Il veut rester anonyme.
Nous l'appellerons Sylvain.
Il a une vingtaine d'années.
Sylvain est un fantassin, un soldat d'infanterie, au plus près du terrain.
Le garçon a souvent le regard dans la vague quand il évoque sa mission en Centrafrique.
Il est rentré il y a seulement quelques mois, "changé " dit-il.
Changé par ce qu'il a vu là-bas et qu'il n'a pas pu empêcher.
Des souvenirs qui ne le quittent plus :
"On a été surpris. On ne s'attendait pas à ça.
C'était quotidiennement des corps sans tête repêchés dans le fleuve,
ou retrouvés calcinés au bord de la route,
même des enfants.
Des personnes mutilées à coup de machettes par la foule en rage
qui venaient vers nous pour trouver du secours.
Tout cela, c'était monnaie courante
. Est-ce qu'à 19 ou 20 ans, même si on est militaire,
on est prêt à voir ça et à l'encaisser.
C'est une question que je me pose.
Pour moi, ça fera à jamais partie de mon quotidien.
J'y pense très souvent, et je me pose la question de l'utilité de ce qu'on a fait.
Est-ce que tout cela avait un sens, un but....
je ne suis pas sûr ", s'interroge le jeune homme visiblement marqué.
"Ça fera à jamais partie de mon quotidien"
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(Les traumatismes proviennent des atrocités dont sont victimes les civils,
et des combats très rapprochés contre des ennemis mal identifiés
© Mathilde Lemaire / RADIOFRANCE) Face aux enfants soldats
Les images terrifiantes et le sentiment d'impuissance ont fait de la Centrafrique
une mission particulièrement traumatisante.
Il y a aussi la nature des combats :
pas d'ennemis clairs comme en Afghanistan ou au Mali.
Les menaces sont difficiles à identifier, la mission est complexe.
Sylvain nous montre sur son ordinateur une scène filmée sur place.
Les assaillants - des miliciens -
sont si proches qu'on distingue leurs visages.
Parfois difficile de ne pas les confondre avec des civils
au milieu des arbres et maisons.
On voit des combats de rue dans un village
et des soldats français qui se tordent de douleur touchés par des éclats de grenades.
"Ce sont des combats très rapprochés,
à moins de 50 mètres, en très haute intensité.
Face aux lances, aux grenades, on a dû tuer plusieurs fois.
C'était eux ou non.
Et eux n'ont pas peur de mourir en face.
On s'est retrouvé parfois face à des enfants de 13 ou 14 ans armés de kalachnikovs.
Ces combats, ce sont des images que j'essaye de chasser de mon esprit,
mais qui reviennent souvent au moment de la journée où je ne m'y attends pas ou la nuit ",
confie le soldat très marqué.
Quand on demande à Sylvain s'il compte repartir en opération,
sa réponse fuse : "Non, non, j'en suis incapable. Je ne repartirai plus en opération.
Pas question ".