La semaine passée, l’Espagne a annoncé son intention d’annuler la livraison de 400 bombes à guidage laser commandées par l’Arabie Saoudite pour 9,2 millions d’euros. Cette décision prise par le gouvernement du Premier ministre socialiste Pedro Sanchez a été prise alors que la coalition intervenant au Yémen sous commandement saoudien contre les rebelles Houthis soutenus par l’Iran venait de commettre une nouvelle « bavure » ayant coûté la vie à 51 personnes, dont 40 enfants, dans la province septentrionale de Saada.
La mesure prise par Madrid a été saluée par plusieurs organisations non gouvernementales (ONG), qui plaident en faveur d’un arrêt des ventes d’armes à l’Arabie Saoudite et, plus largement, à ses alliés au sein de cette coalition arabe. Seulement, comme l’on pouvait s’y attendre, elle a été très mal accueillie à Riyad, au point de provoquer un début de crise diplomatique.
En outre, cette décision pourrait mettre en péril une autre commande saoudienne, portant cette fois sur 5 corvettes Avante 2200 conçues par le constructeur naval espagnol Navantia. Et les montants en jeu sont sans commune mesure avec les 9,2 millions d’euros des bombes guidées… puisqu’il est question de 1,8 milliard d’euros.
D’où le rétropédalage de Margarita Robles, la ministre espagnole de la Défense, qui a ouvert la voie, finalement, à la livraison des munitions attendues par les forces saoudiennes.
Le contrat sera étudié dans le cadre bilatéral, « dans une optique de rigueur, de bonne relation entre les deux pays », a ainsi déclaré Mme Robles devant une commission parlementaire. L’Espagne et l’Arabie Saoudite sont « deux pays partenaires, qui ont signé un contrat », a-t-elle ajouté, avant d’assurer que la vente des cinq corvettes Avante 2200 n’est « pas en danger », étant donné qu’elle n’est « pas subordonnée ni liée à quelque autre contrat que ce soit. »
La commande de ces cinq navires est cruciale non seulement pour Navantia mais aussi… pour le Parti socialiste espagnol (PSOE), lequel craint de perdre les prochaines élections régionales en Andalousie, où le constructeur naval est implanté, si jamais le contrat venait à être annulé. En outre, près de 6.000 emplois seraient concernés.
Ces derniers jours, des employés de Navantia ont bloqué une autoroute à San Fernando pour exprimer leur crainte de perdre leur travail dans le cas où Riyad renoncerait à sa commande. « Nous ne voulons même pas envisager la rupture d’un pareil contrat. Si nous ne construisons pas ces corvettes, d’autres le feront. Nous faisons des navires de guerre depuis trois cents ans », a fait valoir Jesus Peralta, président du comité de l’entreprise.