Valls terrorise Taubira en direct à l'Assemblée : les images terribles de France 3
Par
Olivier PicardChroniqueur politique
LE PLUS. Les prises de position de Christiane Taubira contre la déchéance de nationalité ne passent pas au gouvernement. Déstabilisée par les critiques de ses admirateurs qui jugent durement sa décision de ne pas démissionner, la garde des Sceaux est apparue affaiblie face à Manuel Valls, lors des questions à l'Assemblée nationale ce mardi 12 janvier. Chronique d'Olivier Picard.
Christiane Taubira face à Manuel Valls, à l'Assemblée nationale, le 12 janvier 2016 (capture France 3)
Dans les tribunes du Palais Bourbon ou devant son écran plat, on somnole souvent devant le spectacle des questions d’actualité à l’Assemblée nationale : à l’exception de quelques épisodes d’emportements théâtraux, qui indignent le public français plus qu’ils ne l’amusent, le rituel chloroformé par le politiquement correct s’avère assommant. Mais hier, la version télé de ce rendez-vous bi-hebdomadaire a donné à ce scénario convenu une force cinématographique inattendue qui, avec le zoom arrière de l’histoire, pourrait faire de la séquence de ce mardi 12 janvier un moment culte dans l’histoire de la Ve République.
Un pouvoir en flagrant délit de trahison de ses valeurs Le réalisateur de France 3 a saisi ces instants inouïs (à 21, 20 minutes) où une ministre-star apparaît littéralement terrorisée par son chef de gouvernement. Les images de quelques secondes ont parlé. Plus que tous les commentaires de journalistes spécialisés, plus que toutes les analyses d’expert, elles ont raconté le roman d’un pouvoir emporté dans le vertige sans fin de ses contradictions, perdu par ses errances idéologiques, et finalement pris en flagrant délit de trahison à ses valeurs.
Était-ce un hasard du placement libre des ministres ou une mise en scène préméditée ? En pleine polémique sur leur affrontement au sujet de la déchéance de la nationalité, Christiane Taubira était installée tout près de son Premier ministre. Elle aurait pu s’asseoir ailleurs sur les bancs, mais non, les deux ennemis intimes (tels qu’ils sont présentés par les médias) étaient quasiment côte à côte dans l’épreuve. Si c’était volontaire, histoire de montrer que la solidarité gouvernementale est encore un concept valide, c’est raté.
Car la suite du film a été terrible. Accablante pour une gauche divisée et… désolante pour ceux qui lui ont fait confiance pour défendre les principes essentiels qui font sa raison d’être.
Le visage tétanisé de Christiane Taubira Rodés à l’exercice, les cameramen de France Télévisions ont profité du cadeau visuel offert par le couple Valls-Taubira pour concentrer leurs objectifs sur l’émoi de la garde des Sceaux. Cela a donné une scène d’anthologie parlementaire. Le choc, en 2016, du cinéma muet et du parlant.
Qu’a-t-on vu ? Une ministre de la Justice tassée sur elle-même, le regard perdu, au pied d’un Premier ministre debout, emporté par une tirade enflammée sur le patriotisme qui reléguerait la question du droit du sol au rang de détail de l’histoire. Une rebelle tout à coup soumise à un discours cocardier, écrasée par le réquisitoire d’un "naturalisé" français contre les égarements supposés de ses amis qui tentent régulièrement, pourtant, de ramener le… chef de la majorité sur le chemin politique d’où il vient. De le ramener à la raison. De le ramener à la maison.
Terrible perspective que cette mise au point sur le visage inexpressif, comme tétanisé, de la fière ministre avec, au premier plan, dans le cadre, le dos sombre et flouté d’un chef de gouvernement implacable. Le son aurait pu s’évanouir comme au moment où on perd conscience. Il ne restait que les yeux vaincus de Christiane Taubira, comme ceux (désolé pour cette image) d’un lapin pris dans les phares.
Sent-elle que son heure a sonné ? Ce fut un pur moment de télévision. Un instantané de désarroi absolu parfaitement authentique, sans le fard des plateaux. Une violence brute qui a mis au jour le dérèglement du fonctionnement normal des institutions de la Ve République.
Ce matin, on dit sur les ondes que le président de la République serait ulcéré par les libertés prises par sa ministre pour contester la déchéance de la nationalité et qu’il prendrait son temps pour s’en débarrasser. Sa proie sent-elle que son heure a sonné, et que sa condamnation a été prononcée ? Sans doute. "L’affaire" de son appartement l’a fragilisée un peu plus et immanquablement redoutait-elle aussi des chefs d’accusation supplémentaires dans ce registre-là.
Désormais mise en examen moral par ceux-là même qui l’ont toujours admirée – aujourd’hui désorientés par son refus de démissionner – et promise au bûcher médiatique par ses nombreux adversaires grossièrement ravis de l’hallali, la voilà promise à la double peine. Le début d’une fin politique tragique
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