Les premiers combats autour de la Tête des Fauxsource : document pdf : http://cse-hindisheim.info/downloads/Faux.pdf
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Durant les premiers mois du conflit, surtout en août et en septembre, le mouvement prédomine et les troupes se déplacent sur les massifs, dans es vallées. La Tête des Faux est au départ une cime parmi d’autres mais sa situation dominant le col du Bonhomme sur lequel se focalisent les adversaires, révèle rapidement son importance.
Le 8 août le général Dubail, ordonne au 21e C.A. de s’emparer des cols de Ste-Marie-aux-Mines et du Bonhomme. L’opération doit être réalisée par des éléments de la 43e D.I. Le général Pillot, commandant de la 85e brigade est chargé de l’attaque du col de Bonhomme. Il dispose du 158e R.I., d’un groupe du 12e R.A. et d’un escadron du 4e régiment de chasseurs à cheval. Ces troupes débouchent de Fraize le 9 à 11 heures,prennent le col et s’y retranchent, faisant face à la 39e I.D. Le village du Bonhomme ne peut être occupé par les Français qui subissent des tirs violents de l’artillerie lourde allemande. Le 13 août, le 14e C.A. (27e et 28e D.I.) tente de déboucher des cols de Sainte-Marie et du Bonhomme pour préparer ses bases de départ en vue d’une offensive générale prévue à partir du 14 par le général Dubail. Celle-ci programme une poussée du 21e C.A. dans la vallée de la Bruche et une progression du 14e C.A. en direction d’un côté de Villé-Barr et de l’autre de Lapoutroie puis de Kaysersberg. L’instruction particulière n°5 de la 1er armée au 14e C.A. prescrit : « Il faut que vous réussissiez à rendre inviolable le massif des Vosges entre le Champ du Feu et la région de Louschbach ». Au col du Bonhomme, le groupement du général Sorbets est constitué de deux bataillons du 75e R.I., du 7e B.C.A. et un groupe d’artillerie.
Ces unités progressent en direction de la Tête des Faux et de la cote 933, au nord du village du Bonhomme. Elles rencontrent des ouvrages semi-permanents allemands devant lesquels ont été préparées des fougasses.
Le 28, les 1re et 2e b. gem. L.Br., la 51e gem. L.Br. du generalmajor von Frech et l’Abteilung du generalleutnant von Ferling avancent en direction des vallées de la Fecht et de la Weiss. Le b. L.I.R. 3 combat entre Bennwihr et Ingersheim alors que le b. L.I.R. 12 est en arrière le long de la Weiss. Le général Bataille est obligé de replier ses troupes sur une ligne Lapoutroie-Giragoutte-Wihr au Val-Soultzbach. Le 28 au soir, le 12e groupe alpin occupe Lapoutroie et le 28e Orbey.
Le 1 septembre les troupes allemandes reprennent leur assaut sur une ligne Lapoutroie-Wihr au Val par les vallées de la Fecht et de la Weiss, et par la crête Trois Epis-Hohnack qui sépare ces vallées. Les troupes du general major von Frech progressent dans la vallée de Munster en direction de la Schlucht tandis que les 1re et 2e b. gem. L.Br. placées sous le commandement du generalmajor Eichhorn, chef de la 1re brigade, avancent vers Orbey et Lapoutroie en direction du col du Bonhomme et du lac Blanc. Deux Cies du 28e B.C.A. occupaient Hachimette et Lapoutroie. Elles se replient en combattant à Orbey et au Remomont face à des avantpostes du b. L.I.R. 3, alors que l’essentiel du bataillon recule sur le col du Wettstein. Le III./L.I.R. 12 entre à Hachimette (Eschelmer). Deux Cies du 30e B.C.A. sont envoyées du Bonhomme sur Lapoutroie en soutient du 28e et stoppent la progression allemande vers l’ouest. Le 3, des éléments avancés de la 2e b. gem. L.Br. sont chargés de progresser en direction du Lac Blanc. La 6e L.D. a donné l’ordre de suivre le repli ennemi avec pour intention de passer la frontière vers l’hôtel du Lac Blanc. Les Français occupent encore le fond de vallée jusqu’à l’ouest d’Orbey et de Tannach.
