Andràs Toma, le dernier prisonnier de guerre libéré en 2000
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Alexderome Admin
Nombre de messages : 8541 Age : 58 Emploi : A la recherche du temps perdu Date d'inscription : 22/10/2010
Sujet: Andràs Toma, le dernier prisonnier de guerre libéré en 2000 Lun Aoû 07 2023, 22:37
Andras Toma est né à Újfehértó, le 5 décembre 1925. Capturé en 1945, il est emprisonné dans un camps près de Leningrad : Boksitogorsk. Transféré dans un hôpital psychiatrique où il est "oublié" pendant 55 ans. Libéré en 2000, il retrouve Budapest qu'il n'avait pas revue depuis 1944. Ne parlant pas russe et ses geôliers le hongrois, il s'est enfermé dans un mutisme pendant 55 ans. Il meurt le 30 mars 2004 à Nyíregyháza. ALEX
« Je ne veux pas me faire ficher, estampiller, enregistrer, ni me faire classer puis déclasser ou numéroter. Ma vie m’appartient ». N°6 Le Prisonnier
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Alexderome Admin
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Sujet: Re: Andràs Toma, le dernier prisonnier de guerre libéré en 2000 Lun Aoû 07 2023, 22:49
Un article à son sujet de Libération
Des test ADN ont confirmé l'identité du soldat hongrois. par Claude KOVACS publié le 6 octobre 2000 à 5h07
Budapest de note correspondante
La saga d'Andras Toma qui a passionné la Hongrie s'achève enfin, après une enquête quasi policière menée par les médecins et le ministère de la Défense. Les recherches n'ont pas été faciles car cet homme de 75 ans, un prisonnier de guerre interné cinquante-trois ans dans un asile russe, souffre partiellement d'amnésie. Ce sont finalement des tests ADN réalisés sur un demi-frère et une demi-soeur de l'ex-prisonnier qui ont permis de confirmer son identité, a annoncé hier Andras Veer, directeur de l'Institut national neurologique et psychiatrique de Budapest.
Andras Toma n'est qu'une recrue de 24 ans, membre des troupes hongroises combattant au côté des nazis sur le front slovaque, lorsqu'il est capturé par les Russes en 1944. La Hongrie a choisi le camp d'Hitler car elle espère récupérer ses territoires perdus à l'issue de la Première Guerre mondiale. Détenu trois ans dans un camp en Russie, le jeune magyar est transféré en 1947 dans un hôpital psychiatrique de Kotelnich, à l'ouest de l'Oural (à 1 500 km de Moscou).
Barrage de la langue. Beaucoup ont été jetés arbitrairement dans les hôpitaux psychiatriques mais «un rapport médical montre qu'Andras souffrait vraiment d'anxiété et de problèmes psychologiques», relate le Dr Veer. S'il moisit aussi longtemps à Kotelnich, c'est aussi parce que le soldat parle une langue que personne ne comprend le hongrois n'appartient pas aux langues slaves mais finno-ougriennes. Le hasard veut que, cette année, un médecin slovaque, maîtrisant le magyar, visite l'établissement. L'hôpital a contacté les autorités hongroises et Andras Toma a été rapatrié en Hongrie le 12 août dernier. Il n'a plus de papiers d'identité et ne se souvient pratiquement de rien. «Il a été coupé du monde pendant 53 ans, isolé, sans sollicitation extérieure, sa communication a été réduite à zéro», explique le Dr Veer dont l'équipe entreprend aussitôt une thérapie. Les médecins administrent des psychotropes au patient et passent de longues heures à dialoguer avec lui. Et la mémoire d'Andras Toma revient par bribes. Certes, à 75 ans, ce vieil homme souriant n'a pas retrouvé toute sa tête. Obsédé par une amputation subie en Russie, il salue chaque visiteur d'un «Rends-moi ma jambe!». Pêle-mêle, une foule de souvenirs reflue néanmoins à la surface: la guerre, sa jeunesse chez un forgeron, le nom de son instituteur... Il sait qu'il se trouve en Hongrie mais a du mal à se situer dans le temps. Il parle toujours du pengö, la monnaie hongroise de l'entre-deux-guerres, et s'écrie «c'est du cinéma» lorsqu'on lui montre une télévision. Andras fait toutefois des progrès spectaculaires et cite les prénoms de sa mère, de sa soeur et de plusieurs villages.
D'autres détenus. Le fil conducteur guide les thérapeutes, ainsi que l'administration qui épluche tous les registres, jusqu'à la famille du prisonnier. Convaincu qu'il reste encore d'anciens détenus hongrois dans les asiles, le Dr Veer prépare un voyage en Russie. «En octobre, l'hôpital de Kotelnich célébrera son 90e anniversaire. Son directeur m'a promis d'y convier les directeurs de tous les établissements de la région.» La quête ne sera pas facile car les prisonniers de guerre transférés dans des instituts psychiatriques ont été immédiatement effacés des registres. «En 1959, un recensement a eu lieu en Russie, qui incluait aussi les malades. Nous avons demandé ces données à l'Office russe des statistiques mais on nous a répondu que c'était contraire au règlement», souligne le psychiatre. Selon l'historien Janos Bus, plus de 200 000 soldats hongrois sont toujours portés disparus depuis la Seconde Guerre mondiale. «La grande majorité sont morts, notamment au goulag. Il y a une énorme recherche à faire sur ce sujet mais s'il y a des soldats toujours vivants en Russie, ils ne sont guère plus d'une centaine», estime le chercheur. L'histoire de Toma ravive chez certains le fol espoir que Raoul Wallenberg vive encore. En poste à Budapest, le diplomate suédois sauva des milliers de personnes des camps de la mort, avant de disparaître, exécuté en Hongrie ou transporté au goulag. Il aurait aujourd'hui 88 ans.