Avant les Parachutistes, mon adolescence L'occupation allemande Je suis né de père Breton de Quimperlé et de mère originaire des Charentes, le 15 septembre 1936, à mille mètres de l'Océan Atlantique, dans un petit village des environs de La Rochelle,( Nantilly), rattaché à la commune de Marsilly. La mer, les marins, les parcs à huitres,, les bouchots( culture de moule), tout les paysages côtiers, je les connais très bien.
A la maison, les enfants sont très près de la mère, un frère aîné de 10 ans et trois sœurs intermédiaires, voilà de quoi occuper une journée à la campagne pour une maman, surtout en temps de guerre.
J'avais sept ans, et je me souviens m'être rendu à la caserne allemande, les soldats cantonnés dans un château en lisière de village pour voir se qui s'y passait. C'était l'odeur des cuisines qui m'attirait, la nourriture se faisait rare à la maison, la viande, le lait, les œufs, étaient pour les officiers allemands
J'ai connu l'occupation allemande et les privations, j'allais rôder autour de la popote où un vieil Allemand et un Polonais, s'affairaient aux cuisines. Je m'étais fait un ami du vieux cuisinier teuton, qui avait le même prénom que moi prononcé dans la langue de Goethe( Gustaf), d'où une certaine complicité. Il me donnait du chocolat provenant de boîtes de rations rondes allemandes, qu'il ouvrait devant moi tout étonné de voir cela. Nous étions tant privés mes sœurs et moi de toutes ces bonnes choses; Un brave type que cet homme, malgré nos différends. Il avait certainement l'âge de la retraite et aurait pu être mon grand-père.
Les bombardements grondaient sur la côte, les vagues d'avions venant d'Angleterre, pilonnaient les fortifications atlantique, les blockhaus(1), la base sous-Marine de la Pallice-Rochelle(2), abritant les sous-marins de poche qui torpillaient les navires de commerce, parfois les bombes étaient larguées n'importe ou(3), jusqu'aux alentours de mon village.
L'alerte finie, ma mère et deux de mes sœurs n'hésitaient pas à aller à la recherche de gibier, lapins, lièvre foudroyés par le souffle de l'explosion des bombes. C'étaient plusieurs repas d'assurés en viande dont nous manquions terriblement à cette époque.
Il faut préciser que les armes étant prohibés et les champs minés autour des fortifications du" Mur de l'Atlantique" , les lapins et autres gibiers pullulaient dans ces zones.
Ma mère a réussi en 1944 à faire passer des prisonniers en clandestinité, aviateurs abattus par la Flack allemande ou autres. Ils étaient détenus dans une ferme transformée en camp de prisonniers à 500 mètres de notre maison. Avec ma cousine(4), ma mère récupérait un évadé et le remettait au réseau de résistants. Elle n'a jamais demandée une récompense à la fin de la guerre, pour elle, c'était son devoir.
J'ai donc grandi avec la guerre et le sentiment du devoir et de l'obéissance, j'ai connu la faim, la peur et le dénuement des plus pauvres, les fermiers réservant leurs produits de la ferme aux officiers allemands. Nous n'avions que nos yeux pour pleurer.
J'ai fait des bêtises comme tous les gosses confrontés à cette période trouble. J'avais trouvé des fusées provenant des blockhaus abandonnés(5) à la fin de la guerre, des plaquettes de poudre que l'on s'amusait à mettre au sol formant un dessin ou un nom et l'on y mettait le feu, cela faisait une trainée noire indélébile au sol, les fusées provenant de stock non gardés. Ces fusées éclairantes contenaient un parachute servant a faire descendre doucement la luciole dégageant une lumière vive. J'avais vidé une fusée de son contenu et coincé la fusée entre deux cailloux, avec un marteau et une pointe j'ai fait péter l'amorce recevant la douille dans la figure, les yeux brulés par un reste de poudre, laissant ma mère dans un affreux doute.
A 9 ans, les galoches aux pieds, j'allais à l'école communale distante de près de trois kilomètres. Entre mon père et ma mère, le torchon brûlait; la séparation fut un coup dur, un déménagement s'ensuivit à dix kilomètres de mon village, dans un hameau d'une centaine d'habitants au lieu dit « le Payaud »partagé entre trois communes, Saint-Xandre, Puilboreau,et Nieul-sur-Mer. En été comme en hiver je faisais trois kilomètres et demi pour rejoindre l'école de Saint-Xandre, parfois plus quand je n'avais pas de casse-croute, en culotte courte dans l'hiver rude de 1946. Bof ! J'étais jeune.
Quand vint l'année du certificat d'étude primaire en 1949, j'avais 13 ans. Mon frère de dix ans mon ainé(6), naviguait sur un pétrolier de la compagnie Shell, il partait faire des chargements de fioul dans le golf Persique à Koweït en passant par le canal de Suez et revenait décharger la cargaison dans les centres de raffinage français.
Je lui ai écrit en lui annonçant mon CEP prochain il me répond: «
Moi qui n'ai pu aller à l'école bien longtemps, si tu réussis ton examen je t'offre un vélo de course ! » j'ai buché pour l'avoir et j'ai eu mon vélo.
Pendant ce temps la guerre est finie, j'entre dans la vie active en faisant un apprentissage d'ardoisier-couvreur et par la même occasion de plombier-chauffagiste dans une grosse entreprise Rochelaise. En 1952 je fini mon apprentissage et devient ouvrier à 16 ans et demi.
Les Américains nous apportent du travail par leurs bases édifiées tout autour de La Rochelle. Je parcours été comme hiver les 13 kilomètres qui me séparent de mon lieu de travail, avec un repas dans une gamelle a deux compartiments pour le midi que me prépare ma mère aux petits soins pour moi.