Les troupes bavaroises se déploient sur les hauteurs sud-est de ces villages. L’Abteilung von Ferling est en place entre Lapoutroie et Fréland. Le 5, le b. L.I.R. 3 et le II./L.I.R. 12 s’établissent vers le Grand Faudé. Le I./L.I.R. 12 prend pied sur les pentes sud est de la Tête des Faux et repousse dans la soirée une contre-attaque des chasseurs alpins du 28e, déclenchée depuis la forêt des Immerlins. Le même jour le b. L.I.R.1, appuyé par plusieurs unités de l’Abteilung von Ferling, entre sans combats dans le village du Bonhomme. Des tirs d’artillerie sont dirigés sur le sommet de la Tête des Faux. Le 6 septembre, les b. L.I.R. 1 et 12 renforcés par des unités d’artillerie (b. Ldst.Batt. 1 et 1/2. L.Fssa.B. 20), de cavalerie (b. L.Esk. 1) et de pionniers (b. Ldst.Pi.K. 1) reçoivent pour mission de s’emparer avec les troupes de l’Abteilung von Ferling, du col du Bonhomme. Le 1/2 Lfssa.B. 20 prend position, entre Lapoutroie et le Bonhomme, vers l’auberge du Coq Hardi. La b. Ldst.Batt.1 accompagnée du b. Ldst.Pi.K. 1 grimpent sur le petit promontoire rocheux surplombant au nord le village du Bonhomme.
Ils sont rapidement rejoints par un détachement du 1. E./Fda.R. 13. Des tirs précis de l’artillerie française désorganisent la progression allemande.
Pour enlever le col du Bonhomme, l’état-major allemand souhaite d’abord s’emparer de deux sommets qui contrôlent le col : le Rossberg et la Tête des Faux.
Le 7, un groupement spécial, formé des 28e et 30e B.C.A et dirigé par le lieutenant-colonel Brissaud, est affecté à la défense du col du Bonhomme.
Il prend le nom de « groupe du Bonhomme ». Le même jour l’artillerie allemande tire sur le Rossberg. Vers midi des éléments du R.J.R. 60, du L.I.R. 1 et 12 partent à l’assaut du sommet mais se voient rapidement stoppés. De leur côté les unités chargées de prendre la Tête des Faux (I et II./L.I.R. 12 ; II./L.I.R. 1 ; et un détachement du b. Ldst.Pi.K. 1) se sont regroupées dès le matin vers les Mérelles. Le II./L.I.R. 3 qui occupait le Grand-Faudé, monte à l’Étang du Devin et avance jusqu’à la Roche du Corbeau. Des batteries lourdes (1/2. L.Fssa.B. 20 et 4./R.Fssa.R. 14) installées au Calblin et au Coq Hardi pilonnent le sommet de la Tête des Faux. Le b. Ldst.Batt. 2 et le b. Ldst.PI.K. 2 sont en attente à l’est de Tannach.
A cette date le secteur de la Tête des Faux est tenu par un petit détachement qui stationne au lac Blanc. Placé sous les ordres du capitaine Regnault (28e B.C.A.) il est composé d’une Cie du 28e B.C.A., de la section de mitrailleuses du même bataillon, et de trois Cies du 256e R.I. Dans l’après-midi, le I./L.I.R. 12 s’installe à la Roche du Corbeau. Une compagnie du b. L.I.R. 1, vraisemblablement la 1re, monte jusqu’au sommet de la Tête des Faux d’où les Alpins se sont retirés. Dès lors, le front se situe sur une ligne : col de Sainte-Marie-Le Bonhomme-Tête des Faux-Orbey-Grand Honack Les troupes bavaroises installent un observatoire au sommet de la Tête des Faux, leur permettant de guider avec précision les tirs d’artillerie. Le 8, les batteries allemandes bombardent ainsi violemment le Rossberg et le col du Bonhomme.
Le général Bataille voulant se rendre compte sur place de la situation est tué par une salve d’artillerie à la ferme-auberge du col du Bonhomme avec six de ses officiers. Une stèle commémorative, actuellement encore en place, est inaugurée en 1915. Le lieutenant-colonel Gratier, blessé, est remplacé à la tête du groupe alpin par le lieutenant-colonel Brissaud.
Le 10, le general major Eichhorn donne l’ordre aux 1re et 2e b. gem. L.Br. de tenir le secteur allant des hauteurs nord du Bonhomme au Grand-Honack. Sur ce front de plus de 15 km la mission des deux Brigades, après une série d’attaques difficiles, devient défensive. Un important travail de fortification débute malgré des conditions climatiques éprouvantes (froid, vent, pluie). On signale quelques tirs sur la Roche du Corbeau. Le 11 septembre le 9e Hussard, avant-garde du 14e C.A. entre dans la Croix-aux-Mines, St-Dié et avance jusqu’à Provenchère. Le 14eme corps de réserve allemand s’est en effet replié sur Robache, Ban de Sapt et Saales. Le même jour, le lieutenant-colonel Brissaud-Desmaillet apprenant cette retraite allemande, envoie des patrouilles de reconnaissance vers les Bagenelles, le Pré-de-Raves et Le Bonhomme. Le capitaine Regnault avec une Cie du 28e B.C.A., une Cie du 12e chasseurs, une section de mitrailleuses et une section d’artillerie de montagne est chargé de progresser vers la Tête des Faux et la côte de Grimaude. Ce détachement progresse jusqu’aux fermes du Surcenord, sur les pentes sud de la côte de Grimaude et fait face au II./L.I.R. 1 en faction à la Roche du Corbeau. Les Allemands occupent tous les objectifs désignés.
