Une semaine après son retour de l'Himalaya, l'alpiniste française Élisabeth Revol a exprimé sa "colère" mercredi contre la lenteur des secours, difficiles à organiser au Pakistan, qui n'ont pas permis de sauver son compagnon de cordée polonais Tomasz Mackiewicz.
« J'ai beaucoup de colère, on aurait pu sauver +Tomek+ si ça avait été un réel secours, pris à temps et organisé », a déclaré la rescapée de la « montagne tueuse » (8.126 m) lors d'une conférence de presse, dix jours après son sauvetage in extremis.
Elle est actuellement soignée intensivement à l'hôpital de Sallanches (Haute-Savoie) pour tenter d'éviter une amputation, notamment du pied gauche, le plus atteint par les gelures.
Dans l'Himalaya et a fortiori en hiver, « le temps est précieux », un sauvetage « c'est une course contre la montre », a rappelé cette femme de 37 ans, les traits tirés. Là, 63 heures se sont écoulées entre son message de détresse et son retour au camp de base.
A partir du 25 janvier, 23H10 heure pakistanaise, quand Élisabeth Revol envoie son SOS à son ami et routeur Ludovic Giambiasi, à son mari Jean-Christophe et à la femme de Tomek, Anna, une centaine de messages sont échangés - et certains perdus en route - avant que son appareil GPS ne s'éteigne. L'alpiniste ne sera tenue au courant que de l'essentiel, les consignes à suivre en fonction de son état et la progression des secours. Des secours qui ont rencontré « des freins et des problèmes », a déploré Ludovic Giambiasi, qui a coordonné les bonnes volontés et les compétences internationales depuis Gap.
Parmi les plus regrettables, selon lui, il y a eu des « mensonges de certains Pakistanais » sur la « disponibilité, la réservation et les capacités des hélicoptères » à monter ou non chercher Tomek à plus de 7.000 m d'altitude, puis à chercher Élisabeth Revol, descendue jusqu'à 6.300 m par ses propres moyens, puis au camp de base avec l'aide des Polonais Denis Urubko et Adam Bielecki.
'Pas simple dans la tête'
Sans compter la surenchère sur les prix, « partis de 15.000 dollars et montés à 40.000 » pour finalement être exigés « en cash sur la table »; la lenteur de préparation des engins, « jamais prêts à décoller au lever du soleil »; des « refus d'autorisations » et évidemment « la météo ».
L'ambassade de France, investie dans la partie diplomatique, n'avait pas de liquide dans son coffre, celle de Pologne si (30.000 dollars), « le reste, ce sont ses employés qui les ont donnés », a raconté Masha Gordon, alpiniste russo-britannique.
Celle qui a organisé le financement participatif en ligne de l'opération de sauvetage, a recensé 24.000 partages de l'appel sur Facebook, pour 157.000 euros collectés. Une fois remboursée la part avancée par la France (32.000 euros) - les Polonais offrent leur participation (43.000 euros) - le reliquat de 130.000 euros ira aux trois enfants de Tomek, âgés de 7, 8 et 9 ans.
Sa veuve Anna Antonina Solska, intervenue par téléphone devant la presse, a de nouveau exprimé à Élisabeth Revol sa « profonde gratitude » pour avoir guidé son mari jusqu'à la crevasse où elle l'a laissé à l'abri, persuadée qu'un hélicoptère viendrait le chercher. « J'espère que tu te sentiras mieux bientôt », lui a-t-elle dit.
Mais outre ses séquelles physiques, l'alpiniste reconnaît que « dans la tête, ce n'est pas simple ». Elle s'en veut de ne pas avoir « insisté » pour que Tomek mette ses lunettes dans l'ascension finale, convaincue que sa cécité survenue au sommet a tout déclenché « en cascade ».
Mais pour le Dr Frédéric Champly, spécialiste des pathologies de très haute altitude, le Polonais a sans doute outrepassé ses capacités d'acclimatation et est « très probablement mort » d'un oedème pulmonaire contre lequel Élisabeth Revol ne pouvait rien