En mai 2016, Pékin a obtenu un petit succès diplomatique dans son différend territorial concernant la mer de Chine méridionale, avec le soutien du Vanuatu, État situé dans la mer de Corail, à environ 600 km de la Nouvelle-Calédonie et 3.600 km de l’Australie. Cette position géographique en fait un pays stratégique aux yeux des autorités chinoises. D’où, d’ailleurs, l’aide que ces dernières lui apportent régulièrement, notamment en matière de développement.
Ainsi, Pékin investit des centaines de millions de dollars dans cet archipel de 270.000 habitants environ, dans le cadre d’une politique plus vaste concernant les pays du Pacifique. Selon le Lowy Institute, basé en Australie, la Chine leur a apporté 1,44 milliards d’euros d’aide entre 2006 et 2016.
La semaine passée, encore, Pékin a pris l’engagement de construire une nouvelle résidence pour le Premier ministre vanuatais, Charlot Salwai. Il y a deux ans, l’ambassadeur chinois y avait inauguré un palais des congrès flambant neuf, cadeau de son gouvernement.
De tels investissements pour un pays aussi modeste seraient-ils désintéressés? Une telle hypothèse paraît peu vraisemblable. En tout cas, elle l’est pour le Sydney Morning Herald. Le 9 avril, et s’appuyant sur plusieurs sources, le quotidien australien a affirmé que la Chine et le Vanuatu venaient d’entamer des négociations en vue de la construction d’une base militaire chinoise dans l’archipel. De quoi « bouleverser l’équilibre géostratégique » dans la région, a-t-il estimé. Et d’augment le risque d’une confrontation entre la Chine et les États-Unis.
Seulement, Ralph Regenvanu, le ministre des Affaires étrangères du Vanuatu, a démenti cette information. « Personne au Vanuatu n’a jamais parlé d’une base militaire chinoise », a-t-il dit, à l’antenne de la radio ABC. « Nous sommes un pays non-aligné. Nous ne sommes pas intéressés par une militarisation. Nous ne sommes pas intéressés par une base militaire sur notre sol », a-t-il insisté.
Le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Geng Shuang, a lui aussi opposé un démenti formel. « C’est une fausse information », a-t-il accusé.
Cependant, d’après le Sydney Morning Herald, il ne serait pas question, du moins dans un premier temps, d’installer une base militaire chinoise au Vanuatu au sens strict du terme mais d’accorder à Pékin quelques facilités, comme autoriser les navires de le composante navale de l’Armée populaire de libération (APL) d’y faire des escales pour s’y ravitailler. Le reste viendrait par la suite.
« L’ambition militaire de Pékin au Vanuatu serait probablement réalisée progressivement, en commençant éventuellement par un accord d’accès qui permettrait aux navires de la marine chinoise d’accoster régulièrement et d’être entretenus, ravitaillés et réapprovisionnés », a en effet expliqué le quotidien australien.
Cela étant, la ministre australienne des Affaires étrangères, Julie Bishop, qui a d’ailleurs accompagné le prince de Galles au Vanuatu, la semaine passée, a dit ne « pas être au courant d’une proposition militaire faite par la Chine » à l’archipel. En outre, elle s’est dit « confiante » [sur le point] que l’Australie est le partenaire stratégique de choix de Vanuatu. »
Plusieurs raisons pourraient justifier l’intérêt de la Chine pour le Pacifique Sud. L’exploitation des fonds marins en est une (et l’on sait que, par exemple, ceux de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie seraient riches en ressources minérales et autres terres rares). Un deuxième serait la présence militaire américaine dans la région.
Directeur du National Security College de l’Australian National University, le professeur Rory Medcalf, a cité la proximité – relative – de l’île de Guam, où sont basées des forces américaines, et donc la possibilité de la prendre à revers. La « Chine ne constitue actuellement pas une menace militaire directe pour l’Australie », a-t-il écrit. Cependant, « les planificateurs de la défense [australienne] doivent tenir compte des pires scénarios. Et la Chine est une source de risque – une menace potentielle si elle le souhaite et si la dynamique stratégique régionale continue de se détériorer », a-t-il ajouté.