Le 12, ces reconnaissances se muent en attaques mais seul le Pré-de-Raves parvient à être pris avec le soutient de la 41e D.I. qui occupe le Grand-Rein.
Le détachement Regnault subissant des tirs violents de l’artillerie lourde allemande (notamment depuis le Calblin) est obligé de se replier sur ses positions du lac Blanc. Une nouvelle tentative sur la Tête des Faux, infructueuse, est effectuée le 14. Il s’agit de la dernière offensive importante avant celle du 2 décembre. L’état-major français décide de prendre progressivement du terrain dans ce secteur pour contraindre les Allemands à reculer sur leur ligne principale d’où ils seraient ensuite délogés par une puissante offensive. Le 14, la b.Ldst.Batt. 1 en position au nord est de l’Étang du Devin, tire vers le Rossberg alors que la 2./L.Fssa.B. 20 vise le col du Bonhomme depuis le Coq Hardi.
Le 16 septembre, la Tête des Faux et la côte de Grimaude sont prises sous un feu nourri de l’artillerie française installée à la Tête des Immerlins. Un tir détruit la totalité du poste de commandement d’un bataillon bavarois.
Du côté français, le 215e R.I. et les 12e, 30e et 52e B.C.A. renforcent leurs positions. Les Allemands déplorent de nombreux cas de typhus qui dégénèrent en épidémie, ce qui ne les empêche pas d’intensifier leurs actions de patrouilles ni d’aménager le sommet. Le 31 octobre le général en chef Joffre envoie au général Dubail une note concernant une offensive devant avoir lieu mi-novembre. L’objectif de l’opération est la conquête de terrain face à Colmar et Sélestat afin de permettre le débouché de forces devant attaquer à partir de Belfort.
Le plan d’attaque sera finalement limité à la prise des hauteurs qui commandent les débouchés des cols du Bonhomme et de Louschbach : c’est à dire la Tête des Faux et la côte de Grimaude.
L’opération des 2 et 3 décembre 1914Le 2 décembre l’instruction N°55 du général de division Guerrier prescrit à la 132e Brigade du général Sarrade (66e D.I. / 34e corps) d’occuper la Tête des Faux et la côte de Grimaude. La 132e Brigade, dont le recrutement provient essentiellement des régions d’Albi, de Perpignan et de Castelnaudary, est alors divisée en deux groupements : celui de Laveline et celui de Plainfaing. Le premier, dirigé par le lieutenant-colonel Salavagnac, comprend le 253e R.I., le 13e B.C.A. et une batterie de montagne. Le second mené par le lieutenant-colonel Brissaud-Desmaillet compte les 28e et 30e B.C.A., le 215e R.I. et quatre batteries alpines. Le 343e R.I. constitue la réserve générale. C’est le groupement de Plainfaing qui est chargé de prendre la Tête des Faux.
La Tête des Faux est occupée par le b. L.I.R. 3 de l’oberst a. D. Hans Jordan . Ce régiment bavarois, constitué à Augsburg et Lindau, appartient avec le b. L.I.R. 12, mobilisé à Ulm, (oberstleutnant. Frhr. v. Boutteville) à la 2e gemischte Landwehr-Brigade du generalleutnant v. Lachemair. Cette brigade dépend de la 6e bay. Landwehr Division du generalmajor Sontag.
Le 2 Décembre, au 215 R.I., quatre groupes de combat sont constitués ; Cdt Duchesne, Cpt Boquel, Cdt Bareilles et Cpt Argence. A 2 heures du matin, dans un brouillard glacial, le groupe Regnault quitte Plainfaing et monte, par des sentiers rocailleux, en direction des Hautes Chaumes. Au lever du jour il fait une pose près de la ferme du Reichberg. La Tête des Faux est alors plongée dans un épais brouillard.
A 8h le groupe Bareilles se porte dans la direction d’Orbey. Le contact avec les avants-postes ennemis est rapidement pris et ne donne lieu qu’à de simples engagements de patrouilles, très facilement celles du 215e atteignent leurs objectifs.
