L’article 17 de la Loi de programmation des finances publiques (LPFP), laquelle encadre la Loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025, limite les restes à payer de l’État – c’est à dire la différence entre les autorisations d’engagement (AE) et les crédits de paiement (CP) – à une centaine de milliard d’euros.
Sauf que le ministère des Armées est particulièrement concerné par ce plafonnement de ces restes à payer dans la mesures où les siens dépassent les 50 milliards d’euros. Ce qui est normal étant donné qu’il a à conduire des grands projets d’armement qui exigent des AE importantes. Aussi, cet article 17 limite ses marges de manoeuvre pour le programme 146 « Équipements des forces ».
Prenons l’exemple d’une commande de 100 véhicules blindés signée par la Direction générale de l’armement (DGA), pour un montant de 160 millions d’euros, dans le cadre d’un contrat prévoyant la livraison de 25 exemplaires par an.
Au moment de la notification du marché, il faudra alors inscrire 160 millions au titre des AE (année n). Si les livraisons doivent commencer l’année suivante (n+1), il faudra donc prévoir 40 millions au titre des crédits de paiement. Et ainsi de suite jusqu’au terme du contrat.
Lors des débat relatifs au projet de loi de programmation des finances publiques, plusieurs parlementaires avaient mis en garde contre les conséquences de cet article 17 pour le ministère des Armées. Certains allèrent jusqu’à demander son exonération de ce dispositif. Ce qui fut refusé par le gouvernement, tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, malgré les préoccupations exprimés à ce sujet par Florence Parly, la ministre des Armées. Pour autant, cette dernière ne s’est pas avouée vaincue.
En effet, le rapport annexé du projet de LPM 2019-2025 précise que « compte tenu de l’augmentation des engagements prévue sur la période de la LPM », l’article 17 de la LPFP « ne contraindra pas les investissements du ministère des Armées. » Mais cela est-il juridiquement suffisant? Suffit-il d’une mention dans un rapport annexé pour remettre en cause une disposition votée et amendée quelques semaines plus tôt?
Quelques députés ont donc déposé des amendements afin d’inscrire « dans le dur » cette exonération du ministère des Armées des obligations prévues par l’article 17.
En commission des Finances, François Cornut-Gentille (LR) et Valérie Rabault (PS) s’y sont attachés. Sans succés puisque leurs amendements respectifs ont été rejetés. En revanche, le président de la commission de la Défense, Jean-Jacques Bridey, a eu plus de succès.
Lors de l’examen, en commission du projet de LPM, M. Bridey a quasiment toujours été d’accord avec Mme Parly sur les différents amendements déposés par les députés. Soit pour les rejeter, soit pour les accepter. Sauf sur le n°DN501, qu’il a lui-même proposé pour exclure la mission Défense « du champ d’application de l’article 17 de la loi n° 2018‑32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022. »
Au cours de la discussion de cet amendement, le député Joaquim Pueyo a demandé à Mme Parly la raison pour laquelle la précision sur cet article 17 figurait dans le rapport annexé et non pas dans le corps de la LPM 2019-2025. Si elle a dit être « d’accord » sur l’objectif, la ministre a expliqué qu’un « point d’accord avait été atteint dans les débats interministériels » et que, par conséquent, elle s’en tenait là.
« On comprend bien qu’il y a un arbitrage interministériel » lui a rétorqué Jean-Christophe Lagarde (UDI). « Mais d’une certaine façon, il faut que vous soyez aidée face à Bercy. L’explication du texte telle que vous la faites, dans les cerveaux de ce noble ministère des Finances, voir de la commission des Finances […], pourrait venir à une interprétation ultérieure différente », a-t-il ajouté.
Hormis le rapporteur de la commission des Finances, qui assistait aux travaux de celle de la Défense (sans voter), tous les députés sont allés dans le sens de M. Bridey, dont l’amendement a été adopté à l’unanimité. Reste maintenant à la défendre en séance…