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 La mort en 1914-1918 .

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MessageSujet: La mort en 1914-1918 .   La mort en 1914-1918 . Icon_minitimeMer Nov 05 2014, 18:42

La mort en 1914-1918

La mort en 1914-1918 . 756672612

La Première Guerre mondiale est celle de la découverte de la mort industrielle de masse et ce, sur une longue période.

Population et gouvernement ont du s’adapter à cette situation sans précédent et gérer cette immense douleur.

Au front, l’impossibilité d’accorder des sépultures décentes, la traumatisante relève de corps disloqués et pourrissants à l’air libre ou extraits, asphyxiés, d’abris effondrés, ont rendu encore plus éprouvant la vie quotidienne des combattants.

Face à ce traumatisme la réaction des populations et des combattants a été de perpétuer le souvenir de cette période tragique en faisant ériger un monument plaçant aux yeux de tous l’ampleur du sacrifice communautaire.
 


1
Longuement imaginée et décrite par les uns et les autres avant 1914, la Première Guerre mondiale fut en réalité celle de l’inattendu, forçant ceux qui eurent à la gérer et à la subir à faire preuve d’adaptation tâtonnante sans modèle précédent auquel se référer. Parmi ces surprises, la plus cruelle fut celle causée par la découverte du phénomène de la mort industrielle de masse. Il suivit quasi immédiatement, l’autre nouveauté que fut une mobilisation de masse, jamais mise en œuvre avec une telle ampleur et une telle rapidité dans aucun pays.

2
En quelques jours furent prélevées sur l’économie du pays d’abord une grande partie de la population active mâle et ensuite une autre grande partie de la force de travail dans l’agriculture, les animaux de trait réquisitionnés. Ce départ déconcertant de tous les hommes, s’il s’est passé sans la moindre contestation publique, en a surpris plus d’un. Léon Jouhaud, médecin, a remarqué dans son village de Peyrat le désarroi devant cet événement jamais vu encore :

« Sur les portes, les habitants formaient des groupes caractéristiques. Les femmes pleuraient, se mouchaient bruyamment, poussaient des gémissements, (...). Bien que prévue, la circonstance surprenait les mœurs : quelle attitude était-il séant d’adopter ? On n’avait pas de précédent pour se guider : il ne s’agissait pas de faire d’impair, les yeux des commères vous guettaient ; il ne s’agissait pas de se faire remarquer par une attitude déplacée, mais il s’agissait de trouver l’attitude adéquate à cette heure anormale. On adopta par un accord tacite le protocole des enterrements où il est décent de manifester sa douleur par des cris perçants, des larmes contagieuses, des reniflements humides et des gestes tendrement désespérés. » 1

3
Cette description n’est celle que de la campagne car à Limoges, au contraire, notre médecin a été frappé par la détermination et la retenue de la population. Dans les grandes villes, on peut dire que devant cet événement ont cohabité chez les habitants anxiété et exaltation : accompagnement des troupes aux trains, saccage des commerces censés appartenir à des ressortissants ennemis. Peu de temps après ces séparations familiales massives, d’une ampleur jamais vécue jusque-là, arrivèrent, dans toutes les provinces, les annonces des décès suite aux défaites de la bataille des frontières. En ce début de conflit, les hommes étaient regroupés par région d’origine dans un même corps d’armée. Que ce dernier soit malmené et toute une région se retrouvait en deuil. Ce fut ainsi le cas au 15e corps de Marseille où, d’après les derniers recoupements obtenus à partir du site Mémoire des Hommes, 4 160 tués ont été décomptés entre le 10 et le 20 août 1914 dont 3 370 en 48 heures. Le 20 août à Gelucourt en combat défensif le 27e BCA a accusé 309 tués, soit 40 % de son effectif. L’impact a été national car tous les corps d’armée ont initialement été concernés. D’après le rapport Marin, à la mi-septembre 1914, après un petit mois de combat, les armées, outre 400 000 blessés évacués, comptaient 320 000 tués ou disparus. La proportion importante de « disparus » (position administrative provisoire entre prisonnier et tué) fut aussi une donnée nouvelle de cette guerre. Le bilan fait après-guerre, une fois tous comptes réalisés avec suffisamment de certitude, en témoigne. Le 10e RI annonce en 1920 avoir recensé 1 193 tués et 1 638 définitivement disparus, donc comptés dorénavant parmi les décédés, tandis que le 18e RI fait état de 2 822 tués auxquels il faut ajouter 1 076 disparus non réapparus. On ne doit pas extrapoler à partir de ces deux exemples, car chaque régiment a mené des combats dans des circonstances et un environnement différents, et la nature des combats menés est une des causes du plus ou moins grand nombre de disparus définitifs. Au 86e RI, on ne doit ajouter aux 2 915 tués que 456 disparus non retrouvés 2.

