Il aurait certainement fallu commencer par mettre en place une nouvelle politique de rémunération des militaires avant de développer le système Louvois (Logiciel unique à vocation interarmées de la solde), dont les dysfonctionnements, qui a mis de nombreuses familles en difficulté, ont conduit au lancement du programme Source Solde.
Toutefois, il est vrai que cette nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM), pour laquelle une « équipe de projet » est déjà à l’oeuvre, sera à la fois compliquée et délicate à conduire, dans la mesure où plusieurs paramètres vont entrer en jeu. À commencer par celui de la réforme des retraites promise par le président Macron et dont on ignore comment elle s’appliquera aux militaires.
Pour le moment, l’on sait que l’objectif sera d’uniformiser les règles de calcul des pensions en mettant en place un système par points ou un compte notionnel. L’enjeu est donc de savoir comment cela pourra coïncider avec les spécificités propres aux militaires (qui sont, pour la plupart des contractuels) et les besoins des armées.
« Nous traitons ce dossier en suivant très étroitement la réforme des retraites. Si des dispositifs comme la retraite à jouissance immédiate ou la bonification pour services ou pour campagne étaient remis en cause, cela aurait un impact négatif sur l’attractivité des armées, ce qui nous conduirait à envisager des compensations en termes de rémunérations, pour assurer le flux de militaires jeunes dont nous avons absolument besoin », a ainsi résumé Jean-Paul Bodin, le Secrétaire général pour l’administration (SGA), lors de sa dernière audition par les députés de la commission de la Défense nationale.
En outre, le projet de Loi de programmation militaire 2019-2025 confie au gouvernement « le soin de définir par ordonnance les dispositifs d’aides au départ spécifiques qui seront maintenus ou amendés », a continué le SGA. « Nous verrons dans quel sens les adapter en fonction de ce qui sera décidé dans le cadre de la réforme des retraites », a-t-il conclu sur ce point.
Un autre enjeu de cette NPRM, lié aussi à la réforme des retraites, porte sur l’attractivité des armées. Démographie oblige, ces dernières devront augmenter leurs flux de recrutements, dans un contexte marqué, du moins pour les spécialités les plus « pointues », par la concurrence du secteur privé.
« Pour ce qui est des personnels militaires, nous réfléchissons, dans le cadre de la nouvelle politique de rémunération, à l’instauration de primes spécifiques de haute qualification et, à très court terme, nous allons nous efforcer de donner une visibilité aux parcours de carrière et à l’évolution des rémunérations. Les modalités de rémunération ne sont pas tout à fait les mêmes selon qu’il s’agisse de civils ou de militaires. Reste, j’y insiste, que faire preuve d’attractivité vis-à-vis des industriels qui souhaitent capter ces compétences est un sujet de préoccupation », a ainsi expliqué Anne-Sophie Avé, la directrice des ressources humaines du ministère des Armées (DRH-MA), lors de son audition à l’Assemblée.
Cela étant, ce chantier de la modernisation de la rémunération des militaires s’attaquera aux 172 (ou 174) primes du minstères des Armées, auxquelles correspondent autant de mode de calcules différents.
« Je ne vous décrirai pas les 172 primes et leurs 172 modes de calcul qui ont un peu contribué au dysfonctionnement du logiciel Louvois – même s’il ne s’agit pas de l’unique explication. Un aggiornamento devenait urgent », a dit Mme Avé aux députés.
En clair, il est compliqué de s’y retrouver dans ce maquis, ce qui avait été dénoncé par la Cour des comptes. « Le système indemnitaire est touffu parce qu’il a progressivement compensé des évolutions indiciaires insuffisantes par rapport aux grilles de la fonction publique. Il est donc essentiel de reprendre l’ensemble du dispositif de rémunération, sur le plan indiciaire et indemnitaire, et de lui redonner du sens – nous ne savons plus pour quelles raisons certaines primes anciennes sont distribuées, ni si certaines sujétions sont indemnisées ou non », a expliqué la DRH-MA. Aussi, a-t-elle fait valoir, « l’ensemble doit être repensé dans une logique qui visera à favoriser l’opérationnel et à indemniser les sujétions réelles. »
Cette modernisation de la rémunération des militaires pourrait avoir des conséquences sur le logiciel Source Solde, comme l’a affirmé, en décembre 2017, Mme l’ingénieur général de l’armement (IGA) Caroline Gervais.
Si Source Solde a été « conçu et construit de façon à pouvoir évoluer », cette « refonte complète du système indemnitaire constituerait [pour lui] une évolution majeure, une sorte de ‘projet après le projet' », a-t-elle en effet averti. Toutefois, le système est conçu pour le permettre », a-t-elle assuré.
Afficher plus de réactions