Durant la course à l’Élysée, Emmanuel Macron avait proposé d’instaurer un service militaire « universel » d’un mois, que tout jeune français aurait été tenu d’effectuer dans un délaide trois ans après son 18e anniversaire.
Seulement, au fil des débats et réserves exprimées par les états-majors, il n’a plus été question de « service militaire » mais de « service national universel » [SNU]. Puis, en février dernier, le président Macron a évoqué un « service obligatoire, ouvert aux femmes et aux hommes » et pouvant avoir une « ouverture sur la chose militaire » mais « dont la forme pourra être civique. » Et, par la suite, un groupe de travail présidé par le général Daniel Ménaouine a été chargé d’en étudier les modalités.
Alors que les arbitrages présidentiels et gouvernementaux étaient attendus au mois de mai, il aura fallu attendre le Conseil des ministres du 27 juin pour en savoir un peu plus sur ce projet. Et, dans les grandes lignes, il est donc question de reprendre les conclusions du rapport établi par le groupe dirigé par le général Ménaouine [.pdf]. Et la dimension « militaire » que M. Macron voulait donner à ce SNU est loin d’être évidente.
Ainsi, ce SNU devrait compter deux phases. La première, obligatoire, sera une « occasion de vie collective permettant à chaque jeune de créer des liens nouveaux, d’apprendre une façon neuve de vivre en commun, et de développer sa culture d’engagement pour affermir sa place et son rôle au sein de la société. » Elle « constituera l’aboutissement du parcours citoyen débuté à l’école primaire et poursuivi au collège. Effectuée aux alentours de 16 ans, elle aura une « durée d’un mois maximum ». La question de l’hébergement des futurs appelés reste entière. Mais, à ce niveau, les Armées ne seraient pas mise à contribution, l’idée étant de solliciter les collectivités locales et d’utiliser les internats scolaires.
La seconde phase se fera sur la base d’un volontariat « encouragé », c’est à dire que des « mesures d’attractivité variées et ciblées, à poursuivre volontairement une période d’engagement d’une durée d’au moins trois mois » seront proposées (ce qui fait penser au service civique, mis en place en mars 2010). Là, cinq domaines d’activité pourront être choisis : défense et sécurité (soit un engagement volontaire dans les armées, la police, la gendarmerie ou la sécurité civile), accompagnement des personnes, préservation du patrimoine et de l’environnement, tutorat. Cette liste n’est pas « limitative » car elle pourra être complétée lors d’un « dialogue constructif avec l’ensemble des parties-prenantes » (jeunes, associations, syndicats, parents, collectivités locales, etc).
Quoi qu’il en soit, les Armées seraient sollicitées pour former les cadres devant accueillir les jeunes « appelés » durant la phase initiale.
« L’efficacité souvent démontrée des méthodes militaires de formation à la conduite de groupe par les cadres de contact (non seulement pour la préparation très particulière au combat, mais aussi dans des missions à caractère strictement social comme celle du service militaire adapté et du service militaire volontaire) plaide pour qu’une partie au moins de la formation dispensée aux cadres puisse être assurée par les armées », lit-on dans le rapport rendu par le groupe de travail dirigé par le général Ménaouine.
Comme pour l’actuelle Journée Défense et Citoyenneté, cette phase initiale sera l’occasion « d’effectuer une sensibilisation approfondie par des personnels compétents en matière de défense et de sécurité nationales et européennes ». Mais sur une période plus longue et de manière plus approfondie.
Mais une question reste, pour le moment, sans réponse. Durant la seconde phase de SNU, basée sur le « volontariat encouragé », combien de volontaires choisiront de passer au moins un trimestre dans les Armées, sachant qu’une classe d’âge compte entre 800.000 et 900.000 individus? S’ils sont 10.000 (par exemple), alors l’équation va vite devenir compliquée, déjà que l’armée de Terre a dû pousser les murs de ses casernes pour accueillir les 11.000 engagés supplémentaires de sa force opérationnelle terrestre (FOT). Par ailleurs, la Loi de programmation militaire 2019-25, qui vient d’être adoptée par le Parlement, précise que les ressources du ministère des Armées ne devront pas être impactées par ce nouveau service national.
Cela étant, actuellement, il est possible d’effectuer un service civique au sein des armées. L’objectif de ce dispositif était de pouvoir accueillir 350.000 jeunes par an pour des missions d’intérêt général d’une durée allant de 6 à 12 mois. Mais au final, il concerne relativement peu les armées : ce n’est qu’en 2016 que, pour la première fois, une unité opérationnelle (le 3e Régiment du Génie, en l’occurrence) a admis ses trois premiers volontaires.
Il existe également le Service militaire volontaire (SMV-SMA), qui, chaque année, concerne plus d’un millier de jeunes ayant besoin d’un mise à niveau pour se réinsérer sur le marché du travail.
Par ailleurs, estimant qu’elle pourrait « être le noyau dur autour duquel se créerait la fonction de souveraineté de l’administration du service national universelle », le rapport du groupe de travail dirigé par le général Ménaouine propose que la Direction du service nationale soit transférée du ministère des Armées vers celui de l’Éducation nationale.
« S’il est justifié, par le maintien de la possibilité d’un appel au service militaire d’une part, et par le fait qu’une partie des engagements seront de nature militaire d’autre part, ainsi que par le contenu d’initiation à la défense nationale caractéristique d’une partie importante de la phase initiale du service national, de recourir à des personnels sous statut militaire pour assumer ces fonctions, le rattachement au ministère des Armées de cette direction n’aura, au terme du déploiement complet du projet, plus de justification dans le déploiement du nouveau service national universel », indique ce document.
Et ce dernier d’ajouter : « Le groupe recommande donc un rattachement auprès du ministre principalement intéressé, qui lui paraît devoir être celui en charge de la jeunesse », c’est à dire celui de l’Éducation nationale dans le gouvernement actuel.
La Direction du service national et de la jeunesse (DSN), à laquelle sont rattachés plusieurs commandements, dont celui du Service militaire volonaire, est chargée de mettre en oeuvre « la politique du lien entre l’armée et la Nation, notamment auprès de la jeunesse », via notamment la « Journée Défense et Citoyenneté. » Elle s’occupe ainsi du recencement « citoyen » ainsi que de « l’enseignement à la Défense » qui concernent les classes allant de la 3ème à la terminale. Pour cela, elle compte 1.343 personnels, dont 65 % sont des civils.