Invité Invité
| Sujet: DECEMBRE 1942 "LES COMMANDOS DE L'IMPOSSIBLE" Dim 2 Déc - 19:36 | |
| COMMEMORATION DE CE FAIT D'ARME AU VERDON/MER DIMANCHE 9 DECEMBRE 2007
Opération Frankton en détail
Au début du 2ème trimestre de l'année 1942, Lord Selborne, Ministre de la Guerre Economique, attira l'attention de Winston Churchill sur l'accroissement préoccupant du trafic des navires allemands forceurs de blocus qui, malgré les pertes qui leur étaient infligées par la Royal Navy et la R.A.F., déchargeaient à Bordeaux leurs cargaisons de latex, de métaux rares et de produits tropicaux en provenance d'Extrême-Orient, d'importance essentielle pour l'industrie de guerre du Reich et embarquaient des machines outils et des pièces destinées à l'industrie aéronautique livrées aux usines d'armement japonaises.
Le Premier Ministre chargea Lord Louis Mountbatten, Commandant en chef des Opérations Combinées de préparer un plan d'intervention. Une opération amphibie de grande envergure ayant été écartée d'emblée et Anthony Eden, Ministre des Affaires Etrangères s'étant opposé au bombardement du Port par les avions de la R.A.F., trop de vies humaines étant en jeu, la décision fut prise de recourir à une attaque par des commandos contre les forceurs de blocus à quai au sein même du Port Autonome de Bordeaux.
Cette mission allait être confiée à une unité spéciale du Corps des Royal Marines, le « Royal Marines Boom Patrol Detachment » constituée à l'initiative du Major Herbert G. Hasler, surnommé 'Blondie', qui allait être désigné par Lord Mountbatten comme commandant du commando. L'opération avait reçu le nom de code (sans signification) de 'Frankton'.
Sous couvert d'un entraînement de routine à la protection des installations portuaires , le RMBPD composé de deux sections allait préparer dans le plus grand secret une opération extrêmement risquée. A l'exception d'Hasler, aucun des membres du commando ne sut la destination ni le but de la mission avant d'être embarqué à bord du sous-marin.
Sélectionnés au sein de la lère section , 6 équipages de deux hommes à bord de six kayaks de mer (Cockle Mark H) mis au point par le Major Hasler et l'ingénieur Goatley seraient mis à l'eau à proximité de l'embouchure de la Gironde. Ils remonteraient le fleuve à la pagaie, se cachant de jour et naviguant au compas de nuit. Après avoir identifiés leurs cibles le long des quais, ils poseraient des mines « limpets » (arapèdes) à adhérence magnétique sous la ligne de flottaison des forceurs de blocus allemands dont les services de renseignements anglais savaient à quelle date ils seraient amarrés à quai à Bassens et à Bordeaux, sans qu'aucun membre de la Résistance eut jamais su à quoi serviraient ou à qui étaient destinées les informations recueillies et transmises aux services secrets à Londres.
Aucun recueil n'étant possible après l'attaque, ils redescendraient la Gironde en kayak jusqu'à la hauteur de la ville de Blaye, saborderaient leurs bateaux et tenteraient de rejoindre à pied la ville de Ruffec, distante de 160 km, d'où une filière d'évasion britannique dépendant du MI9 pourrait prendre en charge leur évasion vers l'Espagne, avec le concours de Résistants français.
Personne n'avait été informé de leur mission ni à Bordeaux, ni à Ruffec. Dans la soirée du 7 décembre 1942, le sous-marin britannique H.M.S. Tuna, sous les ordres du Lieutenant Raikes, alors âgé de 28 ans, mit cinq kayaks à l'eau au large de Montalivet. Dans l'ordre de mise à la mer :
Catfish ( Poisson-chat) : Major Hasler (Chef du Commando), Marine William E. Sparks.
Cuttlefish (Seiche) : Lieutenant John MacKinnon (Cdt en second), Marine James Conway.
Crayfish ( Ecrevisse) : Corporal A. S. Laver, Marine W.N. Mills.
Cachalot (Cachalot) : Marine Ellery, Marine Fisher.
Coalfish (Morue noire) : Sergeant Samuel Wallace, Marine Robert Ewart.
Conger( Congre) : Corporal George Sheard, Marine David Moffatt Le flanc déchiré au passage du panneau d'accès à la chambre des torpilles avant du Tuna, où il avait été stocké durant la traversée, le Cachalot dut être rembarqué avec son équipage. Peu après 20 h, les cinq kayaks s'éloignèrent en formation, sous le commandement du Major Hasler en direction de la Pointe de Grave.
Vers minuit, au franchissement du ressac très dangereux même par temps calme sur les hauts-fonds au large du phare St-Nicolas, le kayak « Coalfish » chavira et le contact fut perdu avec le Sergent Wallace et le Marine Ewart.
