Jean-Loup ADENOR.
Emmanuel Macron a donné ce mercredi un grand discours à Bastia, afin de fixer ses objectifs pour la Corse. Le chef de l’État a fermé la porte à la co-officialité de la langue corse et au statut spécifique de résident mais s’est dit favorable à l’inscription de la spécificité corse dans la Constitution. Il a également fixé son cap en matière de fiscalité, d’économie et de développement numérique.
C’est sans ambiguïté qu’Emmanuel Macron a entamé son discours sur la Corse à Bastia mercredi 7 février. Le chef de l’État a rappelé en introduction le fameux « serment de Bastia » prononcé face à l’Italie fasciste en 1938 : « Nous jurons de vivre et de mourir français ». Fixant sa volonté de « prendre pleinement en compte » les spécificités de l’île, « dans le giron de la République », Emmanuel Macron s’est dit opposé au statut de résident corse et à la co-officialité de la langue corse mais favorable à l’inscription de la Corse dans la nouvelle rédaction de l’article 72 de la Constitution.
Le président de la République a d’abord tenu à rassurer la population locale sur la volonté de l’État d’assurer la sécurité sur l’île. Citant tour à tour « la délinquance » et « les trafics », Emmanuel Macron a rappelé que l’île bénéficierait comme les autres territoires des « renforts d’effectifs » de police et de gendarmerie, de « renforts d’équipements » mais aussi de la fameuse police de sécurité du quotidien qui doit être mise en place sous la houlette du ministre de l’Intérieur Gérard Collomb. Le chef de l’État s’est aussi exprimé sur les incendies qui ont frappé le territoire quelques mois plus tôt, assurant les victimes de sa solidarité.
Non au statut de résident corse
Sur la question de l’urbanisme en Corse, Emmanuel Macron a été clair : il n’y aura pas de création d’un statut spécifique de résident corse, comme réclamé par les dirigeants nationalistes. Pour ces derniers, la création de ce statut, qui permet de réserver la vente de terrains aux seuls résidents corses, permettrait de résoudre la crise du logement et de contrer la flambée des prix du foncier sur le territoire.
Faux, selon Emmanuel Macron, qui estime qu’un tel statut - en plus d’être contraire à la Constitution et au droit européen - contribuerait à créer « encore plus d’effets de rente » sans régler la crise du logement. « Aujourd’hui, quand les prix montent et que les terrains sont vendus, ce sont rarement des gens qui ne sont pas corses qui en profitent » a déclaré le chef de l’État.
Pour apporter des solutions, Emmanuel Macron a annoncé la création « d’une organisation ad hoc » dans les deux mois, mais aussi la simplification des règles d’urbanisme en vigueur sur l’île où l’on retrouve parfois « les contraintes de la montagne plus les contraintes du littoral ». Une situation jugée « ubuesque » par le chef de l’État qui s’est engagé à la simplifier.
Oui à l’inscription de la Corse dans la Constitution
Emmanuel Macron s’est en revanche déclaré favorable à l’inscription de la spécificité du territoire corse dans la Constitution. Il a appelé à un travail de refonte de son article 72, qui définit l’organisation des collectivités. Il s’agissait là d’une des revendications principales des nationalistes corses.
Ce serait « une manière de reconnaître son identité et de l’ancrer dans la République », a déclaré le président, en appelant les élus insulaires à débattre de ce projet « dans le mois qui vient », avant sa discussion au printemps dans le cadre du projet de révision constitutionnelle.
Non à la co-officialité de la langue corse
Nouvelle déception, en revanche, pour les nationalistes corses : Emmanuel Macron a fermé la porte à la reconnaissance de la langue corse comme langue officielle au même titre que le français. La langue française « a été le premier sédiment » de la France, a-t-il estimé, jugeant « indispensable que nous gardions ce qui nous a faits ».
« La langue corse doit être préservée et développée », a-t-il néanmoins concédé, et le « bilinguisme pleinement reconnu et accepté » mais « le bilinguisme, ce n’est pas la co-officialité », a précisé le chef de l’État, prévenant qu’il n’accepterait « jamais de réserver à celui qui parle corse tel ou tel emploi ».
Le bilinguisme « est la reconnaissance de la diversité » mais « n’est pas une nouvelle frontière dans la République, la division de la Nation et du peuple français », a-t-il poursuivi, soulignant que la langue corse est « la langue régionale la plus soutenue en France » avec 34 000 élèves dès le primaire ou dans des classes bi-langues.
Nouvelle fiscalité et baisse de dotations
Sur le volet fiscal, Emmanuel Macron a prévenu que si « des formes de fiscalité locale » pouvaient être développées en Corse, elles s’accompagneraient de « baisses de dotation parallèles », assurant qu'« il n’y a pas de finances magiques ».
« Comment souhaiter une autonomie fiscale et en même temps demander encore plus à la solidarité nationale ? Comment vouloir que la ressource fiscale soit affectée à un territoire et demander la solidarité nationale pour la dotation ? Ça n’existe pas » a-t-il expliqué. Si « le produit des impôts prélevés en Corse » restait en Corse, il serait impossible de « ne pas garantir la même chose aux autres régions ».
Chômage des jeunes et développement numérique
Refusant l’idée d’une Corse « sous perfusion », Emmanuel Macron a insisté sur l’importance de créer de l’activité notamment pour réduire le chômage des jeunes. Quant à la question de l’agriculture de l’île, le président de la République a appelé à sécuriser, valoriser et diversifier les ressources et leurs produits.
Enfin, le président la République a également rappelé ses promesses en matière de numérique : une couverture totale de l’île d’ici 2020. Emmanuel Macron a précisé qu’à Ajaccio et Bastia, c’était 38 000 lignes très haut débit qui avaient d’ores et déjà été déployées. À terme, un observatoire du déploiement du très haut débit à l’échelle locale sera mis en place.