4
Il est résulté de cette réalité, pour les familles, un bouleversement dans les manifestations du deuil. Prévenues souvent initialement par des lettres de camarades ou de cadres de contact, ces dernières se sont retrouvées à envisager des obsèques hors de la présence du corps du défunt et sans avoir assisté aux circonstances de la disparition. Ce n’était pas une nouveauté mais cela l’a été à ce niveau massif. Les usages du deuil, respectés alors, ont commencé à recouvrir le pays de femmes, dont de nombreuses jeunes, en vêtements noirs. L’absence des corps a contribué à maintenir le drame dans la sphère intime rendant encore plus douloureux le sentiment d’arrachement. Les familles affligées ont donc entamé des correspondances avec les témoins de la mort de leurs proches, essayant d’obtenir la localisation des lieux d’enterrement dans l’espoir, à la fin du conflit, de récupérer les corps.

5
L’administration centrale du ministère de la Guerre n’était prête ni par ses procédures ni par ces effectifs à organiser ce qui est une des tâches régaliennes de l’État : gérer l’état-civil en ces temps de mortalité de masse. Une preuve de ce manque de préparation en a été qu’il a fallu attendre le 2 juin 1916 pour que paraisse l’« Instruction pratique pour les Officiers d’état-civil » sur le champ de bataille. L’administration centrale, assaillie d’emblée de demandes des particuliers, a réagi initialement en prenant la décision de baptiser son organe centralisateur parisien, débordé et en pleine improvisation, « service de renseignements aux familles », choix malvenu car cette organisation était tout sauf un outil de communication réactif. En effet, les renseignements qu’elle pouvait diffuser étaient tributaires des informations venues du terrain, soit par le biais des états de pertes fournis par les régiments, en moyenne dans les vingt jours après les événements, soit par les services hospitaliers en ce qui concerne les blessés décédés en hôpitaux, soit par les courriers des officiers chargés, avec des équipes d’inhumation, de rechercher les cadavres laissés sur le terrain, de les identifier et de les inhumer en fournissant la localisation sur des carnets dits « du champ de bataille ». De toutes façons, l’hémorragie de cadres consécutive aux défaites initiales avait rendu illusoire un tel fonctionnement. Le lieutenant-colonel Jacquand de l’état-major du général Castelnau avouait son ébahissement en Picardie en octobre 1914 quand le 99e RI se présentait à lui avec 9 officiers encore valides sur les 60 partis en guerre un mois avant 3.

6
À partir de l’instruction de 1916, les unités durent nommer un officier d’état-civil, habilité à établir trois pièces :

- un acte de décès quand deux témoins, connaissant la victime, pouvaient authentifier le décès ;

- un procès-verbal de décès si on ne disposait que d’un seul témoin ;

- un procès-verbal de constatation de décès si on ne disposait pas de témoins.


7
Ces données étaient alors transmises au service dit de « renseignements aux familles » qui vérifiait et traitait en priorité les actes de décès, en informait les dépôts des régiments qui eux-mêmes en avertissaient les familles par l’intermédiaire des maires. Comme l’explique le directeur de ce service, en réponse aux violentes attaques, dès la guerre terminée, de parlementaires relayant le mécontentement de l’opinion, sa véritable fonction de responsable de l’état-civil le rendait totalement incapable de répondre aux tâches attendues d’un véritable outil de renseignement des familles : « Toute demande de famille fait immédiatement l’objet d’un accusé de réception par courrier. Mais ceci ne calme guère sa juste impatience : ce que les parents attendent, c’est le renseignement. Or, s’il s’agit d’un décès, il est interdit de le notifier directement aux intéressés car il serait extrêmement imprudent de s’affranchir de l’identification par le Dépôt. » 4

