Volontaires espagnols engagés dans la Première guerre mondiale.
Volontaires espagnols engagés dans la Première guerre mondiale.LES VOLONTAIRES CATALANS Désormais, c’est plus ou moins une année qui nous sépare du centenaire du début de la Première Guerre Mondiale conflit majeur du siècle dernier, qui sonne le glas de la suprématie militaire et économique du vieux continent.Une génération entière de jeunes agriculteurs, artistes, ouvriers et intellectuels ont été engloutis dans la fournaise d’une guerre de matériel lourd, et d’armes sans commune mesure avec la longue tradition militaire de l’Europe.
Il suffit pour se rendre compte de la dureté des combats, de lire un des ouvrages des plus précis sur la question :
« Orage d’acier » de Ernst Jünger, un orage d’acier vécu pareillement, tant d’un côté que de l’autre, comme nous le rappelle le maréchal JUIN dans l’avant-propos de cet ouvrage, plusieurs fois réédité .
« Par ceux qui ont vécu les grandes heures de 1914-1918 d’abord ; ceux-là liront avec intérêt des scènes analogues à celles qu’ils ont eux-mêmes connues. »Parmi ses glorieux combattants, volontaires ou conscrits, il y a encore aujourd’hui, et malgré les honneurs rendus largement mérités à l’ensemble de la caste combattante, une unité de laissés pour compte.
Pourtant, il s’agit bien de combattants volontaires. Oubliés en majorité après la guerre et sombrant peu à peu dans l’oubli collectif, engloutis par le tourbillon tumultueux de l’histoire
Le devoir d’une association tel que la FNCV est de travailler également à la mémoire de « ceux qui ont offert leur vie pour sauvegarder les droits et la liberté de leur patrie et sacrifié, délibérément, leurs intérêts personnels à l’intérêt général »
Comme nous le rappelle la première de couverture de la revue « Les Volontaires ».
http://www.fncv.com/biblio/temoignages/1914-1918/volontaires-catalans/images/cat-07.jpg[/img]
Mais qui étaient ses volontaires ?Ils sont issus pour la plupart du milieu « catalaniste », expression politico-culturelle visant à la reconnaissance du peuple catalan, de ses institutions et de sa culture.
Ses militants cherchaient par tous les moyens à obtenir une reconnaissance mondiale de leur patrie, la Catalogne, culturellement et constitutionnellement parlant.
La Première Guerre mondiale sera l’occasion pour eux de prouver leur courage et la ténacité de leur engagement , mais également de se positionner de manière active face à la monarchie espagnole qui restait neutre dans ce conflit.
Les débats feront rage dans la presse catalane à propos d’un possible engagement auprès des alliés qui, une fois la guerre finie appuieraient , au nom du sacrifice consentit, la reconnaissance du droit d’autodétermination de la Catalogne.
Une opportunité d’envergure internationale qu’ils ne manqueront pas de saisir.
Nous devons souligner le fait qu’un second marquage idéologique à également alimenté leur motivation.
La majorité du monde nationaliste catalan était favorable à la coalition alliée face à l’impérialisme allemand qui, selon eux, écrasait les petites nationalités.
Joan Daniel BEZSONOFF, professeur certifié de Catalan, à narré le geste de ces volontaires catalans dans son livre « La guerre des cocus », qui recevra le prix Méditerranée Roussillon 2004 et, en Espagne, le prix Just Maria Casero 2003.
Voici le résumé du livre, en forme de roman sur fond d’intrigue, avec cependant une réalité historique : « Durant la Grande Guerre, le lieutenant Alexandre PAGES, un Français d'origine roussillonnaise, mobilisé en 1914, est grièvement blessé.
Le jeune Nord-Catalan est alors contacté par les services spéciaux qui renvoient au consulat général de France de Barcelone avec une mission secrète :
Recruter des jeunes patriotes catalans pour qu'ils s'engagent dans la Légion étrangère en leur promettant qu'une fois la guerre finie, la Catalogne pourrait devenir un pays indépendant ».
Les débuts de l’affaireDans les premier mois de la guerre de nombreux volontaires s’engagent au sein de la Légion étrangère, y compris nos nationalistes catalans (militants exilés en France ou militants encore en activité dans leurs pays d’origine).
Leur affectation sera majoritaire au sein des unités du 1° régiment étranger qui, avec le 2° régiment étranger , sera subdivisé en quatre demi-bataillons.
