En 2017, les forces américaines ont effectué pas moins de 131 raids aériens au Yémen, notamment avec des drones MQ-9 Reaper. Et il faut y ajouter plusieurs opérations ponctuelles menées par des unités de l’USSOCOM (Special Operations Command) contre al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA). Et au cours de l’une d’entre-elles, l’un des leurs, un commando des Navy SEAL, y laissa la vie.
Porte-parole de l’US CENTCOM [le commandement militaire américain pour le Moyen-Orient et l’Asie centrale, ndlr], le lieutenant-colonel Earl Brown, a expliqué au site Long War Journal que ces frappes font partie d’un « effort continu pour empêcher les terroristes de diriger ou de soutenur des opérations extérieures » contre les États-Unis.
La situation au Yémen est compliquée. Et l’adage « moi contre mon frère, moi et mon frère contre mon cousin, et nous tous contre l’ennemi étranger » ne s’y applique pas. Le pays est le théâtre de combat entre des rebelles Houthis, apparemment soutenus par l’Iran (qui s’en défend mais plusieurs éléments tendent à prouver le contraire) et des forces loyales au président Abdrabbo Mansour Hadi, soutenues par une coalition dirigée par l’Arabie Saoudite. Dans le tableau, AQPA et la branche yéménite de l’État islamique tentent de profiter du chaos ambiant.
Cela étant, cette activité américaine au Yémen n’est pas du goût de tout le monde au Congrès des États-Unis. Et trois sénateurs, républicains et démocrates, ont proposé une mesure devant forcer le Sénat à se prononcer sur le « retrait des forces armées américaines d’une guerre non-autorisée ».
« Nous estimons que, puisque le Congrès n’a pas déclaré de guerre ou autorisé l’emploi de la force militaire dans ce conflit, l’implication des Etats-Unis au Yémen est anticonstitutionnelle et non-autorisée, et que le soutien militaire américain à la coalition saoudienne doit cesser », font valoir les sénateurs Bernie Sanders (indépendant), Mike Lee (républicain) et Chris Murphy (démocrate).
Il faut dire qu’il y a un certain flou sur ces 131 frappes américaines au Yémen. Des détails n’ont été donnés que sur 7 d’entre-elles, souligne en effet le Long War Journal. D’où les soupçons d’un appui direct donné à la coalition arabe et/ou aux forces loyalistes yéménites, qui irait donc au-delà de la fourniture de renseignements et de la livraison de munitions.
Techniquement, et depuis les attentats du 11 septembre 2001, la Maison Blanche peut se passer de l’avis du Congrès pour lancer des opérations contre les groupes armés terroristes n’importe où dans le monde (via la loi « Autorisation de l’usage de la force militaire » – AUMF).
En octobre, cette loi fit l’objet d’un débat au Congrès, alors que les États-Unis disposaient (et disposent encore) de troupes dans 19 pays différents. « Il faut davantage de débats publics sur ces activités car je ne crois pas que les Américains souhaitent que les Etats-Unis mènent une guerre globale sous le radar, en secret et hors de tout contrôle », avait alors plaidé le sénateur démocrate Ben Cardin.
D’autant plus que la mort de quatre militaires des forces spéciales américaines dans une embuscade de l’État islamique dans le grand Sahara (EIGS), au Niger, a mis en lumière l’ampleur de l’engagement des États-Unis dans la bande sahélo-saharienne (BSS). Une ampleur que de nombreux élus du Congrès n’ont découvert qu’après ce drame.
La loi AUMF « reste une base solide pour les opérations militaires en cours contre une menace en mutation », avait répondu James Mattis, le chef du Pentagone.
Quoi qu’il en soit, pour le sénateur Mike Lee, la mesure qu’il propose avec ses deux collègues permettrait au Congrès de « réaffirmer son pouvoir face à l’exécutif dans la prise de décisions concernant la politique étrangère. » Selon lui, en effet, le Parlement « peut autoriser, ou refuser d’autoriser, l’engagement militaire, et définit les intérêts nationaux américains. »
Et de souligner que, selon une résolution votée en 1973 , les forces américaines engagées dans un conflit à l’étranger sans déclaration de guerre « peuvent être retirées par le président si le Congrès en décide ainsi. »
Le Pentagone a vivement critiqué l’initiative de ces trois sénateurs, en faisant valoir que les forces américaines ne sont pas impliquées dans les combats conduits par la coalition arabe contre les rebelles Houthis. Et que, par conséquent, elle reposait sur une assertion fausse. En outre, il a rappelé que les missions de ravitaillement en vol des avions de la coalition arabe ainsi que la communication de renseignement avaient été approuvées par le président Obama.
Reste que le coup des trois sénateurs est parti. D’après la version américain du Huffington Post, « si tout se passe comme prévu, début mars, la résolution pourra être appelée à tout moment pour un débat et un vote. Cela signifie qu’il y a une chance pour que cela se produisele 19 mars, lorsque le prince héritier [saoudien] Mohamed ben Salman arrivera à Washington pour une visite qui pourrait durer près de deux semaines. »