8
Cette explication rationnelle n’a évidemment pas contribué à atténuer la mal-être des familles. Cette proportion importante de corps, non relevés instantanément, restés un temps sans sépulture, a eu aussi de profonds retentissements chez les combattants. La nécessité de laisser sur le terrain, tués et agonisants, lors des combats, est des plus traumatisants pour les camarades, tant il est opposé au sentiment naturel de porter aide à ses frères d’armes. Est aussi traumatisant le constat d’impuissance ressenti devant l’impossibilité de procurer une sépulture décente à ceux qui sont tombés dans le no man’s land et dont les corps pourrissent à la vue des guetteurs dans les tranchées. Quand c’est possible et que l’ennemi le permet, soit qu’il s’est retiré ou qu’il ne tire pas, on relève les cadavres, épreuve pour ceux qui ont à accomplir cette funeste besogne et dont ils s’entretiennent ensuite. Marc Delfaud, tout nouvel arrivé dans son régiment en Lorraine, traduit sur son carnet de guerre tout fraîchement entamé, ce qu’il retient de leurs propos :

« Le soir rentrent exténués, les camarades qui reviennent de la corvée des morts. Ils sont sous l’impression du spectacle horrible qu’ils ont vu : les morts putréfiés, noirs, enflés, horribles, et hélas ! nos camarades, nos pauvres camarades fauchés par centaines, méconnaissables, hideux. Et les histoires macabres ou tristes continuent leur train. On parle de blessés et de leurs souffrances sans nom. De malheureux blessés sont restés cinq jours et cinq nuits dans la forêt, à attendre un secours qui ne venait pas, cinq longs jours sous les obus et sous les balles, tapis dans les buissons pour n’être pas achevés par les Allemands, cinq longues nuits à hurler de douleur, à crier la soif, la fièvre, à appeler, à délirer, à appeler l’épouse, l’enfant ou la mère absente, cinq longues nuits à ramper parmi les cadavres pourris, aux blessures fourmillantes de vers. » 5

9
Les hommes ont eu des difficultés à surmonter le désarroi provoqué par de telles situations et ont essayé tant qu’ils ont pu de se raccrocher aux habitudes de la vie civile. On peut lire ainsi dans la décision du 6 janvier 1915 du colonel Nanta, commandant le 118e RIT, l’alinéa suivant : « Deuil : le lieutenant-colonel a la douleur de faire part au régiment de la mort du soldat Durand tué à l’ennemi le 3 janvier 1915. » Des réflexes civils jouent ainsi encore comme le démontre cette remarque du soldat Potel du 5e RI : « Le 7 avril 1915, le caporal Graffouillère fut tué dans un poste avancé. Il avait déjà 3 frères de tués et lui qui était le dernier n’en était pas moins brave. Toujours gai, il était très estimé par tout le monde. Une quête fut faite pour lui acheter une plaque en marbre et une couronne. On l’enterra dans le cimetière de Cauroy avec un cercueil, cas bien rare sur le front. » 6

10
Les exemples abondent de ces quêtes et de l’achat de décorations funéraires, décidés en dehors de la hiérarchie. Quand cela est possible, les inhumations se font avec l’aide des aumôniers avec cérémonie religieuse quand il y a un lieu de culte en état dans les environs. Si l’on schématise, on peut noter une périodisation dans les modalités de réalisation de ces massacres de masse. Lors de la guerre de mouvement initiale, les troupes ont laissé sur le terrain des cadavres qui ont séjourné plus ou moins longtemps à l’air libre. On a assisté alors à des détroussements de cadavres avec parfois la survenue de la gendarmerie exécutant sommairement les pillards. Les troupes, quant à elles, étant en perpétuel déplacement, n’avaient plus sous les yeux les conséquences de leurs affrontements. Avec la stabilisation et la guerre des tranchées, des couches de cadavres se sont créées entre les deux camps, suite aux successives opérations de détail qui ont marqué notamment l’année 1915. Les récits sont nombreux relatant la pénible impression ressentie par les combattants à la vue quotidienne devant eux de corps à l’odeur écœurante, restés là où les avaient fauchés les mitrailleuses. On comprend leur réticence à se relancer à l’assaut sur ce même terrain au milieu du charnier ouvert qu’ils devaient au préalable traverser et qui semblait leur offrir de choisir une place au milieu de tous ces cadavres.

