En février 1855, la Japon et la Russie signaient un « traité dde paix d’amitié » à Shimoda, en vertu duquel Moscou renonçait aux îles Kouriles au bénéfice de Tokyo. Seulement, à la faveur de la capitulation japonaise qui mit un terme à la Seconde Guerre Mondiale, l’Union soviétique annexa cet archipel, appelé « territoires du Nord » par les Japonais.
La question de ces îles envenime les relations entre le Japon et la Russie, au point que ces deux pays n’ont, à ce jour, pas encore signé de traité de paix depuis maintenant 73 ans. Et ce dossier n’est pas prêt de connaître une issue : pour la partie russe, il est hors de question de renoncer aux îles Kouriles au regard de leur importance stratégique (elles verrouillent l’accès à la mer d’Okhotsk pour la flotte du Pacifique) et des ressources qu’elles recèlent (souffre, minéraux polymétalliques, soufre, etc).
Qui plus est, et alors que le Japon, dont les relations avec la Chine sont loin d’être au beau-fixe en raison d’autres différends territoriaux, renforce ses moyens de défense antimissile avec le concours des États-Unis, la Russie ne cesse d’accroître sa présence militaire sur les îles Kouriles.
Pour Moscou, il s’agit d’y installer des capacités d’interdiction et de déni d’accès. En clair, la zone est en train de devenir fortement militarisée, avec, en prime, une activité aérienne (et navale, dans une moindre mesure cela dit) des forces russes dans les environs du Japon.
Ainsi, entre mars 2016 et mars 2017, les forces aériennes d’autodéfense japonaises ont dû intervenir à 301 reprises pour intercepter des avions militaires russes en approche de l’espace aérienne dont elles ont la charge.
Du point de vue russe, les projets consistant à renforcer la défense antimissile du Japon [qui est aussi sous la menace des missiles nord-coréens, ndlr], avec l’installation, entre-autres, de deux systèmes AEGIS Ashore d’origine américaine, justifie la militarisation accrue des îles Kouriles.
Lors d’une réunion au format 2+2 [Défense et Affaires étrangères, ndlr], le 31 juillet, le ministre japonais de la Défense, Itsunori Onodera, a demandé à son homologue russe, Sergueï Choïgou, de réduire l’activité militaire sur les iles Kouriles, étant donné que Tokyo espère bien trouver un accord sur leur statut avec Moscou.
« Nous avons demandé à la partie russe de prendre des mesures particulières parce que la Russie renforce son potentiel militaire sur les quatre îles du nord », a en effet déclaré M. Itsunori, lors d’une conférence de presse.
En outre, le ministre japonais a une nouvelle fois expliqué (mais M. Choïgou le sait d’ailleurs très bien) que le système AEGIS Ashore est « uniquement destiné à défendre le Japon » contre les missiles balistiques et qu’il « représente aucune menace pour la Russie. » Comme on peut aisément l’imaginer, la demande japonaise n’a aucune chance d’être exaucée… À moins que le président Poutine n’en décide autrement, quand il rencontrera le Premier ministre japonais, Shinzo Abe, en septembre, à Vladivostok.
Cela étant, si il y a un responsable politique qui devrait être mis au parfum sur le système AEGIS Ashore, c’est bien Mihai Fifor, le ministre roumain de la Défense, dont le pays accueille, à Deveselu et sous l’égide de l’Otan, un tel site doté d’un radar et de missiles intercepteurs SM-2.
« Comment le président Poutine pourrait-il être enchanté que nous ayons la base militaire de Deveselu, avec des missiles balistiques? », a en effet demandé M. Fifor, lors d’une intervention télévisée. Et cela lui a valu une réponse cinglante de la part de Traian Basescu, l’ex-président roumain de centre-droit. « Il s’agit de la pire déclaration jamais faite par un ministre roumain », car elle semble « confirmer les allégations de Vladimir Poutine et d’autres responsables russes selon qui le système antimissile de Deveselu serait offensif et non défensif », a ainsi réagi ce dernier.