Valls adopte pour la première fois l'expression controversée de
"guerre de civilisation"Après les attentats sanglants de vendredi, Manuel Valls a mis en garde dimanche les Français contre "une menace terroriste majeure", s'inscrivant dans "la durée", utilisant pour la première fois l'expression controversée de
"guerre de civilisation" face au "terrorisme" islamiste. Il avait réfuté l'expression après l'attentat contre Charlie Hebdo:
"Nous sommes dans une guerre contre le terrorisme. Nous ne sommes pas dans une guerre contre une religion, contre une civilisation".
Ce dimanche, Manuel Valls a pourtant dénoncé une "guerre de civilisation" après la vague d'attentats survenue vendredi en France, en Tunisie, au Koweit, en Somalie et en Syrie.
"Nous ne pouvons pas perdre cette guerre parce que c'est au fond une guerre de civilisation. C'est notre société, notre civilisation, nos valeurs que nous défendons", a déclaré le Premier ministre lors de l'émission Le Grand Rendez-vous d'Europe 1-Le Monde-iTELE.
Une expression controverséeSi elle recouvre en réalité des définitions très fluctuantes, la conjonction des mots "guerre" et "civilisation" est devenue politiquement sensible ces dernières années, du fait de la référence au "choc des civilisations" popularisé par les milieux néoconservateurs américains et le président George W. Bush.
Manuel Valls a d'ailleurs pris soin de ne pas décrire cette "guerre de civilisation" comme un choc entre l'Occident et le monde musulman, ou d'une civilisation contre une autre.
"Ce n'est pas une guerre entre l'Occident et l'islam", a-t-il insisté.
Cette "bataille" se situe "aussi, et c'est très important de le dire, au sein de l'islam. Entre d'un côté un islam aux valeurs humanistes, universelles et de l'autre un islamisme obscurantiste et totalitaire qui veut imposer sa vision à la société", a affirmé le Premier ministre.
Il ne s'agit en aucun cas de dire que la France serait en guerre "contre l'islam", a insisté dimanche son entourage dans la foulée de l'émission.
Le mot civilisation, tel qu'employé par Valls, recouvre "les valeurs universelles partagées par tout le monde, y compris par les pays arabes et l'immense majorité de l'islam".
Avec une distinction claire entre "l'islam pratiqué par l'immense majorité de nos compatriotes et de l'autre un islamisme totalitaire dont le seul objectif est d'asservir l'individu, de le broyer, de le tuer, au nom d'une idéologie".
La droite s'est empressée de voir ces propos comme un alignement sur le vocabulaire de Nicolas Sarkozy, qui s'était attiré des critiques en parlant de "guerre à la civilisation" dans la foulée des attentats djihadistes en France en janvier et au Danemark en février.
Valls, partisan d'un vocabulaire "choc"A gauche, aucun haut responsable n'avait utilisé l'expression depuis l'attentat contre Charlie Hebdo.
Manuel Valls, qui avait notamment repris l'expression disputée d'"islamo-fascisme", est familier des incursions sémantiques hors du dicours classique de son camp.
Pour sa première réaction à l'attentat dans l'Isère vendredi, le Premier ministre avait également désigné immédiatement le "terrorisme islamiste".
Une expression que n'a jamais employée François Hollande, qui se contente de parler de "terrorisme".
La droite jubile"Après avoir insulté pendant des années Nicolas Sarkozy qui le disait, Valls reconnaît enfin que nous sommes dans une guerre de civilisation", a lancé le porte-parole des Républicains Sébastien Huyghe.
"En parlant de 'guerre de civilisation' le Premier ministre se convertit à la lucidité, il faut maintenant qu'il se convertisse à l'action", a déclaré sur Twitter le député LR Eric Ciotti.
Certains ont voulu voir dans les propos du Premier ministre une référence "bushiste", comme Edwy PLenel le souligne sur Twitter.
Ou Florian Philippot, qui a déclaré "Que la civilisation française dans ses grandes valeurs soit mise à mal, c'est une évidence".
Mais "si Manuel Valls parle de choc des civilisations, non".
"Ca, c'est la rhétorique qui a autorisé la guerre en Irak, celle de George Bush, une catastrophe", a ajouté le vice-président du Front National.
"Ce n'est pas une guerre de civilisation, c'est une guerre de la barbarie contre la civilisation", a préféré dire François Bayrou (MoDem).