11
Une évolution dans la façon de mourir se fera tout au long de la guerre en fonction du perfectionnement des engins adaptés à l’abattage industriel des hommes, en premier lieu l’artillerie. Tout au long de la guerre sont apparues des bouches à feu de plus en plus puissantes, de portée toujours améliorée, d’effets de plus en plus dévastateurs, faisant que la zone battue par l’artillerie ne cessera de s’étendre dans la profondeur, atteignant ainsi plus de victimes. La parade à cet anéantissement a été, pour les troupes de s’enfouir profondément dans le sol, ne laissant que quelques guetteurs à l’air libre. Caves, creutes ont été occupées et hors de ces cavités existantes, que ce soit dans la craie de Champagne ou dans les sols hercyniens des Vosges, des lieux de survie ont été créés, travail gigantesque dont on reste de nos jours étonnés quand on en découvre l’ampleur. Face à cette course à l’enterrement, l’artillerie a répondu en imaginant des projectiles capables de percer ces protections terrestres, qu’elles soient de circonstances ou constituées de béton comme les forts de Verdun.

12
Le caporal Martin du 119e RI décrit ses sensations aux abords du fort de Vaux début mai 1916 :

« Le pilonnage sur nous et le fort est incessant, les obus de 210, 305 et 420 s’abattent avec une régularité mathématique. (…) L’immobilité la plus complète est de rigueur de jour. Les observateurs ennemis de Douaumont déclenchent le tir de l’artillerie au moindre signe de vie chez nous. Les mouvements ne peuvent se faire que la nuit, mais malheur à la corvée de soupe ou d’eau qui se laisse prendre sous un barrage. On ne connaîtra jamais assez le courage héroïque des ravitailleurs dont les cadavres jalonnent les pistes. (…) Bombardement le plus terrible le 1er Mai de 3 h 45 du matin à 13 heures : les 380 et 420 tombaient sur le fort à 50 mètres derrière nous et les autres de moindre calibre nous étaient destinés : Deux coups de 420 dont nous entendions le départ toutes les 6 minutes suivis de 4 coups de 380 toutes les 4 minutes dont l’éclatement nous soulevait comme des galettes lorsqu’ils tombaient sur le fort. Oh ! Aïe ! Aïe ! Nous ne pensions jamais sortir de cet abominable enfer. » 7

13
Les plaies provoquées par l’artillerie sont, en général, plus horrifiantes que celles des balles. Or, ces dernières sont largement majoritaires. Ainsi, du 22 février au 15 juin 1916, l’hôpital de Vadelaincourt, près de Verdun, a reçu 10 780 blessés, dont 10 080 par éclats d'obus, 453 par balles, 247 par grenades : soit 4 % par balles et 2 % par grenades On a décompté : « 2 670 plaies de la face (dont 479 plaies du cerveau et 390 plaies des yeux), 979 plaies du thorax, 278 blessures de l'abdomen, avec à la clé 935 décès dont 147 par gangrène gazeuse. » Amédée Guiard, du 405eRI, arrive le premier après qu’un obus, de nuit, ait frappé le 14septembre1915, un groupe de travailleurs qui approfondissait une sape : « J’arrive et je vois étendu sur sa toile de tente, parmi les terres éboulées, un cadavre déchiqueté, sans tête, la poitrine arrachée montrant les poumons. Plus loin j’aperçois une loque de chair, qui est peut-être un morceau de la tête, et, en m’en allant, je bute presque sur une main exsangue ; c’est le bras qui a été violemment arraché. »