Environ 32 000 étrangers sont enrôlés dans les régiments de marche de la Légion étrangère entre août 1914 et avril 1915.
Le 11 novembre 1915, toutes ces unités fortement éprouvées par les combats,
fusionneront.
Elles donnent naissance au régiment de marche de la Légion étrangère, dont le 3° régiment étranger d’infanterie est le successeur aujourd’hui.
Le 1° régiment de marche de la Légion étrangère était la seule unité française décorée d’une médaille commémorative étrangère non officielle, celle des Volontaires Catalans
Il faut noter toutefois que les Voluntaris Catalans ne constitueront pas une unité à part au sein de leurs régiment, cependant leur drapeau sera conservé aux invalides.
Comité de soutienEn février 1916 , l’Union Catalaniste constitue le « Comité de fraternité avec les volontaires catalans ».
Cette association disposera de deux sièges, un à Paris et l’autre à Perpignan (Pyrénées-Orientales).
Je rappelle ici au passage que l’actuel département des Pyrénées-Orientales (appellation strictement moderne, issue de la Révolution française , Catalogne du Nord étant le terme actuellement en vigueur revendiqué et accepté par une bonne partie des habitants) , est historiquement de culture et de langue catalane, d’où un encrage de cette entité sur Perpignan.
Cette association a pour but de venir en aide aux volontaires convalescents.
Elle apporte un soutien moral et matériel aux combattants du front mais également aux familles.
Le monde artistique se mobilisera aussi, poèmes et chansons seront écrits en leur honneur.
Ils recevront également le soutien de la presse. Le comité de fraternité « El Comitè de Germanor » en catalan, sera à l’origine de la création d’une médaille commémorative non officielle qui sera remise aux volontaires mais également au 1° RMLE.
Selon certaines sources, lors de la Bataille de Verdun le comité de soutien livrera aux volontaires des « Estelades », bannière catalane étoilée catalane, symbole du nationalisme catalan.
Les Volontaires Catalans et leurs affectations en zones de combatsComme l’atteste le diplôme certifiant le droit au port de ladite médaille , ces volontaires auront participé aux combats les plus durs :
Nous pouvons lire le nom des lieux des combats où ont pris part nos légionnaires :
Prunay, Arras, Côte 140, Verdun, Champagne, Flandres, Somme, Lorraine, Soissons, Belloy-en-Santerre, Montagnes-de-Paris, Plateau de Laffoux, Dardannelles, Serbie, Bulgarie.
Les volontaires catalans au feuL’hebdomadaire barcelonais de l’Unió Catalanista « La Nació », daté du 11 novembre 1916, publie un article d’Arnau de VILANOVA (Arnau de VILANOVA était certainement un pseudonyme repris du grand érudit catalan du XIII° siècle, considéré comme le plus éminent médecin de son siècle) sur les volontaires catalans à partir de la première de couverture sous le titre :
« Els voluntaris catalans a Serbia », ce qui nous laisse supposer qu’ils étaient présents dans les combats en Serbie dans les derniers mois de 1916.
Voici quelques extraits du texte traduit du catalan :Le sous-officier VIGIER écrit :
« Durant tout le mois de septembre de cette année, nos frères travaillent pour libérer la petite Serbie des griffes des buses impériales .
Ils ont eu un tel travail qu’ils n’ont pu se reposer plus d’un jour, en lutte continue contre les ennemis et, ce qui est pire encore, contre un froid terrible , les pluies torrentielles de ce pays, dans les fossés des tranchées, mouillés jusqu’aux os, où voulez-vous dormir, dites-le moi, sur cette terre humide, trempée…
En une parole, il s’agit de la liberté et de la dignité de la Serbie, en collaboration revendicatrice avec laquelle nous avons engagé tout notre être, bien souvent avec une telle souffrance physique qu’il y a de quoi s’en retourner chez nous , ou ailleurs dans le monde !... Les catalans, mais les bons catalans, ne reculent pas, jamais, ni en paroles, ni en actes, ni devant personne.
Nous, légionnaires catalans qui nous battons maintenant au côté des Serbes, contre ceux qui violent leur territoire, qui profanent leur juridiction nous ne pouvons dire ô combien notre âme est dévouée et notre noble pensée est convaincue….
Il pleut continuellement, le froid se fait sentir , nous avons l’hiver sur nous, les ennemis sont à côté, le feu lancé par les machines de guerre va d’un côté comme de l’autre , comme si tous à la fois, eux et nous, voulions nous écraser réciproquement.