A 10h30, le groupe Duchesne qui est parti de la cote 1118 du bois des Immerlins, part à l’assaut de la Petite Tête des Faux. Rapidement il prend pied sur ce sommet, puis progresse sur les pentes sud de la côte de Grimaude en direction du nord-est, mais il est arrêté et obligé de se déployer. Le commandant Duchesne blessé conserve son commandement. Dès 10h30 le groupe Regnault a entamé, à couvert sous les bois, une marche d’approche vers le nord en longeant les pentes ouest du massif. A 11h30 il dépasse les pentes nord et fait face à l’est pour se porter sur son objectif. Renforcée par la section de mitrailleuses du 28e, la compagnie Touchon (la 6e) poursuit sa marche vers le nord. L’artillerie française au Rossberg et au Pré des Raves est en alerte. Vers 11 heures, quelques coups de 65 de montagne écorchant à peine les rochers du sommet, alertent la garnison allemande.
Les autres compagnies du groupe Regnault, précédées de sapeurs du génie, montent en direction de la Tête des Faux. Les branches des sapins et d’épais réseaux de fils de fer installés entre les arbres, entravent la progression qui se fait à la serpe et à la cisaille. L’ennemi abrité derrière de gros rochers abat à coup sûr les cisailleurs, mais les Alpins finissent par passer. Sous un feu violent d’infanterie et de mitrailleuses, partant à la fois du sommet et de la Verse, les Chasseurs avancent en se faufilant derrière les rochers et en rampant dans les futaies. Les lieutenants Escodeca et de Pouydraguin sont blessés. Un engagement à la baïonnette contraint l’ennemi à se retirer du sommet. Les Chasseurs poursuivent les Bavarois vers l’est sur 150 m mais se heurtent à une forte organisation défensive à contre-pente, solidement occupée et protégée par une réseau de barbelés très profond. Les Alpins arrêtent leur assaut, déroulent des barbelés, et tentent de creuser des tranchées pour se protéger. Ils repoussent à la baïonnette plusieurs contre-attaques bavaroises. Pour faire diversion le 52e B.C.A. occupe la hauteur 660 et le versant est du Noirmont.
La prise de la Tête des Faux, un mois après celle du Violu, assure aux Français la maîtrise finale des promontoires qui pouvaient menacer directement la région de St-Dié.
L’attaque de Noël
L’état-major allemand ne peut resté sur un échec. La Tête des Faux se voie classée à la brigade comme « secteur spécial » et un « Kommandeur » est nommé, le generalmajor v. Dinkelacker, commandant les réserves principales de l’armée.
Le 19 décembre, le 14e bataillon de chasseurs du Mecklembourg (M.J.B. 14) arrive à Colmar. C’est cette unité, venant de l’extérieur (ne faisant pas partie de la 2e Brigade de Landwehr) et spécialisée dans les opérations de montagne qui est chargée de reprendre le sommet de la Tête des Faux.
Le bataillon est en position le 22 décembre. La veille de Noël, à 22 h 30, la compagnie cycliste du M.J.B. 14 (Radfahrer Kompagnie), sous les ordres du capitaine Von Chappuis, lance l’offensive. Une neige profonde dissimule des boyaux de barbelés qui freinent la progression de l’unité. Les pionniers tentent de percer le réseau français mais le brouillard se lève.
Les Français sont alertés et un feu nourri s’abat sur les soldats allemands.
Les hommes restés debout se frayent un passage à travers les congères de neige et se jettent sur une coupole fortifiée française. Le capitaine Von Chappuis s’effondre, grièvement blessé, tandis que tous les officiers et sous-officiers tombent les uns après les autres… Les survivants, essentiellement des jeunes volontaires, dépassent la première ligne française et s’égarent dans un terrain inconnu inextricable. Accueillis par des grenades et des bombes à ailettes, ils tombent les uns après les autres. La 2e compagnie et la section de la lre qui suivaient, tentent de se maintenir face à des fortins âprement défendus par les Français. Une cinquantaine d’Alpins sont littéralement ensevelis sous les corps des Jäger abattus à bout portant. La 4e compagnie, sur l’aile droite, reste bloquée en lisière de forêt et connaît des pertes sérieuses. Les hommes de cette compagnie couchés sur un terrain découvert dans un vent glacial et une température de -18 C° commencent à geler. Durant ce temps, les éléments avancés vers le sommet subissent un feu issu de l’avant, de flanc et de l’arrière. Des tirs, provenant sur la droite d’une coupole repérée trop tardivement et sur la gauche d’un éperon rocheux situé à mipente, occasionnent des pertes considérables parmi les Jäger. L’arrivée des renforts est arrêtée par un tir de barrage venu du Felseneck. Le boyau qui devait relier les positions conquises au bastion n’a pas pu être terminé à cause du gel. Les Jäger pris dans les lignes ennemies commencent à manquer de munitions et de ravitaillement. Ils se voient acculés à l’anéantissement. A 5 h 30, le général Dinkelacker donne l’ordre au bataillon de se replier sur ses anciennes positions et d’évacuer les blessés.