14
Aux hommes frappés sur le terrain vont s’ajouter ceux ensevelis dans leurs abris quand un obus arrive à les effondrer. C’est la mort par asphyxie. « Une demi section n’avait pas eu de chance : un obus avait écrasé l’entrée de l’abri où ces hommes s’étaient réfugiés. On ne pouvait mettre que quatre hommes à la fois au travail de dégagement. Ils travaillaient le plus vite possible, mais les étais, écrasés et mélangés à la terre ne rendaient pas le travail facile. Quand ils eurent réussi à faire une ouverture, il n’y eut pas un mot. Tous ceux qui s’étaient réfugiés dans cet abri étaient morts asphyxiés. » On peut mourir asphyxié même dans des lieux extrêmement protégés. Le 20 mai 1917, sur le Mont Cornillet, un obus français de 400 mm explose dans la cheminée d’aération d’un ensemble de souterrains forés dans la colline provoquant la mort par asphyxie de quelque 400 soldats allemands. Les premiers Français parvenus sur les lieux décrivent la scène : « Une entrée presque complètement obstruée par les cadavres qui s’y entassent sur 4ou 5épaisseurs (…). Les cadavres sont pêle-mêle, entrelacés, dans des figures effrayantes de contorsion. On y sent les souffrances atroces, traduites par les traits crispés, la face gonflée, bouffie, avec de l’écume blanchâtre autour des lèvres. » 8 On pourrait ajouter un chapitre entier sur les ravages terrorisants occasionnés par la guerre des gaz, type même de la guerre industrielle, et aussi un autre sur les victimes de la guerre des mines souterraines.

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Cette terre, triturée, malaxée, par les pilonnages d’artillerie, soumise au piétinement permanent des hommes, dépossédée de sa couverture végétale, imbibée d’eau, est elle-même une source de décès particulièrement effroyable où l’asphyxie se combine avec l’engloutissement dans la boue plus ou moins liquide. Louis Larché, sur la Somme à l’automne 1916, y a échappé in extremis : « Je vais parler de cette nuit de relève dont je me souviendrai toute ma vie. À 10 h du soir, la relève arrive mais dans quel état, de la boue et de l’eau jusqu’au ventre. Enfin, nous partons. On a à peine fait 50 mètres que l’on s’enfonce dans la boue jusqu’aux genoux. Enfin, tant bien que mal, on avance mais péniblement et le bombardement est terrible, mais plus on avance et plus la glaise devient dure. C’est alors qu’il m’arrive une chose terrible pour moi. Je me trouve enlisé dans la glaise jusqu’au ventre. Je fais de terribles efforts pour me sortir et le tir de barrage est violent. Je suis dans une cruelle position. Me voyant pris, j’appelle à mon aide. De suite, un de mes caporaux Bérard et un homme Delecluze viennent à mon aide et essaient de me dégager, mais malgré leurs efforts et les miens, je ne suis pas dégagé. À mon tour, mes forces me trahissent. Je n’en peux plus. Enfin, grâce au dévouement de mes deux aides qui ont été courageux, après m’avoir déterré à l’aide de pelles, au risque d’y rester eux-mêmes, je parvins à me sortir de cette triste position. » 9 Louis Larché s’en est sorti mais bien d’autres ont fini leur vie, solitairement, de cette façon atroce.

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Il est très difficile pour l’historien de répondre à la question qui est celle de savoir si ce sacrifice sanglant de masse a modifié les comportements mentaux et sociaux de la population. Il existe un indice éclairant du fait qu’il en a été ainsi. En effet, à l’issue de ce massacre industriel, l’État, conscient du traumatisme, a, par une loi du 25 octobre 1919, décidé de garder la mémoire de ceux qui étaient tombés pour la  Patrie en demandant à chaque maire de relever leurs noms et de les coucher sur un livre d’or. Le but, était, de compilation en compilation, de faire parvenir des livres d’or départementaux à Paris où on les conserverait au Panthéon auprès des tombes de ceux qui y étaient honorés. Cette centralisation d’inspiration jacobine a échoué. Elle a été remplacée par une démarche d’initiative décentralisée, qui a été que les morts tombés au cours de ce cataclysme se devaient d’être honorés dans leurs communes. La France s’est donc hérissée de monuments aux morts autour desquels le jour de la victoire, les populations se sont spontanément réunies pendant très longtemps, ce mouvement traduisant la volonté de se souvenir de cet événement douloureux, hors du commun. Après la Deuxième Guerre mondiale, les tensions de la guerre froide, les guerres de décolonisation, la disparition des survivants, ont conduit à une désaffection progressive, perceptible encore aujourd’hui. Mais, depuis quelques années, on perçoit aussi, dans les communes, des changements dans le déroulement des manifestations près des monuments aux morts. De plus en plus, ces cérémonies sont préparées dans les écoles par l’étude de la vie de ceux dont le nom est inscrit sur le monument et des élèves, le 11 novembre, lisent des textes qui évoquent leur mémoire en une tentative, par le biais d’histoires singulières, de retrouver l’ampleur et la réalité de l’hécatombe. Ce renouveau près de 100 ans après ce drame, semble bien démontrer que la mort de masse des Français en 1914-1918, en dépit de la disparition des témoins de cette période, est un fait qui est entré dans l’inconscient collectif de la communauté nationale qui en reste encore pétrie.

