Lors d’un déplacement en Centrafrique, le 2 novembre, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a annoncé l’octroi, à Bangui, d’une aide financière de 24 millions d’euros ainsi que la livraison de 1.400 fusils d’assaut aux Forces armées centrafricaines [FACa]. Et, au passage, il a dénoncé les « ambitions voilées » que certaines puissances, dont la Russie, nourrissent dans ce pays.
En effet, depuis qu’elle a obtenu une dérogation auprès des Nations unies pour livrer de l’armement aux FACa, la Russie ne cesse d’accentuer son influence en Centrafrique. Environ 170 instructeurs militaires « civils » ont ainsi débarqué à Bangui, a priori pour des missions qui vont au-delà de la simple formation des soldats centrafricains au maniement des armes fournies par Moscou.
Selon un rapport d’un groupe d’experts des Nations unies, ces paramilitaires escortent des convois et fourniraient un « appui opérationnel » aux FACa. En outre, ils assurent également la sécurité du président centrafricain, Faustin-Archange Touadéra.
Enfin, les ressources minières de la Centrafrique ne manquent pas de susciter l’intérêt de la Russie, qui, par ailleurs, a lancé sa propre médiation avec les différents groupes armés centrafricains, parallèlement à celle menée sous l’égide de l’Union africaine. Et tout cela s’accompagne d’une rhétorique anti-française de plus en plus marquée dans les médias locaux (et russes).
Aussi, la France, qui est intervenue militairement en décembre 2013 afin d’empêcher des massacres à Bangui ainsi que la partition du pays, n’entend plus se faire tailler des croupières plus longtemps. D’où cette aide qu’elle a accordée à Bangui et les propos vifs tenus par M. Le Drian, pour qui la « Centrafrique n’est pas un terrain de jeu ».
Quelques jours plus tard, à l’occasion du Forum de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique, Florence Parly, la ministre des Armées, a enfoncé le clou. « Tous les efforts internationaux sont bienvenus pour sécuriser la République centrafricaine mais il faut que cela soit fait (…) dans le respect de la médiation de l’Union africaine », a-t-elle lancé, reprenant presque mot à mot les propos tenus par le chef du Quai d’Orsay.
« Et toutes les autres initiatives qui sont des initiatives opportunistes et souvent intéressées ne me paraissent pas contribuer à résoudre de façon positive la situation sécuritaire dans ce pays », a continué Mme Parly, en faisant une allusion implicte à la Russie. « Toute manipulation intéressée de puissance opportuniste serait inepte, indigne », a-t-elle insisté.
Pour rappel, en Centrafrique, la France a passé le relai à une mission des Nations unies [MINUSCA] au terme de l’opération Sangaris. En outre, elle reste présente militairement dans ce pays au travers d’une mission de formation des FACa, conduite par l’Union européenne [EUTM RCA].
Sollicité par l’AFP, Thierry Vircoulon, chercheur à l’Institut français des relations internationales [IFRI] a expliqué que la France est « passée à une rhétorique plus offensive parce que les Russes vont très vite » en Centrafrique. Cela étant, la Russie n’est pas la seule à s’intéresser de près à ce pays : la Chine l’est également, de même que, dans une moindre mesure et quoique différemment, les États-Unis, ces derniers ayant débloqué des aides financières et matérielles destinées aux FACa.
« C’est la contradiction, d’une part on se désengage et de l’autre on n’est pas content quand quelqu’un vient s’engager. Il faut dire qu’avec les Russes, c’est plutôt une ‘OPA hostile' », a continué l’analyste de l’IFRI. « Paris le prend mal. Ce n’est pas qu’il veut continuer à gérer le dossier centrafricain. Il veut que cela soit géré par d’autres (Union européenne, UA, ONU…) dans une sorte de gestion déléguée et les Russes sabotent ce plan », a-t-il expliqué.