La guerre d'Indochine entre 1950/51 bat son plein, les viets communistes sont devenus hargneux, équipés, encadrés par des Chinois, la guerre monte en puissance, mon cousin devenu Parachutiste, se bat dans ce pays du bout du monde.
Je rêve de faire comme mon frère, marin au commerce au long court, voir d'autres paysages, d'autres monde, l'aventure en somme. Je reçois des cartes postales de Bornéo, et même du Japon ou la Shell Internationale a des filières , également d'Égypte en passant par le canal de Suez, sans me douter qu'en 1957 j'y serai à quelques encablures, et du fait, de voir la statut de Ferdinand de Lessep, qui disparaitra dynamitée par les Égyptiens de Nasser.
Je m'inscris aux Affaires Maritimes(7), pour naviguer et je fais la connaissance d'un patron pêcheur qui veut bien me prendre à temps partiel le samedi et le dimanche sur son petit bateau de pêche comme mousse, pour justifier d'un fascicule de pêche auprès de l'Inscripteur Maritime de La Rochelle.
Je deviens au grès des marées, mousse puis novice sur une pinasse(8) de 8/10 mètres de long, tout en conservant mon métier. La pêche aux poissons côtiers: raie, bar, sol, anguille, roussette, dorade et j'en passe … Travail très dur par tout les temps et toute saison, cela devait m'ouvrir les portes pour un embarquement sur un gros bateau. Cela dura deux ans, pendant que les copains allaient voir un film ou faisaient du sport, moi je travaillais d'arrache-pied.
Je stoppais là cette aventure pénible ayant mes deux ans de navigation nécessaire pour justifier un embarquement à la Société Shell.(9).
Je m'inscris dans un club de judo et d'haltérophilie de La Rochelle pour parfaire ma musculation, ces deux sports me plaise. Avec mes 1m59 et 64 kg, ces deux activités sportives m'on apporté de l'assurance et du muscle, endurci par deux ans de navigation et mon travail à grande hauteur d'ardoisier. J'ai 17 ans et passe mes ceinture en judo jaune, orange, verte, et bleu(10), je développe 85 kg aux haltères, ne fume pas ni ne boit.
Nous parlons avec les copains des évènements d'Indochine et d'Algérie, en 1954 nous avions pour la plus part , un parent ou un voisin appelé ou engagé à l'armée, pour ma part mon frère s'était engagé en 1944 dans les fusiliers Marins à la base d'Hourtin et avait fait le coup de feu dans la poche de Royan une des dernières résistances allemandes . Devenu un ouvrier je change de patron pour un meilleur salaire que je laisse à ma mère, je lui dois bien cela pour les sacrifices consentis.
Nous parlons entre copains de nos problèmes, déjà les histoires de cœur, les filles, les accrochages à la maison, beaucoup de familles sont des ménages recomposés, un qui, ne s'entend pas avec la femme avec laquelle son père a refait sa vie ou bien un beau-père comme le mien, et puis nous sommes en crise de puberté, susceptibles, comme tout les jeunes. C'est mon cas: ma mère a refait sa vie avec un veuf de trois enfants, deux sont mariés le troisième et de deux ans mon ainé.. De ce remariage deux demi-sœurs sont venues grossir la famille, plus jeunes de 9 et 10 ans ce sont mes petites sœurs.
Avec ce beau-père rien ne va plus, il est gentil avec ma mère, mais je n'ai pas la préférence loin de là, la cassure s'agrandit de jour en jour. Avec un copain, nous allons voir le bureau de recrutement des Troupes Aéroportées à titre de renseignement. Nono(11) avec qui j'ai fraternisé, n'arrête pas de me raconter des aventures parachutistes, je finis par me laisser convaincre de ses beaux discours. J'ai suivi à la radio les événements de 1954 en Indochine, la chute de Diên Biên Phu, un désastre, la capitulation de nos forces et le retour honteux de nos pauvres soldats, traités comme des pestiférés par la horde de cocos à Marseille. J'ai envie d'aventures et les Parachutistes m'attirent c'est l'occasion ou jamais ! Alors ! GO!..
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(1)les blockhaus: de l'Atlantique truffés de leurs masses de béton les cotes du paysage marin Charentais.
- base sous-marine d'ou partaient les sous-marins de poches attaquant les convois de bateaux alliés.
- Cette cousinne fut l'instigatrice de récupération d'évadés.
- Ces blokhaus remplit de munitions étaient faciles d'accés pour nous les gosses.
- Mon frère Albert, finit sa carrière comme officier responsable des chargements et déchargement sur des 300 000 tonnes.
(6)canal de Suez, que mon frère traversa des dizaine de fois, lorsque Nasser interdit le canal pour aller chercher ce pétrole il fallait contourner l'Afrique par le Cap de Bonne Espérance pour joindre le Golf Persique.
(7)Affaires Maritimes: service de la Marine délivrant un fascicule donnant le droit de naviguer.
(8)pinasse: bateau ne possèdant pas de cabine de pilotage.
(9)Shell Internationale : gros groupe pétrolier mondial avec une flotte de gros porteurs allant jusqu'à des 500 000 mille tonnes de fioul transportés.
(10)je repris le judo en revenant de l'armée et termina ceinture marron, ayant trouvé un travail dans une usine aéro-naval avec un logement de fonction je faisait parfois 80 heures par semaine ( je souris avec les 35 heures).
(11) Nono: qui rempila en 1958 ce trouva avec les événements dans l'OAS, eut pleins de problèmes avec la justice , et sombra dans l'acool, il mourut jeune encore détruisant sa vie.