Le chef d’état-major des armées (CEMA), le général François Lecointre, s’est déjà montré très critique à l’égard des réformes successives qui ont bouleversé non seulement l’organisation du ministère des Armées mais aussi les modes de fonctionnement des forces opérationnelles et des unités de soutien. Ainsi, pour ne prendre qu’un seul exemple, le principe « un chef, une mission, des moyens » qui prévalait jusqu’en 2008 s’est dilué avec la mise en place des bases de défense.
En mars, lors des auditions parlementaires organisées dans le cadre de l’examen du projet de Loi de préparation militaire, le général Lecointre avait déploré la disparition des « échelons de synthèse qui permettaient de concilier autonomie et discipine ». Et d’ajouter : « La réforme de l’embasement a retiré au chef de corps certaines des prérogatives qui faisaient de lui le dernier échelon de synthèse, c’est-à-dire l’échelon de base d’une action autonome et agile. »
Au cours d’un passage devant la commission de la Défense, à l’Assemblée nationale, en juillet [le compte-rendu vient d’être publié, nldr], le général Lecointre est revenu sur ce sujet. « Notre armée s’est considérablement amaigrie, la masse des forces et de leurs soutiens demeure à un niveau historiquement bas. Faut-il le rappeler, il n’est pas prévu de faire remonter cette masse des forces et de leurs soutiens », a-t-il constaté.
En oute, a-t-il poursuivi, « les principes qui ont présidé à la réorganisation du ministère dans une période de forte déflation restent en vigueur, même après l’inversion de tendance » et « l’approche fonctionnelle, qui a supplanté l’approche organique de manière trop systématique, sans égard suffisant pour la singularité du fonctionnement des armées, nous a affaiblis. »
Aussi, a avancé le CEMA, il faut désormais « remédier aux affaiblissements les plus criants ». D’où sa « vision pour les armées », qu’il devait alors soumettre à la ministre des Armées, Florence Parly.
Parmi les priorités qu’il a définies devant les députés, le général Lecointre a estimé qu’il était « indispensable de responsabiliser, par la réaffirmation du principe de subsidiarité, notamment en redonnant des prérogatives à tous les niveaux de la hiérarchie militaire » et qu’il fallait « de réunifier les armées […] par un rapprochement entre les soutenants et les soutenus. » Et d’insister : « Il faut mettre un terme à la logique de silos qui fragilise les armées. »
Le général Lecointre a livré d’autres « directions ». Celle qui vient au-dessus du panier est la nécessité de « durcir les armées », c’est à dire « assumer la redondance de la ressource humaine et des systèmes, là où c’est nécessaire pour assurer la résilience des armées, de l’État et de la Nation. »
En outre, pour le CEMA, il faut « explorer », c’est à dire « redonner aux armées un esprit pionnier pour entrer sur des territoires nouveaux par l’innovation, les travaux doctrinaux ou encore l’ouverture sur le monde civil. » Autre axe, qui n’est pas le moins important : il faut « affirmer l’identité militaire qui mêle l’esprit guerrier et la modernité technologique. »
Dans le même temps, le général Lecointre veut mettre en oeuvre une « juste reconnaissance des sujétions attachées à l’état militaire, qu’il n’est pas question d’amoindrir », afin de garantir le recrutement dans un contexte « de plus en plus concurrentiel ».
Enfin, a conclu le CEMA, il s’agit également « d’inspirer par nos valeurs », qui « sont celles de la République », même si ces dernières, « en action au sein des armées, se traduisent par des vertus singulières. »