Lors de son premier discours « sur l’état de l’Union », prononcé devant le Congrès des États-Unis, fin janvier, le président Trump a décrit la Russie et la Chine comme des « rivaux » qui « menacent » les « valeurs », « l’économie » et les « intérêts » américains. Et « face à eux, a-t-il continué, la faiblesse est la voie la plus sûre vers le conflit. »
Les autorités chinoises ne tardèrent pas à répliquer, en appelant les États-Unis à abandonner « leur mentalité de Guerre froide, qui est un concept dépassé. »
« La Chine espère travailler avec la partie américaine afin de réduire les différences de position, dans le respect mutuel, en se focalisant sur la coopération et la maîtrise des différends », déclara Hua Chunying, la porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangère.
Seulement, la politique du fait accompli menée par Pékin en mer de Chine méridionale aux dépens des pays ayant des prétentions territoriales dans cette région stratégique et en faisait fi des décisions de la Cour permanente d’arbitrage de La Haye expliquent en partie la position de Washington, tout comme la question de Taïwan, les différends territoriaux avec le Japon, le dossier nord-coréen ou encore les relations compliquées avec l’Inde. Et c’est sans compter les sujets de fâcherie dans les domaines économiques, commerciaux et industriels.
Actuel chef du commandement militaire américain pour le Pacifique (US PACOM) et futur ambassadeur des États-Unis en Australie, l’amiral Harry Harris a mis en garde contre la montée en puissance des capacités militaires chinoises, lesquelles sont susceptibles de rivaliser avec celles des forces américains dans un avenir proche.
« Si les États-Unis ne suivent pas le rythme, PACOM aura du mal à concurrencer l’Armée Populaire de Libération [APL] dans les futurs conflits », a en effet prévenu l’amiral Harris, lors d’une audition devant la commission des Forces armées de la Chambre des représentants, le 14 février.
Ces dernières années, la Chine a concentré ses efforts pour se doter d’armes hypersoniques (le DF-17 – ou Wu-14), d’avions de 5e génération, avec le Chengdu J-20, désormais opérationnel, et le Shenyang J-31 « Gyrfalcon », de capacités aéronavales (avec le porte-avions Liaoning) et de systèmes de défense antimissile. Récemment, il a été rapporté qu’elle s’apprêterait à tester un canon électro-magnétique alors que la marine américaine, qui développe une telle arme, n’en est pas encore à cette étape.
Cependant, il reste encore du travail, a priori, au niveau des sous-marins nucléaires, lesquels seraient encore trop bruyants. C’est ce que tendrait à prouver l’affaire du sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) de type 093, repéré par les moyens japonais alors qu’il naviguait près de l’archipel Senkaku, le 11 janvier dernier.
Mais ce sont surtout les armes hypersoniques qui préoccupent l’amiral Harris, étant donné qu’elles seraient susceptibles de frapper un porte-avions de l’US Navy ou une base américaine dans le Pacifique sans donner le temps de réagir après leur détection par les radars.
Par ailleurs, le chef de l’US PACOM a déploré le fait que le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire, signé en 1987 par Washington et Moscou, ne s’appliquait pas à la Chine, dont « 90% des missiles violent » ce texte.
« Les États-Unis et leurs alliés devraient se méfier de l’expansionnisme militaire de Pékin dans la région et condamner ses opérations d’influence, son comportement économique prédateur et ses actions de coercition envers ses voisins », a prévenu l’amiral Harris. « L’intention de la Chine est claire. Nous l’ignorons à nos risques et périls », a-t-il insisté. « Je crains que la Chine tente de saper l’ordre reposant sur les règles internationales », a-t-il ajouté.
« Je pense qu’il est important de faire des prévisions pour la guerre et de préparer des ressources lorsque nous essayons de prévenir un conflit. En fin de compte, il est important de pouvoir poursuivre une guerre, faute de quoi vous ne serez qu’un tigre de papier. J’espère que nous n’arriverons pas au stade du conflit mais nous devons être prêts face à une telle éventualité », a encore estimé le chef de l’US PACOM.
S’agissant des capacités militaires chinoises, nul besoin de lire le livre d’anticipation « Ghost Fleet: A Novel of the Next World War » (qui influencerait, dit-on, de nombreux officiers américains) pour savoir ce qu’il risque d’arriver. Comme l’avait souligné Jean-Yves Le Drian, alors ministre de la Défense, il faut désormais prendre en compte la « fin de la domination techno-militaire sans partage de l’Occident », qui est une « menace plus diffuse mais qui n’en est pas moins prégnante aujourd’hui et qui sera certainement structurante demain. »
Ce qu’a également mis en avant la Revue stratégique, publiée en octobre. « L’émergence et la diffusion de nouvelles technologies, sources d’opportunités, remettent aussi en cause la supériorité technologique des armées occidentales et fragilisent leurs industries de défense », est-il affirmé dans ce document. Et ce dernier d’insister : « Dans un contexte de réarmement global, les grandes puissances accélèrent leurs efforts sur les systèmes de très haute technologie (hypervélocité ou furtivité), entraînant un risque de décrochage de l’Europe. »