Malgré l’avertissement de Damas, les forces turques bombardent le secteur d’Afrin, tenu par les milices kurdes
Il y a deux jours, le Pentagone s’est attaché à rassurer la Turquie au sujet de son projet qui, dévoilé le 14 janvier, viserait à créer, en Syrie, une force frontalière de 30.000 hommes, avec l’appui des milices kurdes syriennes, considérées à Ankara comme terroristes en raison de leurs liens avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).
« Il ne s’agit pas d’une nouvelle ‘armée’ ou d’une force conventionnelle de ‘garde-frontières' », mais d’une force devant « empêcher les combattants de l’EI de quitter la Syrie et pour améliorer la sécurité dans les zones libérées », a ainsi affirmé le Pentagone. Dans le même temps, le chef de la diplomatie américain, Rex Tillerson, y est allé de son couplet en affirmant que ce projet avait été « mal relayé » par la presse.
Seulement, ces explications n’ont pas convaincu les autorités turques. « Sommes-nous entièrement satisfaits par ces (déclarations) ? Non, nous ne sommes pas satisfaits (…) Nous avons besoin de voir des mesures concrètes », a en effet déclaré Mevlüt Cavusoglu, le ministre turc des Affaires étrangères.
Plus tôt, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, avait fait part de sa détermination à « tuer dans l’oeuf » cette force envisagée par la coalition anti-jihadiste dirigée par les États-Unis. Et d’assurer qu’une opération militaire visant le secteur d’Afrin, tenu par les milices kurdes syriennes dans le nord de la Syrie, serait bientôt lancée.
Le 18 janvier, devant l’imminence de cette offensive visant Afrin, Damas, où l’on considère les miliciens kurdes syriens comme des « traîtres » en raison de leur relation avec la coalition internationale, a adressé une mise en garde à Ankara.
« Nous avertissons le pouvoir turc que s’il se lance dans des opérations de combat dans la région d’Afrin, cela sera considéré comme un acte d’agression de la part de l’armée turque », a ainsi déclaré Fayçal Moqdad, le vice-ministre syrien des Affaires étrangères.
Mais, visiblement, le régime syrien n’a pas voix au chapitre. Ainsi, le même jour, le chef d’état-major turc, Hulusi Akar, s’est rendu à Moscou pour obtenir un accord au sujet de l’opération envisagée à Afrin. « Ce voyage s’inscrit dans le cadre de discussions avec la Russie et l’Iran en vue de permettre l’engagement de l’armée de l’air turque dans la région d’Afrin », a commenté M. Cavusoglu sur CNN Türk. « Nous interviendrons dans la région d’Afrin. Nous rencontrons les Russes et les Iraniens à propos de l’utilisation de l’espace aérien », a-t-il ajouté.
Selon toute vraisemblance, la Russie n’a pas opposé d’objection au projet d’Ankara. En effet, dans la nuit du 18 au 19 janvier, les forces turques ont bombardé le secteur d’Afrin.
« L’opération a débuté de facto par des bombardements transfrontaliers, même s’il n’y a pas de franchissement de frontière », a indiqué Nurettin Canikli, le ministre turc de la Défense. Pour ce dernier, la Turquie n’a pas d’autre choix que de chasser les « éléments terroristes » d’Afrin. Et d’ajouter : « Tous les réseaux et éléments terroristes du nord de la Syrie seront éliminés. Il n’y a pas d’autre option. »
Selon la presse turque, des rebelles syriens soutenus par Ankara auraient franchi la frontière à l’est de la région d’Afrin pour rejoindre une autre zone syrienne contrôlée par la Turquie (c’est à dire le secteur de Jarabulus et d’al-Bab).
D’après les milices kurdes syriennes (YPG), les forces turques mettent en oeuvre des batteries d’artillerie. Environ 70 tirs ont été constatés. « Pour le moment, il n’y a pas de victimes, rien que des dégâts matériels », a confié Rojhat Roj, un porte-parole kurde.
Reste à voir la réaction des États-Unis. « Nous ne pensons pas qu’une opération militaire serve la cause de la stabilité régionale, la stabilité de la Syrie ou même les inquiétudes turques relatives à la sécurité de leur frontière », a pour le moment réagi, un haut responsable de la diplomatie américaine, cité par Reuters.