Une demi-heure plus tard, ce fut au tour du « Conger » (Caporal Sheard et Marine Moffat). Cette fois, les deux R.M. purent être repérés et après sabordage du Conger, ils furent remorqués dans l'eau glaciale accrochés au « Catfish » (Hasler et Sparks) et au « Crayfish » (Laver et Mills). La mission étant primordiale, Hasler dut les abandonner au plus près du rivage après avoir passé la Pointe de Grave.
Les trois kayaks restants poursuivirent leur route portés par la marée montante vers le Verdon. Ils furent obligés de prendre leurs distances pour passer entre le môle et quatre bâtiments ennemis ancrés à quelques encablures. C'est à ce moment là que le contact fut perdu avec le « Cuttlefish » (Lieutenant Mackinnon et Marine Conway).
Le jour se levait quand les deux derniers kayaks, « Catfish » et « Crayfish », trouvèrent à la Pointe aux Oiseaux un abri où ils purent se dissimuler pour la journée dans les roseaux bordant la rive, à proximité de St-Vivien du Médoc. Ils continuèrent leur route durant la nuit du 8 au 9 vers le Port des Callonges, puis vers l'île Cazeau ( nuit du 9 au 10 ) à la faveur de l'obscurité et portés par le courant de marée. Le 11 décembre à l'aube ils trouvèrent enfin, sur la rive gauche du fleuve en face de Bassens, un endroit pour se cacher, se reposer et préparer l'attaque. Dans la nuit du 11 au 12 décembre, les équipages des deux derniers kayaks s'engagèrent dans la dernière phase de leur mission : le « Catfish » suivit la rive gauche jusqu'aux quais de Bordeaux et réussit à fixer ses mines sur trois grands navires et un pétrolier à l'amarre le long du quai ;Ie « Crayfish » traversa la Garonne vers Bassens et fixa ses mines sur deux navires à l'amarrage.
Mission accomplie, entre minuit et une heure du matin le 12 décembre, les deux équipages entamèrent leur repli. Ils se rejoignirent miraculeusement dans l'obscurité au Sud de l'Ile Cazeau. Portés par le courant, ils firent route ensemble, longeant la rive droite du fleuve. A 1.500 m environ au Nord de Blaye, les deux équipes se séparèrent par mesure de prudence pour aborder à environ 400 m l'une de l'autre à la hauteur de St-Genès de Blaye. Us ne devaient jamais se revoir. Il était entre 3 h 30 et 4 heures du matin et il ne leur restait que 3 à 4 heures d'obscurité, quand ils entamèrent leur repli à pied par des itinéraires différents, pour tenter d'atteindre Ruffec, à 160 km de leur point de débarquement.
A partir de 07h00, les crayons retards mirent à feu successivement les mines limpets . A Bassens, l'«Alabama» et le «Portland», minés par Crayfish, furent gravement endommagés. Attaqués par Catfish, Quai Carnot à Bordeaux, le « Dresden », le «Tannenfels» commencèrent à s'enfoncer le long des quais auxquels leurs amarres les retenaient. Un 5eme bateau, le pétrolier Cap Hadid prit feu. Les limpets posées sur la coque d' un 6eme navire, le Sperrbrecher n° 5 (Patrouilleur allemand) se détachèrent et explosèrent sur le fond sans dommage pour la cible. Les explosions des mines se succédèrent de 7 heures jusqu'à la mi-journée causant la confusion et le désordre chez l'ennemi. La compagnie des pompiers du Port Autonome au sein de laquelle l'ingénieur TPE Raymond Brard responsable de la sécurité du port et fondateur du Club des Girondins, avait placé une équipe de résistants, intervint immédiatement sous le Commandement du Commandant Paduch à la requête du HafenKommandant. C'est au cours de leur intervention que les pompiers, inversant l'action des pompes mises en batterie réussirent, sans être inquiétés, à aggraver la gîte des bâtiments les plus atteints.
Hasler et Sparks, aidés au long de leur route par des Français courageux, comme la famille Pasqueraud qui les hébergea une nuit à Napres entre St Preuil et Lignières, furent les seuls à atteindre Ruffec. Ils choisirent d'entrer au jugé, vers 13 h 30 le 18 décembre 1942, dans le restaurant « La Toque Blanche », où ils eurent la chance d'être accueillis par M. René Mandinaud, sa femme et ses soeurs, une famille de Français patriotes. M. Mandinaud prit contact avec M. Jean Mariaud.
