Depuis la suspension de la conscription, le nombre de cas de desertion devrait être anecdotique. Avec la professionnalisation des armées, les raisons pour un soldat (aviateur ou marin) de ne pas rejoindre sa caserne ou sa base n’ont théoriquement plus lieu d’être dans la mesure où, désormais, l’état militaire n’est plus imposé comme jadis mais librement choisi. Qui plus est, chaque engagé a la possibilité de dénoncer son contrat au cours d’une période probatoire de six mois.
Mais il n’en est rien à en croire les chiffres obtenus par le quotidien Le Monde auprès de la Direction des affaires pénales militaires (DAPM). Ainsi, les désertions représentent 74% des infractions commises par les militaires durant leur temps de service. En 2017, 1.544 cas de désertion ont ainsi été constatés, soit 331 de plus par rapport à 2016.
La hausse des cas de désertions coïncide avec celle de recrutements effectués dans le cadre de la Loi de programmation militaire (LPM) 2014-2019 actualisée par l’armée de Terre, laquelle est principalement affectée par ce phénomène. Depuis janvier 2015, cette dernière a en effet recruté 46.000 jeunes afin d’augmenter les effectifs de la Force opérationnelle terrestre, sollicitée pour l’opération intérieure Sentinelle.
Au regard de la justice, la désertion est susceptible d’être sévèrement punie : elle est passible d’une peine de trois ans de prison en temps de paix et de 10 ans en temps de guerre et en période d’état d’ugence, comme cela a été le cas de janvier 2015 à octobre 2017.
Si avant les attentats de 2015, les peines pour désertion étaient plutôt indulgentes, ce n’est plus le cas maintenant. « La proportion de désertions faisant l’objet d’un jugement a bondi de 35% en 2015 à 85% en 2016 et 2017 », écrit Le Monde.
D’après le quotidien, le nombre élevé de désertions « étonne jusqu’en plus haut lieu », un « haut gradé » du ministère des Armées ayant confié qu’il s’attendait à 300/400 cas par an.
Dans les grandes lignes, les déserteurs peuvent se classer selon deux catégories. Il y a ceux dont le caractère et la personnalité sont manifestement incompatibles avec la vie militaire (discipline, éloignement, sujétions). Là, il s’agit manifestement d’erreurs de « casting » que l’armée de Terre espère bien éviter en mettant en place de nouveaux outils pour le recrutement.
Puis il y a ceux qui sont déçus de la vie militaire, qu’ils avaient idéalisée avant de pousser la porte d’un Centre d’Information et de Recrutement des Forces Armées (CIRFA), leurs rêves d’aventures et d’actions s’étant fracassés sur le côté routinier et peu exaltant des patrouilles Sentinelle, telles qu’elles étaient organisées il n’y a pas encore si longtemps. « Faire le planton toute la journée en se faisant dévisager et dénigrer par les gensn ça ne donne pas envie de continuer », a témoigné un de ces jeunes déçus dans les colonnes du journal.