EN MEMOIRE D’UN COMBATTANT VOLONTAIRE
Jean GALEA
Maréchal des logis au 3ème Goum saharien
Invalide de guerre
1938 – Ligne Mareth
Le maréchal des logis Jean GALEA et son chameau forment un duo inséparable. Durant le jour, les malheureux forçats du génie travaillent en plein soleil, à construire des blockhaus et semer des mines afin de protéger la Tunisie des ambitions territoriales des Italiens, qui construisent pour l’heure des routes en Libye.
Au gré des ordres reçus, lui et sa bande de goumiers, dont seulement 10% sont métropolitains, nomadisent et descendent jusqu’au confins sahariens pas très loin de Ghadamès tenue par les Italiens. Jean Galea parle le targui et l’arabe couramment; son teint mat ne tranche pas trop dans sa bande de coureurs de désert.
1939 – Ligne Mareth
Au hasard des permissions à Gabès, il découvre la motocyclette. Son instinct de mécanicien lui dit que la moto c’est mieux que le dromadaire, plus confortable, mais hélas plus bruyant. Le capitaine cherche un moyen de communication rapide et la moto c’est le fin du fin ; ça passe partout. La 175 Terrot devient son cheval de bataille et il forme une escouade de courriers.
Mais il faut des pièces détachées et le concessionnaire Terrot se trouve à Tunis. C’est un ancien artilleur de 1914-1918 sourd comme un pot, qui dirige la maison BŒUF et enfants. Notre beau goumier en tenue blanche resplendissante se sent attiré par la caissière, une jolie blonde aux yeux gris – une Alsacienne – et jamais le magasin de pièces détachées moto ne fut aussi bien achalandé. Tous les mois il monte à Tunis pour voir et admirer sa dulcinée, et prendre livraison des pièces commandées le mois précédent.
1940 – Gabès, la guerre
Jean conquiert le cœur de la belle et ils se marient, elle et lui en tenues de goumier. Le tailleur du régiment a fait des folies. Le colonel père du même régiment est témoin. La belle vient s’installer à Gabès, mais les bruits de guerre deviennent inquiétants et elle est de trop dans cette ville de garnison qui bon gré mal gré devient pétainiste. De trop rares permissions lui permettent de goûter à la douceur du foyer.
1942 – l’engagement
Enfin 1941, un officier, le capitaine Paul Hémir Mezan (qui deviendra officier de liaison avec la 8ème armée britannique) choisit son camp et décide de rallier les forces gaullistes pour l’heure stationnées au Tchad. Un grand nombre de sous-officiers et d’hommes sont prêts à le suivre. Ils attendent le moment. El Alamein !! Rommel commence à reculer et un aveugle verrait clair comme le jour, qu’il va se rabattre vers la Tunisie le long de la côte, pour venir buter sur la ligne Mareth.
Ils partent, avec le matériel roulant disponible, vers le sud. Le grand sud. Pour vous donner une idée, imaginons que vous êtes à Paris et que vous avez envie d’un verre d’eau: vous devrez aller le boire à Lyon. Pour un bock de bière, il vous faudra continuer jusqu'à Gênes. Les distances sont immenses ; l’essence, l’eau et les vivres occupent beaucoup de place et de poids, les armes et les munitions prennent le reste. Pour les humains c'est l’inconfort, la chaleur infernale le jour, le froid la nuit. Mais le ciel étoilé est admirable et nulle part au monde, il n'est aussi clair.
Le contact est pris dans l’oasis de Zella avec des types du LRDG (Long Range Desert Group). Ils cherchent des gars parlant arabe, français et anglais. Le maréchal des logis GALEA s’avance. Il est binational franco maltais et il parle la langue de Shakespeare. Il fait l’affaire et le capitaine Mezan le recommandant, le voilà, après avoir déserté l’armée de Vichy, devenu interprète radio au LRDG.
Pendant quatre mois, ils font des reconnaissances sur les points tenus par les Italiens, en enlèvent quelque-uns en chassant les défenseurs vers la 8ème armée britannique qui progresse. Ghadamès est un de ses souvenirs les plus amusants: "Nous arrivons dans la nuit et au son d’une mandoline et de chants italiens nous fonçons comme des diables. Mani alto !! tous les Italiens lèvent les mains, sauf le joueur de mandoline trop pris par sa musique. Ghadamès est à nous."
La ligne Mareth est occupée par les Italo-allemands. Les Français de Vichy se sont repliés vers le nord en direction des Américains conduits par le général Patton. Les hommes du LRDG, grâce aux informations communiquées par le capitaine Mezan qui connaît les points faibles de ce barrage, font des reconnaissances et balisent le passage pour les troupes de Monty.
Le 6 mars 1943, ouvrant la route aux automitrailleuses de première ligne, le véhicule du maréchal des logis GALEA est mitraillé à basse altitude par un Cantt italien. Tous les occupants sont tués à l’exception de Jean Galea qui, avec une balle dans la tête, est récupéré le soir du combat par les infirmiers qui le croient mort. Un gémissement le sauve. Il est trépané à l’hôpital de campagne et fait sa convalescence à l’hôpital de Gabès libéré.
Peinture à l’huile sur bois exécutée en 1939 au
3ème goum saharien par un ami de régiment du
Maréchal des Logis Jean GALEA. Collection personnelleEn mémoire d'un combattant volontaire
Totalement paralysé du côté gauche, il fait la connaissance de son fils né en novembre 1942, un an plus tard. Jamais entièrement remis, Jean Galea mourra en 1951, à l’âge de 40 ans.
C’est le fiston né en novembre 1942 qui raconte ici son histoire; il se souviendra toujours de ce sourire sardonique dû à la paralysie de la moitié du visage de son père, qui lui faisait si peur.
A l’époque, ils ne bénéficiaient pas de l'assistance psychologique pour les petites affections de ce genre...