Faut-il y voir un rapport avec l’intention de la Chine, dévoilée la semaine passée, de disposer d’une base militaire près du corridor de Wakhan, dans l’extrême-nord de l’Afghanistan, afin d’éviter toute infiltration jihadiste dans la province du Xinjang? Peut-être…
Toujours est-il que, pendant quatre jours, l’US Air Force a effectué une série de frappes aériennes contre des taliban installés dans la province de Badakhshan, là où est justement situé le corridor de Wakhan, « afin d’empêcher la planification et la répétition d’actes terroristes près de la frontière avec la Chine et le Tadjikistan », a expliqué l’US CENTCOM, le commandement militaire américain pour l’Asie centrale et le Moyen-Orient.
Ces frappes aériennes ont été conduites par un bombardier B-52H Stratofortess, lequel a largué 24 bombes guidées sur « des positions de combat » des taliban (un record, selon l’US Air Force, pour ce type d’appareil, désormais doté d’un sytème de largage de bombes rotatif, placé dans une soute 1780 IWBU de nouvelle génération) et des F-16 basés à Bagram.
Ces raids ont ainsi permis de détruire des camps d’entraînement, apparemment utilisés par le Mouvement islamique du Turkestan oriental (MITO), lequel compte dans ses rangs des combattants ouïghours originaires de la province chinoise du Xinjiang, ainsi que des « véhicules volés à l’armée nationale afghane » en passe d’être transformés en VBIED (véhicules chargés d’explosifs pour des attentats suicides).
« Les talibans n’ont nulle part où se cacher », a commenté le général John Nicholson, commandant des forces américaines en Afghanistan (USFOR-A) et de la mission Resolute Support, de l’Otan. « Il n’y aura pas de refuge pour aucun groupe terroriste qui veut porter préjudice et destruction à ce pays », a-t-il ajouté.
Les frappes américaines ont notamment concerné le district de Warduj, qui a changé de mains plusieurs fois au cours des quatre dernières années. La province de Badakhstan, jusqu’alors relativement épargnées par l’instabilité, est désormais un foyer taleb. Les insurgés y contrôleraient trois districts et en contesteraient 9 autres (sur 28).
Le MITO entretient des relations avec al-Qaïda et le mouvement taleb depuis longtemps. En 2001, et après l’intervention américaine consécutive aux attentats du 11 septembre, cette organisation jihadiste s’était établie au Pakistan, où son chef, Abdul Haq al Turkistani (Memetiming Memeti), de nationalité chinoise, fut gravement blessé en 2010 par une frappe d’un drone américain.
Désormais, l’Afghanistan tend à devenir le principal théâtre d’opérations pour l’aviation américaine (du moins pour l’US CENTCOM), étant donné que l’activité contre l’État islamique (EI ou Daesh) est maintenant réduite en Irak et en Syrie. En 2017, elle y largué 4.361 munitions, soit autant que pendant les années 2015 et 2016 réunies. Cette tendance risque de se poursuivre, avec l’arrivée récente, à Kandahar, d’un escadron d’avions d’attaque A-10 Thunderbolt II.
Cette activité vient en complément de celle de la Force aérienne afghane. L’aviation américaine « détruit les éléments de soutien des taliban tandis que les hélicoptères MD-350 et les avions d’attaques légers A-29 afghans fournissent un soutien rapide et létal aux forces terrestres au contact », a expliqué le général James Hecker, son commandant en Afghanistan.