Rétrospective sur le commando Guillaume (1956 - 1962)
Le 1er janvier 1963, le "Commando GUILLAUME" est dissous comme d'autres unités rapatriées d'ALGERIE et regroupées à NANCY.
Créé à BAYONNE fin 1956, il a combattu pendant six ans sur les sols algérien et tunisien qu'il a marqués de sa sueur et de son sang, celui de ses 24 tués et de sa cinquantaine de blessés.
Ces nombres sont impressionnants si on les rapporte à l'effectif du commando qui fluctuait au rythme des relèves et des renforts, entre 50 et 80 combattants. Ils doivent être comparés à ceux des pertes infligées à l'adversaire, soit 466 rebelles mis hors de combat, 278 armes récupérées, dont 7 fusils-mitrailleurs, 17 pistolets-mitrailleurs, 218 fusils et 36 armes de poing, le bilan de l'opération de BIZERTE étant exclu de ce décompte.
Créé en 1956 à BAYONNE par le colonel GRACIEUX,
commandant la 1° Demi-Brigade de Commandos Coloniaux Parachutistes, le commando, aux ordres du lieutenant Jean-Marie GUILLAUME, se compose de 3 "sticks" de combat et d'un petit élément de commandement, pour un effectif total d'une cinquantaine de parachutistes se répartissant à parts égales entre engagés et appelés.
Il suit une instruction spécialisée intensive suivie d'une rude période d'entraînement au combat en terrain montagneux dans les PYRENEES.
Le 19 janvier 1957, le commando débarque à ALGER. Son arrivée a été précédée le 16 janvier, par l'attentat dit "du Bazooka", visant le Général SALAN, Commandant en Chef Interarmées en ALGERIE. Elle coïncide également avec le début de la "Bataille d'Alger", menée par la 10° Division Parachutiste du Général MASSU contre l'organisation terroriste du FLN qui agit en ville.
Le commando est installé dans le quartier d'HYDRA, sur les hauteurs d'ALGER, là où se trouve le QG des TAP.
Il est rattaché, pour administration, au 2° Régiment de Parachutistes Coloniaux commandé depuis peu par le Lt-Colonel FOSSEY-FRANCOIS.
Le chef du commando reçoit pour mission d'assurer la protection rapprochée du Général SALAN au siège de son Etat-Major, lors de ses déplacements et à son domicile. Il affecte un de ses trois sticks de combat, à tour de rôle, à cette mission.
A partir d'HYDRA et avec un effectif opérationnel réduit, le Lt GUILLAUME va effectuer d'audacieuses reconnaissances et infiltrations en KABYLIE et dans le secteur de Blida où sévissent des bandes de rebelles que leur effectif et leur armement rendent redoutables.
C'est au cours d'un de ces raids qu'il va tomber, le 22 mars 1957, dans la région de MOUZAÏAVILLE. Encerclés par une forte bande de rebelles qui les exhortent à se rendre, les 32 parachutistes résistent pendant plusieurs heures et brisent plusieurs attaques ennemies.
Le Lieutenant GUILLAUME a été tué dès le début du combat.
Son adjoint, l'Adjudant BIZET, prend le commandement de l'unité et, à la tombée de la nuit, il lance ses hommes à l'assaut, brise l'encerclement et disparaît dans les couverts à la faveur de l'obscurité. Seul le parachutiste NIJEAN, blessé, tombe entre les mains des rebelles. Son corps mutilé sera retrouvé le lendemain, proche de celui du Lieutenant, par le Caporal-Chef WEILER revenu sur les lieux avec une compagnie héliportée du 3° RPC.
Plusieurs dizaines de cadavres de rebelles jonchent le lieu de la bataille.
Le Lieutenant GUILLAUME avait décidé, lors de la création du commando que celui-ci serait baptisé du nom du premier tué au combat. L'unité s'illustrera désormais sous l'appellation de "Commando GUILLAUME".
Regroupé et basé maintenant aux pieds du Djebel OUARSENIS, près du barrage de l'Oued FODDA, à une vingtaine de kilomètres à l'Est d'ORLEANSVILLE, le commando opère en bordure du domaine du Bachaga BOUALEM, aux ordres de l'Adjudant BIZET qui cède son commandement au Lieutenant Louis TITOULET arrivé de BAYONNE fin juin 1957. Cet officier sera tué quelques jours plus tard, le 7 juillet, dans des conditions comparables à celles qui ont coûté la vie à son prédécesseur.
Entre temps, le Lieutenant de Vaisseau Pierre GUILLAUME, aîné de Jean-Marie, s'était porté volontaire, dans un geste qui force le respect, pour remplacer son frère au combat. Ayant obtenu, fait rarissime, son détachement de la Marine Nationale, il suit une formation de " Commando-Para" à PAU et à BAYONNE et il prend, à son tour, le 14 juillet 1957, le commandement du commando qui porte maintenant son nom.