Le 14e Jäger, totalement épuisé, regagne ses abris.
Il est relevé en premières lignes par un bataillon du L.I.R. 121.
Évolution du secteurDes deux côtés, les premiers mois de l’année 1915 sont marqués par des transformations organisationnelles. Le 30e B.C.A. intègre, au sein de la 3e Brigade du colonel Brissaud-Desmaillet (14e, 52e, 62e B.C.A., et 229e R.I.), la 47e D.I. qui est créée le 16 janvier 1915 et placée sous le commandement du général Blazer. Cette nouvelle division regroupe de nombreux B.C.A. récemment arrivés sur le front des Vosges. Les compagnies du 30e sont disséminées entre les cols du Bonhomme et du Wettstein. En mars, le Q.G. de la 6e b. L.D. est installé à Kientzheim et le generalmajor Sontag est remplacé, à la tête de la division, par le general d. Kav. Ritter von Schmidt. Le III./L.I.R. 3 défile à Kaysersberg devant le roi de Bavière, Ludwig III. Auprès de l’état-major allemand, la Tête des Faux est désignée secteur (Abschnitt) 22, 22a pour les pentes nord et 22b pour les pentes sud. Chez les Français la Tête des Faux constitue l’extrémité nord du secteur des Lacs qui s’étend sur près de 5 kilomètres jusqu’aux Basses-Huttes.
Les actions militaires se poursuivent. Début février 1915, le général Putz, en accord avec le général Blazer, décide, lors d’une rencontre à Plainfaing au Q.G. de la 3e Brigade de chasseurs, d’une nouvelle attaque sur la côte de Grimaude. Mais d’importantes chutes de neige ajournent l’opération qui n’aura finalement pas lieu. A l’inverse, ce sont les Bavarois qui tentent, sans y parvenir, de reprendre le sommet lors d’un ultime assaut le 21 février 1915. Dans les mois suivants, les efforts allemands se portent avec insuccès sur d’autres points de la Tête des Faux, plus bas et plus au sud.
En avril, des éléments du L.I.R. 12 attaquent la ligne Beu-Creux d’Argent-Jeunes Champs. En mai, des hommes du L.I.R. 3 appuyés par un Scharfschutzenkommando du 14e Jäger, essayent à plusieurs reprises de déboucher vers la Haute Roche.
Alors que les Allemands « piétinent » dans les pentes sud de la Tête des Faux, on peut considérer que, dès le mois de mars 1915, les combats les plus importants se sont détournés vers le Hartmannswillerkopf, la Haute-Fecht et le Linge. Certaines unités de la 2e b. gem. L.Br. sont d’ailleurs envoyées, ponctuellement, en soutien dans les secteurs sensibles. Ainsi en mars, le III./L.I.R. 3 participe, au sein de la 8e b. Res. Div., à la bataille du Reichsackerkopf. Fin juillet-début août, il est en engagé au Linge. En juin, le IIe Bat. du même régiment retrouve le 14e Jäger au Hilsenfirst.
Les attaques massives d’infanterie laissent place aux coups de mains, aux escarmouches entre patrouilles, aux duels d’artillerie et de grenades.
Même si la Tête des Faux est peu meurtrière et que les état-majors y ont opté pour une « défense active »,elle demeure durant tout le conflit un point de friction.
Manifestement, sur cette montagne vosgienne le front va durer. Ainsi des deux côtés, mais de façon beaucoup plus active chez les Allemands, on s’attache à poursuivre les travaux d’aménagement et à renforcer ses défenses. Le phénomène de « bunckérisation » s’amplifie et une guerre de siège se met en place. Il devient de plus en plus difficile, voir impossible, d’entreprendre une grande offensive frontale dans un terrain rocheux et escarpé qui, dès le départ, ne s’y prête pas. Ainsi on se contente de la prise de quelques tranchées ou d’un poste d’écoute, généralement perdus par la suite. Les troupes s’enterrent, se fixent et s’observent. On guette une faiblesse ou une défaillance adverse. L’arrivée à la Tête des Faux, en septembre 1915, de télégraphistes allemands spécialisés dans les appareils d’écoute, est révélatrice. On espionne, en surface ou de façon souterraine, les conversations, les bruits, les travaux d’en face.
