Que ce soit au sein de l’Otan ou de l’Union européenne, les pays membres ne partagent pas tous la même vision des enjeux et des menaces. Ainsi, en avril 2016, Witold Waszczykowski, alors chef de la diplomatie polonaise, avait estimé que le terrorisme était une « menace très sérieuse » sans pour autant être une « menace existentielle pour l’Europe », à la différence de celle incarnée par l’activité militaire russe.
« Tandis que certains Alliés ont le regard tourné vers l’Est, d’autres se concentrent au Sud, où l’instabilité et le terrorisme ne cessent de croître. C’est compréhensible. Mais dans cet environnement stratégique incertain et changeant, il est essentiel d’encourager une posture flexible, adaptée à toutes les menaces, quelle qu’en soit l’origine et quelle que soit leur nature », avait alors résumé Jean-Yves Le Drian, alors ministre de la Défense, lors de la Leçon inaugurale de la Chaire « Grands enjeux stratégiques » à la Sorbonne.
Cependant, tous les pays d’Europe de l’Est ne partagent visiblement pas la position polonaise. Ainsi en est-il de l’Estonie où, au titre de la « Présence réhaussée avancée » (eFP) de l’Otan, la France a déployé le sous-groupement tactique interarmes (S/GTIA) Lynx en 2017. En effet, Tallinn va renvoyer l’ascenseur à Paris, à la hauteur de ses moyens.
Ainsi, le 22 mars, le gouvernement estonien a annoncé le déploiement prochain de 50 soldats au Mali. Ce détachement d’infanterie, inséré au sein de la force française Barkhane, aura la mission de protéger la base militaire de Gao et d’effectuer des opérations dans ses environs.
L’Estonie sera donc l’un des rares pays européens, avec le Royaume-Uni, qui va engager 3 hélicoptères CH-47 Chinook, à participer directement (et non via un soutien logistique) aux opérations de la force Barkhane.
Ce n’est pas la première fois que Tallinn soutient les opérations françaises en Afrique. Cela fut en effet le cas en 2014, avec l’envoi d’un détachement de 50 soldats en Centrafrique, au sein de l’EUFOR RCA. Et à l’époque, il avait été très difficile de trouver des pays contributeurs au sein de l’Union européenne… Au point qu’il fallut compter sur la Géorgie pour fournir un contingent.
Pour le Premier ministre estonien, Jüri Ratas, la décision d’envoyer des soldats renforcer la force Barkhane à Gao, qui doit encore être approuvée par le Parlement, est « une nouvelle preuve d’une excellente coopération entre l’Estonie et la France. »
« En participant à l’opération qui a pour but de stabiliser le flanc sud de l’Otan et de l’Union européenne nous soutenons notre allié important. Nous voulons renforcer notre image d’un pays prêt à s’engager pour stabiliser une région porteuse de risques pour l’Europe, indépendamment de sa localisation géographique », a fait valoir, de son côté, Jüri Luik, le ministre estonien de la Défense.
Les forces estoniennes prennent part à d’autres missions, comme au Liban (FINUL), au Mali (EUTM Mali et MINUSMA), au Moyen-Orient (ONUST), au Kosovo (KFOR), en Afghanistan (Resolute Support) et à la coalition anti-jihadiste au Levant (Inherent Resolve).