Cet officier de la "Royale" que Pierre SCHOENDORFFER rendra célèbre dans un film sous le surnom de "crabe-tambour", s'est déjà illustré contre le Viet-Minh, dans les méandres du MEKONG, au commandement d'une "Dinassaut" (Division navale d'assaut). Il découvre le combat terrestre d'infanterie, l'infiltration de nuit entre les "schouffs" ( guetteurs rebelles), l'embuscade, la recherche du renseignement et l'action brutale par surprise.
Il s'impose d'emblée dans ce rôle complexe et impressionne ses cadres et ses hommes par son esprit inventif, son mépris du danger et ses qualités d'homme de cœur. Il les surprend également par son vocabulaire de cap-hornier et son aisance à se guider la nuit aux étoiles.
Mais le Commandement, méfiant, s'inquiète un peu de voir un marin à la tête d'une unité de commandos parachutistes de l'Armée de Terre. C'est pourquoi, le Colonel CHATEAU-JOBERT qui a remplacé à BAYONNE le Colonel GRACIEUX, promu général et affecté à ALGER, met en place, le 26 août 1957, le Lieutenant Jean DOMINIQUE comme adjoint au chef du commando GUILLAUME.
Ils vont, ensemble et en parfaite entente, parcourir toute la Zone Ouest Algéroise (ZOA), s'infiltrant dans les zones rebelles par de longues progressions nocturnes et surprenant des unités ennemies en déplacement ou au repos dans des refuges très éloignés des postes tenus par nos forces.
En quelques mois, le commando GUILLAUME réussit à créer une ambiance d'insécurité chez l'adversaire en opérant dans les zones difficiles d'accès et escarpées de l'OUARSENIS, au Sud, et du DAHRA ou du BISSA, au Nord. Les pertes rebelles dépassent la centaine, le commando compte quatre tués.
Le Commandant de la ZOA considère maintenant le commando comme son fer de lance et estime que le cantonnement d'Oued FODDA est un peu trop éloigné de son centre de décision opérationnelle. C'est pourquoi, l'unité vient s'installer près du PC de la ZOA, sur la Base Aérienne d'ORLEANSVILLE où il est chaleureusement accueilli par les camarades de l'Armée de l'Air.
Le rattachement administratif au 2° RPC stationné à CASTIGLIONE étant un peu compliqué,
le commando est rattaché à la 114° compagnie de QG des TAP, basée à HYDRA et dont le corps support est la BAP/AFN de BLIDA. Il en sera de même, quelques mois plus tard, pour le commando d'Extrême Orient, le fameux "commando DAM SAN".
Le commando GUILLAUME avait acquis sa notoriété en cette fin d'année 1957 et son chef voulait lui donner les marques de son identité. Avec le concours du Lieutenant DOMINIQUE, il crée l'insigne de l'unité comportant un parachute ouvert dans un ciel bleu, à l'intérieur d'un grand G amarante posé sur une ancre d'or portant l'inscription en noir "Commando GUILLAUME". Sur le G, s'inscrit la devise qu'ils ont choisie, "Observe et Frappe".
Un fanion est créé ensuite qui sera de couleur amarante avec l'insigne brodé sur une face et sur l'autre face, bleu marine, l'inscription en lettres d'or "Brigade de Parachutistes Coloniaux - Commando GUILLAUME".
Début décembre 1957, lors d'une opération dans le secteur de TENES, le Lt de Vaisseau GUILLAUME fait une mauvaise chute en pleine action de poursuite. Il est sérieusement blessé et la Marine Nationale en profite pour exiger la fin de son détachement dans l'Armée de Terre. Le 12 mars 1958, il rejoint la "Royale" après avoir passé son commandement au Lieutenant DOMINIQUE qui aura pour adjoint l'Adjudant Jean TALAMAS.
Le nouveau chef du commando est un véritable "seigneur de la guerre", un chef exceptionnel au combat. Il va exploiter au mieux l'expérience chèrement acquise par ses sous-officiers et parachutistes parfaitement entraînés. Sous son autorité ferme et sans concessions, dans la période où l'adversaire est au zénith de sa puissance, les résultats vont devenir brillants et l'âme du commando va se forger dans la poursuite d'un ennemi qu'il va combattre et dominer avec ses propres armes, l'endurance, la ruse, la surprise et l'audace.
Dans les dix-huit mois de son commandement, le commando va réaliser ses plus beaux faits d'armes. Blessé le 20 septembre 1958, le Lieutenant DOMINIQUE est nommé capitaine, à titre exceptionnel, le 1 février 1959 et fait Chevalier de la Légion d'Honneur en mars de la même année.
Le Lieutenant Jean-Claude HAMEL qui lui est affecté comme adjoint le 7 octobre 1958 et lui succèdera, déclarera, le 22 octobre 1959, à l'occasion de la passation de commandement de son prédécesseur, : "Tu avais su nous insuffler ton esprit offensif et vainqueur. Les résultats obtenus depuis ton arrivée au commando sont éloquents, 275 rebelles mis hors de combat, 166 armes saisies, dont 5 fusils-mitrailleurs."
D'octobre 1959 à juin 1960, le commando aux ordres du Lieutenant HAMEL, continue d'opérer sur l'ensemble de la ZOA, tantôt de façon autonome aux ordres directs du Général commandant cette zone, tantôt à la disposition d'un Colonel commandant de secteur et parfois en renfort du Groupement de Commandos Parachutistes de Réserve Générale (GCPRG)
aux ordres du Commandant ROBIN.
