Comme annoncé au début de cette année, de l’Agence suédoise de la sécurité civile (MSB) va faire parvenir, entre le 28 mai et le 3 juin, à 4,8 millions de foyers un livret d’une vingtaine de pages illustrées intitulé « En cas de crise ou de guerre ».
Comme son titre l’indique, ce livret donne des conseils sur la conduite à tenir en cas de catastrophe naturelle, de grave crise, voire de guerre et vise à faire en sorte que chaque Suédois soit préparé à gérer ses propres besoins et soins pendant une semaine sans le soutien du gouvernement. »
« Même si la Suède est plus sûre que de nombreux autres pays […] les menaces existent. Il est important que tous sachent ce que sont ces menaces pour pouvoir se préparer », a fait valoir Dan Eliasson, le directeur général de l’Agence suédoise de la sécurité civile [MSB]. « Un conflit militaire à proximité affecterait nos importations de marchandises, notamment alimentaires, même s’il ne s’étendait pas à notre territoire », a-t-il souligné, ce 21 mai.
En particulier depuis l’annexion de la Crimée par la Russie, en mars 2014, la Suède avait fait le constat, avec les autres pays scandinaves, d’une situation sécuritaire « sensiblement dégradée », en raison notamment d’une activité militaire russe accrue dans leur environnement proche. Fin 2017, un rapport officiel avait même souligné qu’une « attaque » contre le pays, via une force armée, ne pouvait « pas être exlue ».
Ce sentiment est alimenté, à Stockholm, par plusieurs incidents aériens et navals ayant impliqué les forces russes. Aussi, le gouvernement suédois a revu sa politique de défense, en augmentant ses dépenses militaires, en reprenant en main son industrie de l’armement, en renouant avec son concepte de défense totale ou encore en rétablissant le service militaire, abandonné en 2010.
En outre, la Suède a approfondi ses relations militaires avec ses voisins mais également avec les États-Unis. Et le pays, membre de l’UE, s’est rapproché de l’Otan (sans toutefois franchir le pas d’une adhésion) tout en organisant des exercices de grande ampleur.
Pour les autorités suédoises, l’île de Gotland concentre les inquiétudes. Dans la région de la Baltique, deux secteurs sont stratégiques. Et cette dernière en fait partie, avec l’archipel d’Åland, qui appartient à la Finlande.
En effet, contrôler l’île de Gotland permettrait de verrouiller la mer Baltique. D’où son intérêt dans le cas où la Russie viendrait à s’en prendre aux pays baltes. En 2015, le gouvernement suédois a décidé d’y redéployer des troupes. Et, un an plus tard, un compagnie d’infanterie mécanisée de seulement 150 soldats y a fait son retour, plus de 10 ans après l’avoir quittée.
Mais l’état-major suédois est allé encore plus loin en y réactivant le « régiment P18 » (le « Gotlands regemente »), qui était une unité blindée déployée en permanence sur l’île de Gotland jusqu’en 2005. Une cérémonie marquant cette réactivation a été organisée, ce 21 mai, en présence du roi de Suède Carl XVI Gustaf, du Premier ministre Stefan Löfvenet et du ministre de la Défense, Peter Hultqvist.
C’est la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale que la Suède réactive un régiment. Ces dernières années, notamment après la Guerre Froide, les dissolutions d’unités ont éte le lot des forces suédoises, ces dernières ayant vu le nombre de ses bataillons fondre de 116 à 7 et celui de ses avions de combat de 400 à 150.
« L’établissement d’un régiment à Gotland est un signe clair de l’importance que la politique de sécurité du gouvernement accorde à Gotland », a commenté M. Hultqvist.
« Nous montrons ainsi nos muscles. […] Nous avons vu ce qu’il s’est passé en Ukraine, avec l’annexion de la Crimée, et un conflit en cours dans les régions orientales du pays. Nous enregistrons une activité croissante en mer Baltique, surtout côté russe. Nous devons le prendre en compte, la Suède doit se sentir en sécurité », a insisté le chef du gouvernement suédois.
« Du point de vue de la politique de sécurité, nous vivons une période d’imprévisibilité et de tournure rapide des événements, y compris dans notre région voisine », a expliqué le général Micael Byden, le chef d’état-major des forces suédoises. « Afin de répondre à toutes les menaces et tous les défis, nous devons être présents là où nos capacités sont nécessaires. Gotland inclus », a-t-il ajouté.
Pour le moment, le régiment P18 ne comptera que 350 militaires, dont 150 seront présents en permanence sur l’île (les autres y devant être déployés par rotation). D’autres capacités seront installées, comme une batterie de défense aérienne.
Le souci est que les anciennes installations militaires ont été vendues quand les forces suédoises ont quitté l’île, en 2005. D’où des travaux en cours, qui seront terminés d’ici 2020 pour 780 millions de couronnes suédoises.