LES SUCCES DE DAESH SONT SURTOUT MEDIATIQUES.

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[size=42]Les succès de Daech sont surtout médiatiques[/size]

Le Monde.fr |  22.10.2015 à 13h22 • Mis à jour le 22.10.2015 à 13h

Par Gérard Chaliand

Où en est la situation militaire en Irak et en Syrie depuis les débuts des bombardements américains et alliés ? On se souvient que les forces irakiennes entamaient sans combattreune fuite précipitée de Mossoul en juin 2014. Daech, sur sa lancée, investissait le Sinjar, y faisait régner la terreur, puis pénétrait en territoire kurde. Les peshmergas, surpris, mal équipés, ne connaissant pas ce type de conflit direct, cédaient du terrain jusqu’à l’intervention américaine. Entre-temps Abu Bakr al Bagdadi en profitait pour s’autoproclamer Calife et bénéficiait d’un afflux de volontaires, traversant sans mal une frontière turque ouverte. Daech par contre devant la détermination des combattants kurdes de Syrie ne parvenait pas à l’emporter à Kobané.
En Irak, Daech tient à l’heure actuelle la partie sunnite du pays, représentant quelques 20 % de la population ; celle-ci, réprimée par l’Etat chiite de Bagdad, accueillait Daech en libérateur. Depuis, l’unique avancée territoriale de ce mouvement est la prise de Ramadi, une ville sunnite. La propagande des islamistes en direction des jeunes est un succès en milieu sunnite. On voit mal comment d’autres villes que Tikrit pourraient être investies par l’armée ou les milices chiites. Les Kurdes qui connaissent par ailleurs des dissensions et une situation économique difficile, se partagent de entre un nord tourné vers la Turquie, et un sud lié à l’Iran. Avec huit régions militaires - l’auteur de ces lignes s’est rendu au front dans trois d’entre elles, Gwer, Kirkouk et face à Moussol -, tiennent un front d’un millier de kilomètres. Aucune des tentatives de percée de Daech n’a été un succès.

Stabilisation des fronts

On est là sur une ligne statique qui grâce au concours de l’aviation alliée et un meilleur armement livré aux kurdes, ne peut être enfoncée. La situation en Irak est celle d’un partage de facto entre pouvoir de Bagdad, les Kurdes et Daech qui ne peut améliorerterritorialement sa position. En Syrie, Le Daech tient la ligne de l’Euphrate, avec pour épicentre Rakka, mais il a du céder Tel Abyad aux Kurdes de Syrie qui se préparent désormais, épaulés par des éléments arabes et par l’aviation américaine, à prendrel’offensive vers Rakka.
Les Kurdes de Syrie se révèlent un allié efficace et précieux pour les Américains comme pour les Russes. Ces derniers entendent appuyer les Kurdes de Syrie à mener une autre offensive vers l’Ouest, en damant le pion à la Turquie qui veut y installerune zone de non-survol destiné à empêcherles Kurdes syriens d’obtenir une continuité territoriale. L’avancée de Daech vers Palmyre, unique succès depuis août 2014 en Syrie, a été spectaculairement exploitée, mais n’est pas stratégiquement importante. Il faut insistersur le fait qu’en Syrie Daech, dont le noyau est irakien (issu de la guerre américaine de 2003 visant à remodeler le Grand Moyen Orient), ne contrôle qu’une vaste région désertique sous-peuplée.
Les volontaires enrôlés chez Daech sont issus de pays arabes et musulmans, parlent mal ou pas l’arabe usité en Syrie. Les mouvements baptisés par la presse, surtout anglo-saxonne, « forces de l’opposition » sont syriens et opèrent dans la Syrie « utile » et fortement peuplée. Ce sont ces mouvements qui reçoivent actuellement les aides multiformes fournies par la Turquie, l’Arabie Saoudite et le Qatar, et ce sont ceux-là surtout qui ont été récemment visés par la Russie, préparant ainsi une contre-offensive du régime vers Alep. On voit mal pourquoi depuis la proclamation du Califat par Daech ces mouvements islamistes radicaux seraient devenus respectables.
Les Américains ont cessé début octobre de tenter de former des combattants « démocratiques », l’entreprise ayant échouée à grands frais. Le triomphe de Daech est médiatique. Usage efficace des réseaux sociaux ; usage de la terreur sur le terrain destiné à impressionner l’adversaire avant même le choc et surtout depuis un an : théâtralisation de l’horreur où, enfants d’Hollywood dans la version des films d’horreur ils ont fait un retour au passé historique de l’époque où l’on montrait l’horreur pour terrifier. Nos médias, ont offert, à travers l’Europe et l’Amérique du nord toute la publicité dont avait besoin Daech pour s’imposer. Après avoir, par la création du Califat éclipsé Al Quaïda, Daech est devenu l’épouvantail de l’islamisme radical officiel. Quelles que soient les opinions qu’on peut avoir sur l’imbroglio syrien, où cohabitent des alliés ambigus aux agendas contradictoires, les objectifs locaux de Vladimir Poutine ont le mérite de la cohérence. Le régime de Bachar Al Assad n’en devient par défendable moralement pour autant, mais où dans cette affaire se situe la morale ?
Gérard Chaliand est géostratège, son dernier ouvrage est Histoire du terrorisme, de l’Antiquité à Daech, codirigé avec Arnaud Blin, Fayard, 836 p., 24 €


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