Notes

1  Jouhaud (Léon), Souvenirs de la Grande Guerre, Limoges, Presses universitaires de Limoges, 2005, p. 33

2  SHD/DAT, 7 N 754.

3  SHD/DITEEX, 1 K 95, fonds privé du général Castelnau, souvenirs inédits du lieutenant-colonel Jacquand (carton 37).

4  SHD/DAT, 12 N 3, « Note sur l’organisation et le fonctionnement du Service de Renseignements aux Familles » du 22 novembre 1918.

5  Delfaud (Marc), Carnets de Guerre d’un hussard noir de la République, Éditions Italiques, Paris, 2009, p. 25

6   Potel (Henri), Mémoire d’un poilu, Atelier d’Arts graphiques, Aulnay-sous-Bois, 1997.

7  www.http.Pagesperso-orange.fr/119RI/journalmartin.html

8  Cité dans l’article de Patrick Facon, « La tragédie du Mont Cornillet », Revue historique des armées, n° 3/1975, p. 53-72.

9  SHD/DITEEX, T 1 063, fonds privé Louis Larché, p. 115.

Pour citer cet article

Référence papier

André Bach, « La mort en 1914-1918 », Revue historique des armées, 259 | 2010, 23-32.

Référence électronique

André Bach, « La mort en 1914-1918 », Revue historique des armées [En ligne], 259 | 2010, mis en ligne le 16 juin 2010, consulté le 05 novembre 2014. URL : http://rha.revues.org/6979

Auteur

André Bach

Général (2s), il est ancien chef du cours de stratégie et d’histoire militaire de l’École supérieure de guerre (1992-1993) et ancien chef du Service historique de l’armée de Terre (1997-2000). Il a publié aux éditions Tallandier : Fusillés pour l’exemple 1914-1915 (2003), L’armée de Dreyfus, une histoire politique de l’armée française de Charles X au commencement de « l’Affaire » (2004) et a dirigé et commenté, en 2009, aux éditions Italiques la publication de Marc Delfaud, Carnets de guerre d’un hussard noir de la République.

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MessageSujet: Re: La mort en 1914-1918 .   La mort en 1914-1918 . Icon_minitimeMer Nov 05 2014, 19:00

Particulièrement horrible dans certaines circonstances, ceux qui relevaient les morts et les blessés devaient avoir un mental de fer ou alors bourrés d'alcool  !




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MessageSujet: Re: La mort en 1914-1918 .   La mort en 1914-1918 . Icon_minitimeMer Nov 05 2014, 19:30

Merci pour la lecture Gustave

Oui , en effet le "VIN" sera a la fin de la Guerre , le nouvel "Ennemi" des Français
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MessageSujet: Re: La mort en 1914-1918 .   La mort en 1914-1918 . Icon_minitimeJeu Nov 06 2014, 07:45

J'ai même relue ce post d'une profonde vérité ! dans le fracas des tirs d'artillerie lourde qui pouvait ensevelir toute une escouade en même temps, et cette terre tournée et retournée des dizaine de fois avec un horrible mélange de viande humaine et animal, l'odeur terrible de la mort, que j'ai pu sentir en Algérie quand les cadavres après deux jours au soleil, éclatés  comme des baudruches et les millions de mouches! 

