Opération portes ouvertes dans les mosquées
LE MONDE | 09.01.2016 à 07h52 • Mis à jour le 09.01.2016 à 08h21 | Par Julia Pascual
Dans la Grande Mosquée de Paris, en juin 2015.
Samedi 9 et dimanche 10 janvier, les 2 500 lieux de culte que compte la France sont appelés à participer à une opération « portes ouvertes ». Lancée un an après les attentats de janvier, l’initiative du Conseil français du culte musulman (CFCM) vise à « créer un espace d’échange et de convivialité avec nos compatriotes non musulmans », explique Anouar Kbibeche, son président. Qui y voit aussi un « geste symbolique d’ouverture » pour « arrêter de se regarder en chiens de faïence »
.
Au-delà du symbole, l’enjeu de l’événement réside dans son succès auprès des responsables de mosquées et des visiteurs. Vendredi 8 janvier, quelque 80 lieux qui ouvraient leurs portes avaient été répertoriés par les sites internet Zaman France et Des dômes et des minarets. Parmi eux, des mosquées du Havre, d’Orléans, d’Argenteuil, de Toulouse mais aussi de Colmar, Montpellier ou Quimper. « Il y a une bonne dynamique, la dimension nationale est en train d’être atteinte », voulait croire Anouar Kbibeche.
Dans le quartier Teisseire, à Grenoble, les responsables avaient prévu de faire du porte-à-porte auprès de leurs voisins pour les inviter, dimanche, à participer à des échanges autour de pâtisseries et d’un thé. « Les gens sont curieux, considère le président de la mosquée, Cheick Konte. Le Front national attire des gens parce qu’ils ne savent pas ce qu’est l’islam, il faut qu’ils sachent qu’on véhicule un message de paix et de citoyenneté. » Il précise : « En 2014, on avait déjà ouvert nos portes. »
« Souvent, ce ne sont que des salles »
A Tarare, dans le Rhône, la mosquée ne répondra pas à l’appel… parce qu’elle a déjà ouvert ses portes, le 5 décembre. « On était à peu près 150 personnes, se souvient Abdelkader Benadel, secrétaire de l’association.
Le maire et ses adjoints étaient présents. On a organisé ça avec la paroisse catholique et les évangéliques à travers des visites des trois lieux de culte. On a de bons rapports avec eux, on fait des rencontres interconfessionnelles régulières. »
Riadh Azouni, secrétaire du Conseil des imams d’Isère, s’attend à un « faible suivi » de l’appel parmi les « trente à quarante » lieux qu’il regroupe. « Vous savez, justifie-t-il, nos mosquées sont loin d’être aussi grandes que les églises. C’est bien de faire visiter lorsque il y a une bibliothèque ou une classe. Souvent, ce ne sont que des salles. » En outre, il pointe un problème de communication : « On n’a reçu ni mail, ni courrier. Le CFCM a annoncé l’événement sur BFM. »
En Seine-Saint-Denis, M’hammed Henniche, de l’Union des associations musulmanes 93, n’a pas non plus perçu d’« enthousiasme » auprès de la trentaine de salles qu’il représente. Lui aussi juge qu’il n’est « pas agréable de se faire voir quand on n’a pas un lieu digne ». « On se dirige vers ce type d’événements dans les années à venir, espère-t-il pourtant.
Mais il vaut mieux éviter de l’accoler à Charlie Hebdo. » Lui préfère imaginer des occasions comme les journées du patrimoine « où on montre qu’on fait partie du paysage et de la dynamique nationale ».
« Il est important que les gens viennent »
A l’UAM 93, seule la mosquée de la fraternité d’Aubervilliers a donc tenu à ouvrir ses portes ce week-end. La salle de prière avait été la première à faire l’objet d’une perquisition au début de l’entrée en vigueur de l’état d’urgence.
Au programme, ce dimanche, « visite de la mosquée, office du coucher du soleil, thé et petits gâteaux ».
La mosquée a déjà reçu des collégiens ou des étudiants en journalisme, mais c’est la première fois, depuis sa création il y a onze ans, qu’elle s’ouvre ainsi.
Chiheb, le président de l’association gestionnaire du lieu, explique : « On s’est dit qu’on allait profiter de l’appel médiatique du CFCM. On voulait faire une journée portes ouvertes, à la suite des événements du 13 novembre et face aux amalgames des médias et des politiciens. Il est important que les gens viennent et se fassent leur opinion. »
Déconstruire certaines idées, c’est aussi ce que voudraient faire les membres de l’association des musulmans de Lagny-sur-Marne (Seine-et-Marne), dont la mosquée a fait l’objet d’une fermeture administrative le 2 décembre, dans le cadre de l’état d’urgence. « On voudrait démontrer aux gens qu’un musulman est une personne comme les autres », explique le secrétaire
de l’association. Faute de mosquée, ils tentent d’obtenir une salle auprès de la mairie.
Julia Pascual
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