La position stratégique de Djibouti fait que ce pays accueille plusieurs bases militaires étrangères. La France y est évidemment présente (via accord de défense conclu depuis l’indépendance), de même que le Japon, les États-Unis et, plus récemment, la Chine.
Jusqu’à présent, aucun incident n’avait été rapporté entre les différentes forces en présence. Ce n’est maintenant plus le cas. En effet, le 3 mai, le Pentagone a indiqué que deux pilotes d’un avion de transport C-130 Hercules ont été aveuglés par des lasers de type militaire, vraisemblamement pointés en direction de l’appareil depuis la base chinoise, située à moins de 10 km du Camp Lemonnier, où est installé le contingent américain. Les deux aviateurs ont subi des lésions « mineures » aux yeux.
« Il s’agit de faits très sérieux », a commenté Dana White, la porte-parole en chef du Pentagone. « Cette pratique pose un véritable risque à nos aviateurs », a-t-elle ajouté. D’autant plus que l’incident avec le C-130 Hercules n’est pas un cas isolé étant donné que d’autres ont été rapportés au cours de ces dernières semaines.
« Il faudrait demander aux Chinois leurs motivations », a continué Dana White, avant de préciser que Washington a déposé une plainte officielle auprès de Pékin sous la forme d’une « démarche diplomatique » et demandé aux autorités chinoises d’enquêter sur ces faits.
La base chinoise, construite entre le port de Doraleh et la zone franche de Djibouti, peut accueillir 400 militaires. Ses missions consistent essentiellement à soutenir les opérations navales de l’Armée populaire de libération (APL) dans l’océan Indien et au Moyen-Orient ainsi que les missions de maintien de la paix des Nations unies. En outre, elle doit permettre d’évacuation de ressortissants chinois présents en cas de troubles dans la région.
Seulement, Pékin aurait d’autres intentions. Ainsi, en février, le groupe émirati DP World a été chassé par les autorités djiboutiennes du terminal à conteneurs de Doraleh, pour lequel il avait investi 400 millions de dollars et pour lequel il avait un contrat de concession valable pendant 30 ans.
Or, l’autorité portuaire djiboutienne, co-propriétaire à hauteur de 66% de cette infrastructure (le dernier tiers revenant jusqu’alors à DP World), compte parmi ses actionnaires le chinois China Merchants Holdings International (CMHI), qui détient 23,5% de son capital. D’où l’inquiétude, à Washington, de voir la Chine mettre la main sur ce terminal.
En effet, si l’opérateur chinois impose des restrictions sur son utilisation, alors le ravitaillement de la base américaine de Djibouti pourrait être affecté, de même que la possibilité des navires de l’US Navy à y faire escale.
« Si les Chinois prenaient le contrôle de ce port, les conséquences pourraient être importantes », a en effet prévenu, lors d’une audition au Congrès, le général Thomas Waldhauser, le chef de l’US AFRICOM, le commandement militaire pour l’Afrique. En outre, évoquant un entretien avec le président djiboutien, Ismail Omar Guelleh, il a aussi indiqué qu’il lui avait fait part de « préoccupations au sujet de certaines des choses que les Chinois ne devraient pas faire à cet endroit. »