L’artillerie joue, elle aussi, un rôle croissant et la canonnade devient une habitude, presque un rituel. Les activités de patrouilles dans le no man’s land, essentiellement nocturnes, restent intenses. Elles se poursuivront jusqu’à la fin du conflit.
Il faut souligner que, jusqu’à l’armistice, les actions qui animent le secteur sont davantage à l’initiative des troupes allemandes. Les exemples, relatés dans les historiques des unités, sont assez nombreux. On peut supposer que les Bavarois ont une bonne connaissance du terrain et de ses pièges, qui provient de leur installation durable sur le massif. En effet, ce sont essentiellement les b. L.I.R. 3 et 12 qui vont tenir le front de la Tête des Faux jusqu’à la fin de la guerre. Leurs bataillons se relayeront toutes les six semaines alors que les autres unités, à l’instar durant huit jours début 1915, de deux bataillons du b. Res. Rgts. Nr 22 (8e b. Res.Div., Frh von Stein), ne feront que passer.
De janvier à juillet 1915, le 14e B.C.A. est en position à la Tête des Faux.
Durant l’été, au sein de la 3e brigade, il renforce l’offensive de la 129e D.I. sur le Linge-Barrenkopf. A ses côtés, le 30e B.C.A s’illustre dans l’attaque des carrières du Schratz, retrouvant face à lui le IIIe bataillon du b.L.I.R.3 et le M.J.B.14. En novembre, le 30e retourne à la Tête des Faux où l’on assiste, jusqu’en 1918, à un roulement important des unités : Territoriaux (37e, 43e, 48e, 59e, 79e, 80e R.I.T.) ; Régiments d’infanterie (229e, 297e, 355e R.I.) ; Bataillons alpins (11e, 22e, 23e, 52e, 53e, 54e, 62e, 63e), séjournent et se succèdent dans le secteur. Souvent ces troupes arrivent après des engagements difficiles sur d’autres fronts vosgiens.
Les positions allemandesDe nombreux endroits du massif sont aménagés mais le versant est du sommet de la Tête des Faux concentre, sur une dénivellation d’environ 300 mètres, un nombre impressionnant d’ouvrages. Le secteur allemand est de loin le plus intéressant, notamment en ce qui concerne les techniques de construction employées et l’importance des vestiges encore visibles.
Les positions allemandes forment une forteresse défensive accrochée à la contre-pente et réalisée sur 4 ans. Dès la mi-septembre 1914 dans le froid, le vent et la pluie des abris sont construits. A partir du 2 décembre un chantier de construction presque permanent se met en place. Il s’intensifie avec la fin des combats de l’automne-hiver 1914-1915, et la mise en service du téléphérique à partir d’avril 1915. Les troupes bavaroises n’occupent plus qu’une infime partie du plateau sommitale de la Tête des Faux. Des travaux titanesques sont entrepris pour permettre aux Jägers de tenir leurs positions face aux Français. Le rôle de ces fortifications est d’assurer la sauvegarde des soldats pour diminuer les pertes et suppléer ainsi la faiblesse des effectifs, et de réduire la fatigue des troupes en leur donnant un maximum d’aise compatible avec la vie dans les tranchées. Cet effort de construction et de renforcement des défenses concerne, plus largement, l’ensemble du front des Vosges. Il a pour objectif d’économiser le « Menschenmaterial », car le besoin d’hommes, surtout d’hommes jeunes, est urgent sur d’autres fronts. La « forteresse » de la Tête des Faux s’impose rapidement comme l’un des verrous majeurs du dispositif de défense du Centre-Alsace. Perdre le massif, c’est être menacé dans l’ensemble de la vallée de Kaysersberg.
C’est risquer une manoeuvre française de débordement sur le Linge ou sur Ste-Marie-aux-Mines. La construction d’ouvrages nombreux et variés, parfois très complexes comme le Bastion ou les grands abris souterrains, est entreprise dans des conditions difficiles pour « bloquer » ce secteur du front et éventuellement reprendre le sommet. Des unités du génie, comme le 26e bataillon de pionniers bavarois, participent à ces travaux.
Le perfectionnement du complexe de la Tête des Faux, véritable muraille de roche et de béton, était et demeure tout à fait remarquable. La visite, à l’automne 1915, du generalinspekteur der Pionier Erz. von Claer du A.D.K. n’est donc pas surprenante. Vu l’importance tactique de la Tête des Faux, le commandement allemand décide de construire une liaison téléphérique Lapoutroie-Bastion servant au transport des soldats, du ravitaillement et du matériel. Le 8 avril 1915 le tracé est décidé.