 INTENABLE, comme vision  !!! je comprend mieux se que pouvait endurer ces poilus de tranchées !! Respect au plus profond de moi même pour eux !!!
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MessageSujet: Re: La mort en 1914-1918 .   La mort en 1914-1918 . Icon_minitimeJeu Nov 06 2014, 10:55

Même souvenir olfactif pour mézigues, Gus', nous emportions nos morts et nos blessés, mais les fells abandonnaient leurs morts, du moins, aux vautours, chacals, hyènes etc...
Quand on passait de nouveau, après quelques jours, sur les lieux d'un accrochage l'odeur nous avertissait à l'approche et, in situ, spectacle écoeurant des corps déchiquetés, démembrés, de nos adversaires demeurés sans sépulture et qui noircissaient et gonflaient comme des baudruches... une pitié pour ces gars restés au tapis, et pas à l'honneur du FLN qui méprisait ses morts mêmes affraid ... et mutilait de plus nos frères abominablement s'il en trouvait le temps malgré nous La mort en 1914-1918 . 310541
Comme tu le fais observer: Nos poilus ont dû vraiment dérouiller douloureusement, et à la limite de la folie La mort en 1914-1918 . 73951
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MessageSujet: Re: La mort en 1914-1918 .   La mort en 1914-1918 . Icon_minitimeSam Nov 08 2014, 03:11

Citation :
Les Zigouilleurs.
C'est en vue de l'exploration des tranchées allemandes, après l'émission de gaz, que fut créée au régiment l'équipe des «zigouilleurs», de leur nom technique «nettoyeurs de tranchée». La première appellation indique quel devait être leur genre de nettoyage. Pour exécuter leur besogne, on avait doté ces hommes d'une arme comme pouvaient en avoir nos ancêtres de l'âge de fer. Si d'anciens combattants en ont gardé un spécimen, qu'ils le gardent précieusement pour l'édification des générations futures. L'arme comprenait essentiellement une tringle en fer (ou acier) de la grosseur d'un petit doigt. A une de ses extrémités, la tringle était recourbée de façon à former une poignée dans laquelle on pouvait passer la main. A l’autre extrémité, elle était aplatie au marteau et se terminait en pointe de lance. Cette arme pouvait se placer dans une gaine en bois blanc. Ces poignards primitifs disparurent sans qu'on ait su comment et sans demande d'explication de la part du Commandement.

La mort en 1914-1918 . Images?q=tbn:ANd9GcRC4H2Wq286nNzuoRXZkepo1b0Si-_2j465CPPD24Mi0qyxnwk-6g
Couteau de tranchée: le clou!
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MessageSujet: Re: La mort en 1914-1918 .   La mort en 1914-1918 . Icon_minitimeSam Nov 08 2014, 06:10

Il est vrai que nous avons des preuves que les nettoyeurs de tranchées opérés de façon systématique lors de l'avancée d'un assaut, mais pas un récit de la façon et des procédures et des attributions de cette horrible besogne ?
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MessageSujet: Re: La mort en 1914-1918 .   La mort en 1914-1918 . Icon_minitimeSam Nov 08 2014, 07:02

Je viens de visionner un site ou l'on parle des "nettoyeurs de tranchées" qui d'après un récit, avait une base d'entrainement fait par un sous-off
spécialisé dans ce genre de combat, je peux dire que dans une de mes compagnie de combat, une section s'était affinée au corps à corps, j'en connais un rescapé, qui opéré de cette façon, il s'est couvert de gloire à sa façon, car moi qui n'est qu'une étoile de bronze à ma Valeur Militaire lui dans le même temps à eu 7 citations dont une palme ! un dingue de la bagarre et un peu fou dans sa tête, il vit toujours et je voudrais le revoir en 2015 !! 
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MessageSujet: Re: La mort en 1914-1918 .   La mort en 1914-1918 . Icon_minitimeSam Nov 08 2014, 14:51

Dans les souvenirs de mon grand père j'ai retrouvé un couteau dont on me dit qu'il avait été "utilisé" dans les tranchées !!!!

Mais finalement je préfère de lui, ces souvenirs de sa guerre, que j'honore toujours

La mort en 1914-1918 . Dycora10
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MessageSujet: Re: La mort en 1914-1918 .   La mort en 1914-1918 . Icon_minitime

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