Un an après avoir fait étape au Stade de France, lors d’une tournée où U2 revisitait l’intégralité de leur album The Joshua Tree (1987), à l’occasion du trentième anniversaire de ce « best-seller » consacré alors à leur vision d’une Amérique réelle et fantasmée, les Irlandais replongent dans leur actualité discographique et l’urgence de notre époque. En écho à Songs of Experience, second chapitre (sorti en décembre 2017) d’un diptyque d’albums aux titres inspirés par un recueil du poète anglais William Blake, Songs of Innocence and Experience, la bande à Bono a repris la route avec un Experience + Innocence Tour, passant par Paris, dans l’arène de l’AccorHotels, les 8, 9, 12 et 13 septembre.
En 2015, le groupe avait déjà mis en scène à Bercy le premier volume de ce projet, Songs of Innocence, dans le cadre d’une tournée Innocence + Experience. Après deux premiers concerts, les 11 et 12 novembre, ceux du 14 et du 15 avaient été annulés à la suite des attentats parisiens du 13 novembre. Après avoir reprogrammé ces spectacles, les 6 et 7 décembre, U2 avait invité, lors du second, le groupe Eagles of Death Metal, qui remontait ainsi sur scène moins d’un mois après s’être produit au Bataclan, le jour des attaques terroristes.
Public à 360°
L’actualité n’a pas laissé depuis beaucoup de répit au monde et à la conscience de Bono. Pour raconter la suite de leur histoire et délivrer leurs nouveaux messages, les Dublinois reprennent, à peu de choses près, le même outil scénographique qu’en 2015. Entouré à 360° par le public, le dispositif scénique se décompose en un grand plateau, prolongé d’une longue promenade, terminée par une petite scène circulaire et surplombée par une sorte de longue cage – baptisée la « Barricage » – dont la trompeuse transparence dissimule sur ses quatre faces un écran LED haute résolution.
Années adolescentes
Titres de leur premier album, Boy (1980), le galvanisant I Will Follow et l’atmosphérique The Ocean – rarement joué sur scène – replongent dans la jeunesse du groupe, comme le faisait l’album Songs of Innocence, en souvenir de leurs années d’adolescence.
Tiré de ce dernier, Iris (Hold Me Close) évoque la mère de Bono, morte quand il avait 14 ans (« En me quittant, elle a fait de moi un artiste »), quand Cedarwood Road rappelle le chemin initiatique des jeunes Dublinois. A l’intérieur de la « Barricage », le chanteur semble alors déambuler dans sa rue natale par la grâce d’une projection et d’un fascinant effet de transparence. L’Irlande de l’époque est aussi celle des attentats qui inspirèrent au groupe l’une de ses premières chansons politiques, Sunday Bloody Sunday.
Bizarrement, ce titre, comme les morceaux de cette première partie de concert, préfère une tension froide et métallique à l’habituelle ampleur du son U2. La puissance lyrique de Bono semble elle aussi contrainte. Peut-être parce que le chanteur a récemment été victime, à Berlin, d’une extinction de voix en plein concert.