Ce dernier organisa le passage des deux fugitifs dans l'ex zone libre après consultations successives de M. Paille ancien professeur en Angleterre qui confirma leur nationalité et de Mme Marthe Rullier qui alerta le passeur. Le 19 décembre, Hasler et Sparks, furent conduits en camionnette par M. René Flaud, boulanger, près de Benest, à proximité de la ligne de démarcation, toujours gardée par les Allemands . M. Fernand Dumas, le passeur, les conduisit à la ferme Marvaud où ils allaient être hébergés pendant 41 jours chez M. et Mme Armand Dubreuille.
Ils auraient dû être remis dans les deux jours suivant leur arrivée à Marvaud à Mary Lindell, alias «Marie Claire», Comtesse de Milleville par son mariage, qui connaissait les Dubreuille. Marie-Claire était un agent du MI9, organisation faisant partie des services secrets Britanniques, spécialisée dans l'aide à l'évasion et le rapatriement des personnels militaires en Angleterre.
Grièvement blessée dans un accident, sans contact radio, elle ne put être jointe par Armand Dubreuille qu'après plusieurs semaines de silence. Elle arriva enfin à Marvaud et c'est son fils Maurice de Milleville, âgé de 18 ans qui accompagna les deux fugitifs par le train de Roumazières à Lyon. Leur évasion se poursuivit jusqu'à la frontière espagnole via Marseille et Perpignan. Arrivés en Espagne, les deux survivants furent pris en charge par l'Ambassade à Madrid, d'où ils furent conduits à Gibraltar. Hasler regagna l'Angleterre par avion le 3 avril 1943 et Bill Sparks fut ensuite rapatrié par un transport de troupes.
Le Sergent Wallace et le Marine Ewart, capturés le 8 décembre 1942 au lever du jour furent fusillés sur ordre de l'Amiral Julius Bachmann dans la nuit du 11 au 12 décembre après de longs interrogatoires sans avoir parlé. Leur exécution eut lieu au château du Dehez ( aujourd'hui Château Magnol) à Blanquefort.
Le corps du Caporal Sheard, probablement noyé dans la nuit du 7 au 8 décembre, ne fut jamais retrouvé et celui de son coéquipier le Marine Moffatt fut découvert le 17 sur la plage de Bois en Ré.
Le Lieutenant Mackinnon et le Marine Conway, ayant poursuivi seuls leur route sur la Gironde atteignirent l'Ile Cazeau puis le Bec d'Ambès où leur embarcation coula, après avoir éperonné un obstacle sous-marin. Ils se replièrent jusqu'à Cessac où un couple de Français, M. et Mme Jaubert les hébergèrent 3 jours. Après avoir quitté leurs hôtes, ils cherchèrent à gagner l'Espagne. Capturés par la gendarmerie française près de La Réole, le 18 décembre, ils furent remis aux autorités allemandes qui les emmenèrent à Bordeaux.
Le repli de Laver et Mills s'acheva près de Montlieu - La Garde où ils furent dénoncés, arrêtés par la gendarmerie qui les remit aux autorités d'occupation. Enfermés à Bordeaux avec Mackinnon et Conway, puis transférés à Paris au début de janvier, tous les quatre furent exécutés le 23 mars 1943. Gardés en vie pendant trois mois, sans doute parce que les services de renseignement allemands cherchaient à savoir par qui ils avaient été aidés durant leur repli, le Caporal Laver RM, le Marine Mills, le lieutenant Mackinnon RM et le Marine Conway moururent sans avoir parlé.
L'exécution des six Royal Marines pris en uniforme, en application de la directive secrète d' Hitler du 18 octobre 1942 concernant les commandos, constitue un crime de guerre dont l'Amiral Raeder eut à répondre au procès de Nuremberg en 1946 et l'Amiral Bachmann au procès d'Hambourg en 1948.
GRAND RESPECT POUR CES HOMMES QUI SE SAVAIENT SACRIFIES |
|
Aokas Admin
Nombre de messages : 4031 Age : 83 Date d'inscription : 23/06/2007
| Sujet: Re: DECEMBRE 1942 "LES COMMANDOS DE L'IMPOSSIBLE" Lun 3 Déc - 8:42 | |
| Merci Charognard33, de nous rappeller cet épisode assez méconnu, et oublié, dont fut tiré un film...
une fois de plus on voit la gendarmerie à l'oeuvre,
et de vrais patriotes !
honneur à ces héros !
:salut2: ___________________________________ ____________________________________Aokas 14ème RCP - 9ème RCP AFN 194658 | |
|
Invité Invité
| Sujet: Re: DECEMBRE 1942 "LES COMMANDOS DE L'IMPOSSIBLE" Lun 3 Déc - 13:01 | |
| meci charognard de rendre hommage à ces hommes !!!!! malheureusement, il y a pleins de héros dont l'histoire a oubliée de raconter les actes !!!!! à tous ces hommes !!!!!! |
|