Le chantier est réalisé en trois étapes correspondant aux trois tronçons de la ligne.
Le premier tronçon est réalisé en un temps record du 18 au 28 avril 1915 par deux unités spécialisées : la Festungseisenbahnbaukompagnie Nr. 7 de l’oberleutnant Poltz et l’Armierungskompagnie Stockach. Il part de la place du marché de Lapoutroie pour arriver à la cote 1000. Une gare de départ, bétonnée est construite devant l’église du village. Elle sera détruite après la guerre. Il s’agissait d’un téléphérique à traction électrique en courant continu. Les rares photos d’époque nous montrent des pylônes en bois, numérotés, avec une armature métallique. Le transport s’effectuait dans des nacelles individuelles et des bennes pour le matériel. Cette réalisation est assez comparable à celle de l’Eberhardtbahn, téléphérique construit lui aussi en 1915, qui partaient du Petit-Rombach pour aboutir à la Chaume de Lusse.
Le second tronçon, un mini-téléphérique partant depuis la cote 1000 d’une gare de transfert, rejoignait la gare du Corbeau. Cette station intermédiaire, où s’effectuait un triage, se situe au dessus des Mérelles sur le chemin allant de l’Étang du Devin au Surcenord. Les rampes de chargement et la salle des machines sont encore visibles. C’est par ce second tronçon, doublé d’une voie serpentine, que transitait la majeure partie du ravitaillement et des matériaux, comme le ciment, destinés aux premières lignes du Rabenbühl et du triangle défensif. Le matériel restant, avant d’être stocké, était transporté sur une voie étroite à wagonnets qui longeait les arrières. Cette petite ligne transversale de type 3 (Bauart 3), c’est à dire montée avec des rails légers et sans traverse, était semblable à l’Eugenbahn qui suivait les positions allemandes du Violu.
Le troisième et dernier tronçon reliait la gare du Corbeau à une petite gare d’arrivée « Endstation Buchenkopf », qui se trouve à une centaine de mètres en contrebas du sommet et dont la grande roue métallique, tirant les wagonnets, est toujours en place. Pour ce dernier tronçon l’installation d’un funiculaire souterrain (Rollbahn), toujours à traction électrique, apparaissait indispensable. En effet, le collet séparant la gare du Corbeau des positions du triangle les plus proches était visible par les Français depuis le sommet et même, après la disparition de tous les arbres, depuis le Rossberg. Un tunnel ferroviaire souterrain (Rollbahntunnel) de près de 500 mètres de long a donc été construit. Il s’agissait plus précisément d’une profonde tranchée bétonnée, couverte de rails, de tôles, de bois et de terre. La voie, de type 1 (Bauart 1), était constituée d’éléments en rails de 5 mètres avec des traverses métalliques soudées. En parallèle, il existait une galerie piétonnière (Fussgängertunnel), une « coursive » qui devait permettre des déplacements rapides et discrets entre le Rabenbühl et la forteresse. Cette dernière ligne est entrée en fonction le 28 décembre 1915. Elle a permis de « perfusionner » les positions du triangle défensif et d’assurer ainsi le maintien définitif des troupes allemandes en contre-bas du sommet.
La présence de multiples voies de communications vers les arrières est une des caractéristiques essentielles du système défensif allemand. L’Étang du Devin servait, comme souvent dans les endroits proches des premières lignes mais relativement protégés, de base logistique rapprochée comprenant notamment : une forge et une unité de production de courant électrique ; un hôpital et un poste de commandement souterrains ; une station de pompage qui captait plusieurs sources situées au fond de l’étang et permettait d’approvisionner en eau l’ensemble des positions du triangle défensif ; tous les ateliers nécessaires à l’entretien des troupes et du matériel ; un abri réservé au matériel d’écoute ; une cuisine ; des dépôts de tous genres ; deux cimetières ; un terrain d’exercice.
Les positions françaisesDes travaux sont effectués dès l’automne 1914, mais les ouvrages sont difficiles à creuser en raison de la dureté du sol rocheux. En hiver, le gel rend la tâche encore plus ardue. Une bonne partie du couvert est donc réalisé en relief, avec des boucliers Azibert et des sacs de terre. Le plateau sommital (courbes de niveau au dessus de 1200 m) est, depuis le 2 décembre 1914, presque entièrement aux mains des 28e et 30e B.C.A.