Nous ne savons pas si nous sommes jeudi ou dimanche ni quand nous avons mangé du pain pour la dernière fois, tous les jours sont pareils .
Ils absorbent l’attention dans une lutte singulière, dans l’aspect technique et par les trésors idéologiques qui se disputent.
Cette guerre est bien distincte de la classique guerre des anciens , la lutte est toujours inhumaine, car se battre, entre hommes, s’entretuer , rien ni personne jamais ne peut prouver que ce soit humain, mais ce geste, en pleine lumière et en rase campagne, possède la grandeur plastique de la vision de l’ensemble intègre des combattants (…).
Notre compagnie doit rompre la marche en avant , au milieu des ténèbres, quand nous aurons fait un kilomètre de chemin , nous nous arrêtons tous et commençons à creuser un fossé pour nous enterrer afin de nous préserver de l’action de l’artillerie impériale…à 4 H 30 du matin, déjà nous avions terminé notre œuvre (…).
Nous sommes postés, Lisa et moi, dans le même trou, pressés comme dans un étui (…).
En face nous avons un chemin de terre, et à une cinquantaine de mètres se trouve la première ligne occupée par les ennemis.
A 7 H, l’artillerie commence à bombarder les positions bulgaro-turques , jusqu’à 13 H, heure où se termine la terrible tempête.
Alors, nous recevons l’ordre de mettre les sacs à dos et la baïonnette au canon du fusil.
Passé dix minutes, nous sortons du fossé et nous nous alignons comme si nous étions à la parade, chantant tous « La Marseillaise »
(Tots cantant l’himne de Marsella, dans le texte).
En nous voyant, les impérialistes nous barrent la route , nous arrêtant avec une averse de bombes.
Nous chantons plus fort encore et nous continuons d’avancer comme s’il ne se passait rien.
Regardez cette compagnie, dans sa façon de marcher, toujours résolue (…).
En nous voyant face aux ennemis de la paix , ils pourront comprendre le sentiment qui inspire notre labeur de renationalisation , de purification définitive des races, des lois des peuples et de leurs coutumes citoyennes et du gouvernement particulier des hommes.
Quand nous sommes au contact de l’ennemi , commence l’embrouille, la grande bataille, la lutte décisive pour tous (…).
Vers 18 H, nous subissons une contre-attaque menée avec une furie dévastatrice effectuée par des Bulgares survivant du fracas antérieur (…).
Nous n’oublions pas les bonnes manières et nous les recevons comme ils l’ont mérité…
Après cette méchante nuit , nous en passons une de pire, et une d’encore plus terrible, et encore une , encore et toujours, cette lutte homérique et chaque fois plus épouvantable
et elle ne semblera finir que lorsque sera consumé l’annihilation et l’a-socialisation de l’humanité et du monde, et nous, nous restons sans défaillir jusqu’au dernier.
Nous sommes venus ici pour aider les Serbes, prêts à tout donner, et une fois la tâche terminée , ayant reçu les honneurs et la gloire d’avoir contribué à la restauration nationale de la Serbie, leurs fils nous remercieront toute la vie , l’Europe émancipatrice et le monde civilisé s’en souviendront toujours , et la Catalogne s’en sentira enorgueillie d’avoir des fils comme nous autres, les légionnaires… » .
Cette traduction nous laisse entrevoir la dureté des combats et des conditions climatiques, mais également le type de combattant , encore marginal pour l’époque, qu’était le Voluntaris Catalans.Le légionnaire catalan se classe indéniablement dans la catégorie du soldat politique , soldat qui à pleinement conscience des risques , mais qui pour autant est porté par la foi idéologique , se différenciant de fait des conscrits, des marginaux, des aventuriers ou des militaires de carrière dont le corps des officiers est en général d’esprit conservateur.
Un organe de presse : La trinxeria catalana (« La tranchée catalane »)La Trinxera Catalana fut une revue catalane éditée par Camil Campanyà i Mas (entre autre). Le premier numéro sortira en juillet ou septembre 1916.
Le but de cet organe de presse était principalement d’informer les Catalans sur la situation et les prouesses des volontaires catalans pendant la Première Guerre mondiale .
Des contacts étroits furent maintenus avec l’Union Catalaniste du docteur Joan Soler i Pla.
Un seul numéro sortira .La publication sera suspendue après la mort de Camil Campanyà sur le front de la Somme en 1916 .
