En Allemagne, les questions militaires donnent souvent lieu à des désaccords entre les chrétiens-démocrates de la CDU/CSU et les sociaux-démocrates du SPD, lesquels font partie de la coalition gouvernementale dirigée par la chancelière Angela Merkel. Et le maintien d’un contingent de la Bundeswehr en Irak pourrait être une nouvelle pomme de discorde.
Ainsi, le 16 septembre, la ministre allemande de la Défense, Ursula von der Leyen, a plaidé pour prolonger le programme d’assistance militaire conduit par l’Allemagne en Irak. Actuellement, 125 soldats de la Bundeswehr ont été déployés dans le pays, dont environ une centaine à Erbil, auprès des combattants kurdes irakiens. Et, depuis août, Berlin a lancé un « projet pilote » à Tadji, à une trentaine de kilomètres de Bagdad, afin de former les forces irakiennes à contrer les menaces chimiques.
Or, le mandat de la Bundeswehr en Irak doit durer jusqu’au 31 octobre prochain, sauf si le Parlement allemand décide de le prolonger d’ici-là.
« La lutte contre l’EI [État islamique ou Daesh] a laissé de profondes blessures et des cicatrices dans le pays. Il faut de la patience pour qu’elles guérissent et que l’Irak devienne fort », a ainsi déclaré Mme von der Leyen, lors d’une visite à la base de Tadji.
« Maintenant, il est important de façonner et de protéger la reconstruction du pays sous un nouveau mandat », a continué Mme von der Leyen. « L’Allemagne est prête à continuer d’aider l’Irak à se remettre sur pied. C’est pourquoi je suis ici », a-t-elle ajouté.
Ce pays « n’a pas seulement besoin de stabilité mais aussi de croissance et de coopération économique », a par ailleurs estimé la ministre allemande, en rappelant que Berlin avait déjà investi près de 1,4 milliard d’euros en Irak depuis 2014.
Reste que « gagner la paix », comme l’a dit Mme von der Leyen, s’annonce compliqué. Les élections législatives de mai dernier font que différentes factions, dont certaines sont liés à l’Iran, peinent à s’entendre pour former un nouveau gouvernement. En outre, l’Irak passe pour être l’un des pays le plus corrompu au monde, ce qui n’arrange évidemment rien.
Cela étant, la reconduction du mandat de la Bundeswehr en Irak n’est pas forcément acquise, les partis situés à gauche de l’échiquier politique allemand n’y étant pas favorables, de même que, a priori, l’AfD, la formation classée à l’extrême-droite.
« Pour moi, il est devenu très clair que la ministre cherche à déployer les forces armées au Moyen-Orient de façon permanente », a commenté Alexander Neu, du parti Die Linke (gauche radicale).
Le député social-démocrate Fritz Felgentreu, qui accompagnait Mme von der Leyen en Irak et en Jordanie, a fait part du « scepticisme » de ses collègues. Il n’y aura « pas de caractère automatique » pour le renouvellement du mandat, a-t-il prévenu, même si la mission de la Bundeswehr en Irak fait partie de l’accord de coalition.
En mars, lors du vote sur les missions militaires allemandes, au Bundestag [chambre basse du Parlement, ndlr] l’engagement de la Bundeswehr en Irak jusqu’au 31 octobre avait été approuvé par 359 voix contre 218, 79 députés s’étant abstenus, dont ceux du FDP [parti libéral ndlr]. Or, la CDU et la CSU comptent respectivement 200 et 46 parlementaires.
Par ailleurs, et alors que l’éventualité d’une participation allemande à une action militaire en Syrie dans le cas où Damas utiliserait à nouveau des armes chimiques fait débat outre-Rhin, Mme von der Leyen a dit « ne pas exclure » un déploiement à plus long terme des forces allemandes au Moyen-Orient, lors d’une visite faite le 15 septembre au détachement de la Luftwaffe mettant en oeuvre 4 appareils de reconnaissance Tornado ECR et un avion-ravitailleur depuis la base jordanienne d’Al-Asrak.