Les troupes françaises dominent les positions allemandes. Suivant un doctrine offensive adoptée par l’état-major, l’occupation de la Tête des Faux ne peut être que provisoire. Il s’agit donc, assez paradoxalement, d’établir un complexe défensif à la fois solide mais temporaire pour ne pas fixer définitivement le front. Il faut utiliser le moins de matériel possible tout en protégeant les hommes de manière efficace.
Durant les premiers mois de 1915, dans le froid et la neige, les Alpins du 14e creusent des tranchées, construisent des abris et établissent des défenses accessoires. A partir du printemps, incontestablement la priorité est donnée à d’autres secteurs et le front de la Tête des Faux devient par la force des choses défensif. Les Français s’emploient donc à poursuivre les travaux de consolidation et de fortification. L’historique du 23e B.C.A. nous apprend qu’en novembre, après plus d’un mois d’efforts, les positions jusque là inachevées sont organisées. L’objectif est d’économiser des forces sur cette ligne pour les engager, ailleurs (au Hartmannswillerkopf par exemple), dans des actions offensives.
Les positions françaises de la Tête des Faux sont, par rapport à d’autres secteurs, d’assez bonne qualité et relativement confortables (le chauffage était disponible dans la plupart des abris). Mais leur « légèreté » en comparaison du dispositif allemand explique leur érosion rapide.
L’essentiel des vestiges se limite à des amas de pierres et des entonnoirs dont dépassent parfois quelques barbelés, une tôle ondulée ou un rail.
Des recommandations techniques et théoriques sur la construction et l’organisation des fortifications de campagne existent. Mais l’inventivité et l’adaptabilité aux contraintes et aux ressources du lieu demeurent essentielles. Globalement sur l’ensemble du plateau sommital le système défensif forme un centre de résistance qui regroupe différents points d’appui, eux même composés de plusieurs segments actifs. Ce type d’organisation est courant et appliqué sur de nombreux champs de bataille.
Il est difficile, concernant la Tête des Faux, de parler d’un plan d’ensemble étudié et minutieux. Les maîtres mots demeurent l’adaptation et l’improvisation. Au final, le tout fonctionne relativement bien avec une économie de moyen importante en comparaison du dispositif allemand.
L’objectif premier étant de se maintenir au sommet, la priorité est donnée aux positions avancées et notamment à la ligne de soutien. Les arrières ne se définissent que par l’appui qu’ils apportent aux troupes faisant directement face à l’ennemi. On privilégie le mouvement et la discrétion.
Le tracé des défenses, complexe, labyrinthique, doit « brouiller » le regard des observateurs allemands et créer une véritable souricière difficilement prenable. Pour les Français, la liaison avec les arrières est, dès le départ, une nécessité pour éviter l’isolement que le terrain leur impose. La premier véritable village, Plainfaing, est en effet à plus de 10 km par des chemins forestiers du sommet.
Dans un secteur montagneux comme la Tête des Faux, les Alpins utilisent en priorité leurs équipages muletiers, particulièrement adapté au terrain.
Ils disposent d’un nombre de bêtes bien plus important que les Allemands, provenant des réquisitions dans les fermes de Maurienne ou de Chartreuse.
Les bases arrières françaises, nombreuses et de tailles variées, se situaient aux alentours des Hautes-Chaumes. Des baraques étaient construites au Louschbach et à côté de la ferme du Reichsberg. La base la plus importante, au Lac Noire, accueillait trois camps pour 2400 hommes et le P.C. de la 47e D.I. Une route d’assez bonne qualité reliait le Lac Noir au calvaire du Lac Blanc où se trouvait le principal centre logistique de la Tête des Faux.
Celui-ci comportait, entre autres, une importante réserve de matériel, de munitions et de vivres, des écuries pour mulets, et un cantonnement prévu pour 600 hommes. Le rôle logistique du Calvaire s’est imposé dès la stabilisation du front.
Fin novembre, en préparation de l’opération du 2 décembre, l’approvisionnement des troupes en vivres et en matériel (cisailles, boucliers, pétards, sacs de terre, boucliers Azibert, rondins, fil de fer…) y est acheminé et stocké. L’hôtel Freppel, à proximité du lac, était occupé par les militaires. A partir du Calvaire des chemins aménagés, empruntés par les colonnes de ravitaillement, passaient par le camp de Tinfronce qui abritait 800 hommes, et aboutissaient à la base arrière rapprochée de la Tête des Faux : le Carrefour Duchesne Celui-ci regroupait notamment : un cimetière ; un P.C. ; des dépôts ; un lavoir ; un poste téléphonique.
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