Depuis l'été 1959, le contexte opérationnel a totalement changé dans la ZOA. Le plan CHALLE qui s'est appliqué, de février à mai, sur l'OUARSENIS et la DAHRA, a pratiquement anéanti toutes les unités rebelles et détruit leur organisation de soutien. Ne restent plus que quelques groupes de "Fellaghas" très dispersés et qui, pour pouvoir survivre, fuient le combat et se déplacent sans cesse.
Dès l'automne 1959, le commando d'Extrême Orient prépare sa dissolution et le GCPRG intervient avec insistance auprès du Commandement pour prendre sous sa coupe le commando GUILLAUME. Ce sera chose faite le 1 décembre 1959 mais il est convenu qu'il continuera à être employé de façon autonome, en ZOA, jusqu'au départ du Lieutenant HAMEL.
En avril 1960, l'unité reçoit un renfort de 22 Harkis lui permettant de disposer de quatre "sticks" de combat. Ces personnels supplétifs s'intégreront sans difficultés et sauront se faire apprécier. A une triste exception près, ils serviront loyalement malgré la détérioration rapide de la situation politique.
Affecté comme instructeur à SAINT-CYR-COËTQUIDAN, le Lieutenant HAMEL transmet son commandement, le 24 juin 1960, au Capitaine FLORES.
Le Capitaine FLORES est une figure emblématique des Parachutistes Coloniaux. Très connu sous le pseudonyme de "BIR HAKEIM", pour avoir combattu là-bas comme Caporal en 1942, cet ancien commandant de compagnie au 3° RPC du Colonel BIGEARD est renommé pour son flair, sa "Baraka", son mépris pour la topographie et son manque d'attrait pour la paperasse.
Son arrivée coïncide avec la fin de l'autonomie opérationnelle du commando et surtout avec un tournant de la situation en ALGERIE. L'année 1960 aura vu la déroute de la rébellion intérieure qui depuis 1958 a perdu 50% de ses effectifs, mais aussi la naissance du concept gaullien "d'Algérie algérienne"... Il y a eu "l'affaire des barricades" et la "tournée des popotes", le départ du Général CHALLE, partisan de l'Algérie Française, et les entretiens secrets avec des chefs rebelles...
Ces évènements vont avoir des conséquences néfastes sur le moral des unités, provoquer des mutations préventives d'officiers suspects de sympathie pour l'Algérie française et aboutir au référendum de janvier 1961, annonciateur du Putsch des Généraux d'avril 1961.
Quant à la rentrée du Commando Guillaume dans le giron du GCPRG, elle ne sera pas bénéfique. L'unité y perdra sa liberté d'action, les relations privilégiées qu'elle avait avec les instances des Parachutistes Coloniaux et le Commandement local de ses zones d'opérations.
Le Capitaine FLORES va être rapidement muté à la base arrière du GCPRG pour y former des harkis et, le 1 octobre 1961, son adjoint, le Lieutenant François LEONARDI, prendra le commandement par intérim pendant la période difficile où le commando continue d'opérer, avec un encadrement amoindri, dans une zone sensible du Nord-Constantinois, et alors même que le GCPRG va perdre son patron, le Chef de Bataillon LAMOULIATTE, et son adjoint opérationnel, le Capitaine Guy PERRIER, tous deux affectés brusquement à d'autres fonctions en Métropole.
Fin novembre 1960, c'est le retour dans l'Algérois. A la mi-décembre 1960, le Lieutenant LEONARDI reprend sa place d'adjoint, après que le Capitaine CASTAGNONI ait été affecté au commandement du commando qu'il quittera au lendemain du Putsch d'Alger d'avril 1961, en même temps que d'autres officiers du GCPRG, plus ou moins accusés de complicité avec les putschistes, seront écartés ou internés.
Suite à ces évènements et sous les ordres du Lieutenant Jean-Marie BOUQUET, puis, à partir d'octobre 1961, du Capitaine Michel DANET, le commando Guillaume est rattaché au 3ème RPIMa. Il participera brillamment au sein de ce régiment à la prise de BIZERTE, en juillet 1961, et aux opérations menées en Algérie entre la fin de 1961 et le début de 1962.
Finalement, c'est en Métropole et à son dernier chef que reviendra le pénible devoir de rendre un ultime hommage aux morts du commando et de procéder, au début de 1963, aux formalités de la dissolution.
Le fanion original du commando Guillaume est déposé au Musée des Parachutistes à PAU. Le fanion reçu après le putsch de 1961, lors de l'intégration de cette unité au sein du 3° RPIMa, était détenu par ce régiment.
Le Ministre de la Défense ayant donné son accord pour que le Groupement Commando du 3° RPIMa reprenne le nom et les traditions du commando GUILLAUME, le Général HAMEL, entouré de 23 Anciens, lui a officiellement remis cet emblème au cours d'une cérémonie organisée le 18 octobre 2003 à CARCASSONNE.