Cependant, la revue connaîtra une brève renaissance fin 1918, sous la plume de Daniel Domingo i Montserrat , comme organe du Comité National Catalan de Paris.
C’est en décembre 1918 que va sortir son dernier numéro où sera adressé un message de la Légion Catalane et des Catalans qui servirent en régiment de ligne et d’artillerie , au président des Etats-Unis d’Amérique, Thomas Woodrow Wilson , sollicitant le support américain à l’autogouvernement catalan au nom des Catalans tombés sur le front .
Bibliographie sur la Trinxeria Catalana
David Martínez i Fiol "voluntaris catalans" a la Gran Guerra" (1914-1918)Publicacions de l'Abadia de Montserrat, 1991, p.67 i 108-109
Daniel Domingo Montserrat, 1900-1963: entre el marxisme i el nacionalisme , p. 58-82
Fin de la guerre, la douche froideLe prix du sang n’est apparemment pas le même pour tout le monde.
Le sacrifice et le dévouement consenti par les légionnaires catalans ne suffiront pas à obtenir ce qui pour eux coulait de source.
La victoire à un goût d’amertume, les camarades tombés dans les combats seraient-ils morts pour rien ?
Servir un idéal avec un tel dévouement dans les dédales de la politique internationale peut s’avérer malheureusement très dangereux .
Nos volontaires en ont fait les frais. Pour les nationalistes catalans, la fin de la guerre sera ressentie comme un coup de poignard dans le dos de la part de la France .
Les autorités françaises refuseront aux rares Voluntaris Catalans rescapés de participer au défilé de la victoire avec leur propre drapeau.
Quant aux représentants de la Catalogne à Versailles , ils furent chassés par Georges CLEMENCEAU selon la phrase désormais connue "Allons messieurs, pas d’histoire !"
Une reconnaissance pour quand ?Compte-tenu d’un tel récit, dont la tragédie n’a d’égal que l’horreur consentie dans le fracas des combats , nous sommes en droit de nous demander pourquoi un tel silence (volontaire ?) autour de cette affaire digne d’un scénario à intrigue ?
Pourquoi dans un département comme le nôtre, c'est-à-dire à forte identité catalane, rien n’est fait pour honorer ces cousins du sud venus se battre à nos côtés ?
Qu’attendons-nous pour faire valoir ce que de droit, au nom du devoir de mémoire ?
Ceux qui sont tombés continuent à marcher à nos côtés tant que la flamme se maintient .
Il suffirait pourtant de pas grand-chose pour qu’au moins notre département se souvienne.
Une stèle, une plaque , identique à celle qui se trouve à Barcelone au Parc de la Ciutadella
où il est inscrit :
« Aux Volontaires Catalans morts en France et dans le monde pour la défense de la liberté ,
1914-1918 & 1939-1945 ». Le monument aux Voluntaris Catalans , œuvre du sculpteur Josep Clarà, fut inauguré le 14 juillet 1936 à Barcelone , quelques jours avant le commencement de la guerre civile espagnole.
L’ensemble musical de la mairie de Barcelone interprètera pour l’occasion El Himno de Riego (hymne officiel de la monarchie constitutionnelle espagnole et de la première république espagnole) , Els segadors (hymne de la Catalogne « les faucheurs ».
C’est également devenu au fil du temps l’hymne des nationalistes catalans) et… « La Marseillaise » !
Cependant, nous devons noter aussi que le 11 novembre 2013 à Barcelone , étaient présents pour la commémoration de l’armistice du 11 novembre 1918 , au monument aux soldats de France et aux volontaires d’Espagne morts pour le « triomphe de la justice et de la liberté », au cimetière de Montjuïc, aux côtés de membres de la municipalité et d’élèves, 13 membres du GIVUME-RMT (représentant la 9° compagnie du RTMT et les paras d’Indochine) , associations étrangères des anciens combattants , du président du Souvenir Français de Barcelone et du président des Anciens Combattants Résidant en Espagne .
Llorenç PERRIE ALBANELL
Adhérent de la FNCV des Pyrénées-Orientales
Lorsque des hommes que rien n’oblige à se battre décident de risquer leur vie pour une cause qui leur est chère , et de combattre sous un uniforme étranger un adversaire qui n’est pas en guerre contre leur pays, ce sont d’authentiques héros." 
Ven Juin 19 2015, 22:30
