit un peu plus loin dans la brume.
Après tout, le massacre est terminé.
Une dernière marche dans la campagne où le silence se fait.
Tranquillité trompeuse.
A 10 h 50, dix minutes avant l’heure dite, comme Augustin gravit un talus, un coup de feu retentit.
La balle traverse le front du soldat, qui s’écroule sur le sol glacé.
Honneur stupide, ironie tragique : Augustin Trébuchon sera le dernier mort de la guerre.
Cette qualité, née d’un sarcasme du destin, lui sera disputée par quelques autres, un Breton, un Belge, un Américain, tous tués dans le dernier quart d’heure.
On retiendra, pour l’histoire, le nom d’Augustin Trébuchon, mort pour rien quand tous devaient vivre.
Mémoire un peu honteuse, il faut le dire.
Sur sa tombe, l’état-major fait graver, dans un pieux mensonge :
«Mort pour la France, le 10 novembre 1918.»
Pas de mort le 11 novembre.
La bêtise insigne de la guerre camouflée par une tricherie de vingt-quatre heures.
LA MUSIQUE OUBLIÉE DE LA PAIX
Un peu plus loin sur la Meuse, à la même heure, une autre estafette.
L’agent de liaison Gazareth atteint la première ligne sous une pluie d’obus déchaînée par l’artillerie allemande.
Les soldats couchés dans l’herbe le regardent, incrédules.
Que vient-il faire là en plein «marmitage» ?
Il crie : «La guerre va finir dans un quart d’heure. Il faut un clairon pour le cessez-le-feu !»
Les poilus n’y croient pas.
Les yeux écarquillés, ils répondent mécaniquement :
«Il est là-bas, dans son trou.»
Le clairon, Delaluque, est un calme, qui accueille Gazareth sans broncher dans son trou.
En rampant sous le feu, l’agent le conduit près du capitaine Lebreton, qui lit la consigne et la répète à Delaluque.
«A vos ordres, répond-il. Mais il y a un ennui : j’ai oublié l’air du cessez-le-feu. Je l’ai joué une fois, en 1911, à l’entraînement.»
Impatienté, Lebreton commence à fredonner la mélodie dans le fracas des obus.
On a oublié l’air de la paix. Pas vraiment étonnant… Le clairon hoche la tête, «ça va…»
Il ouvre son sac, en sort un instrument de cuivre bosselé.
«Merde, il n’y a pas d’embouchure !»
Il fouille son sac.
Lebreton s’énerve en regardant sa montre :
«Il est 10 h 57, il faut sonner dans trois minutes !»
Delaluque cherche le bout de métal jaune dans sa capote, puis dans sa veste.
Triomphant, il sort une petite clé.
Il ouvre une boîte de métal et trouve l’embouchure.
Las ! Elle est obstruée par des grains de tabac.
Impassible, Delaluque gratte l’objet avec son couteau sous l’œil furibard de Lebreton.
Il reste une minute.
L’embouchure est prête.
Il la visse sur le clairon et souffle.
Un son étouffé sort de l’instrument.
«Encore !» crie Lebreton.
Le soldat souffle une deuxième fois.
Les derniers grains de tabac sont expulsés.
Le clairon sonne.
Lebreton regarde sa montre tandis que les balles sifflent tout autour.
Onze heures.
Il lève le bras. Anxieux, hésitant, Delaluque se dresse lentement hors du trou.
Bien droit face aux lignes allemandes, il aspire une goulée d’air, gonfle ses joues : dans la campagne soudain muette, les notes du cessez-le-feu retentissent et roulent le long des champs et des talus.
Un moment de silence.
Puis à cent mètres, en face des Français qui sortent de leur trou comme des fantômes, hallucinés et méfiants, une mélodie plus aiguë perce le brouillard :
Les bugles des Allemands, qui résonnent en écho.
Alors, sur toute la ligne, les poilus se dressent calmement, hésitants, éberlués d’être toujours vivant après quatre années d’enfer.
Des milliers d’hommes savourent la première minute de la paix au milieu de la campagne sereine.
On entend quelques voix, les Allemands crient curieusement «Republik ! Republik !» saluant la révolution qui vient de se produire à Berlin.
Petit à petit, lentement au début, avec voix éraillées et chantant faux, puis dans un chœur immense, la première ligne tout entière entonne une Marseillaise qui retentit à des kilomètres.
___________________________________ ____________________________________Sicut-Aquila « Je ne suis pas abattu, je n'ai pas perdu courage. La vie est en nous et non dans ce qui nous entoure. Être un homme et le demeurer toujours, Quelles que soient les circonstances, Ne pas faiblir, ne pas tomber, Voilà le véritable sens de la vie ». | |
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Invité Invité
| Sujet: Re: 11 novembre 1918 le premier jour de l'entre-deux-guerres . Mer Nov 14 2018, 09:55 | |
| Quel drôle d'histoire que celle de la sonnerie du "cessez le feu" et celle aussi du dernier mort !!! les destins sont imprévisibles !! Merci JP
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