Des enfants-soldats allemands appartenant à la Waffen-SS sont faits prisonniers à Schillersdorf.
L’opération « Nordwind » vue par un général allemand
Dr. Karl Schnell, général en retraite (1992).
Hatten, janvier 1945, la dernière grande bataille de chars :Comme nous avons pu voir à la télévision, la ville Croate de Vukovar, qui avait subit 3 mois de combats, n’était plus que ruines. Involontairement, cela me fait penser aux 2 villages alsaciens, Hatten et Rittershoffen, qui ne sont qu’à 20 Km de Baden-Baden.
Un grand nombre d’entre nous, passe par ces 2 villages, sans savoir qu’avait lieu à cet endroit même, pendant 4 semaines, la dernière grande bataille de chars sur le front de l’Ouest en janvier 1945. Comme à Vukovar, les habitants essayèrent de survivre à cet enfer, en se réfugiant dans leur cave.
Lorsque les combats entre Allemands et Américains prirent fin, et que les civils purent à nouveau contempler le ciel glacial de janvier, 114 d’entre eux étaient morts, des centaines blessés et leurs maisons détruites, inhabitables.
La population de ces villages de la Ligne Maginot avait subit de rudes épreuves.
Dès le début de la guerre, le 1er septembre 1939, on leur apprend que toute la population doit être évacuée le lendemain.
Avec très peu de bagages, 30 Kg tout au plus, ils marchèrent 75 km avec chevaux et charrettes à boeufs en direction de Saverne, jusqu’à Marmoutier.
De là, ils poursuivirent leur route en train dans des wagons à bestiaux jusque dans le département de la Haute Vienne. L’accueil ne fut pas très chaleureux, car la préfecture de Limoges attendait 2 000 réfugiés de “ Athènes » en Grèce et non de Hatten qui se prononçait comme Athènes.
Après la défaite française en juin 1940, le gouvernement se laissa tout le temps pour organiser le retour des réfugiés, qui n’eut lieu qu’en septembre 1940. On peut se douter de l’état des maisons abandonnées pendant un an. Il n’y avait pas que les soldats français de la Ligne Maginot ou leurs successeurs, mais aussi les soldats allemands qui pillèrent les maisons, ainsi que les civils des villages voisins épargnés par l’évacuation.
La prochaine épreuve eut lieu en mai 1942, alors que les jeunes Alsaciens furent recrutés pour le service militaire allemand. 61 Hattenois tombèrent en Russie et en Italie.
Lorsque le front américain se rapprocha de Hatten et de Rittershoffen en novembre 1944, la population fut à nouveau appelée à quitter les lieux et à se réfugier à Oberseebach et Schleithal, près de Wissembourg.
Bien que toutes les bêtes durent être remises à Iffezheim, les habitants refusèrent de quitter les lieux et restèrent chez eux, ayant déjà subi les mauvaises expériences d’une évacuation en 1939.
Une fois de plus, un malheur arriva. Le 4 décembre 1944, tous les hommes valides, jusqu’à 55 ans, furent recrutés dans l’armée allemande. (Volkssturm)
Seulement 9 jours plus tard, le 13 décembre, les premières troupes américaines passèrent par Hatten en direction de la frontière palatine. La population fut soulagée et crut que la guerre était une fois pour toute finie pour elle.
Mais des jours plus sombres arrivèrent, et la contre-offensive allemande « Nordwind » débuta dès la nuit de la Saint Sylvestre 1944/45.
Expliquons brièvement pourquoi ce qui allait être la dernière grande bataille de chars sur le front ouest-allemand eut lieu.
Pendant qu’une partie des armées alliées avance en France sur l’aile droite de l’axe d’attaque, la 7ème armée US dépasse les Vosges.
A gauche, vers Metz jusqu’au » Westwall » près de Saarbrücken.
Au centre, en traversant la Ligne Maginot et jusqu’à Wissembourg,
A droite jusqu’à Haguenau, Strasbourg ayant été conquise entre-temps.
L’attaque de la 7ème armée américaine dut être stoppée et une partie des troupes dut se rendre à Bastogne, une ville des Ardennes belges, menacée par l’offensive allemande dite des Ardennes (à partir du 16-12-44)
L’offensive des Ardennes, débutée le 16 décembre 1944 sous la direction du Generalfeldmarchall von Rundstedt, amena les troupes allemandes jusqu’à la Meuse, au sud de Sedan, mais échoua devant la supériorité aérienne des alliés favorisée, le 24 décembre, par le retour de bonnes conditions météorologiques et à la suite d’un manque de carburant pour les chars allemands
L’attaque de 17 divisions allemandes causa une brèche de 96 km de large et plus de 100 km de profondeur dans le front américain, mais suite aux motifs vus précédemment, l’offensive dût être stoppée le 28 décembre 1944.
Hitler, ne voulant accepter cette défaite, ordonna une attaque de diversion afin d’éliminer la menace sur le flanc sud de son groupe d’armée » B » qui restait encore dans les Ardennes.
Cette action débuta la nuit du 1er janvier 1945, sous le nom de « Nordwind »
Les buts de l’opération de l’ OKW (Haut Commandement de la Wehrmacht) étaient:
la réappropriation de la basse Alsace,
la reprise de Strasbourg, qui pouvait avoir un fort impact psychologique,
la coupure de la 7ème Armée active du côté est des Vosges,
et, comme déjà mentionné, l’allégement du flanc sud des groupes de l’armée » B » dans les Ardennes.
Plan d’attaque de la 1ère armée allemande :
Avance de l’aile droite du dispositif avec attaque de Sarreguemines en passant par la Ligne Maginot, jusqu’à Bining (12 Km ouest – sud-ouest de Bitche).
Attaque sur Bitche, par un second corps de bataille, et jusqu’à la rivière Moder.
Attaque, quelques jours plus tard, par un troisième groupement dit « Alsace », du 6ème corps américain sur un axe de progression allant de Wissembourg jusqu’à la Moder, près de Haguenau, en passant par la localité de Hatten.
Le groupement d’attaque « Alsace » était constitué du 39ème corps d’armée avec :
245ème » Volksgrenadier-Division «
25ème » Panzergrenadier-Division «
21ème » Panzer-Division «
7ème » Fallschirmjäger-Division «
A l’inverse de l’armée américaine, qui disposait de toute sa force militaire et de tout son matériel de guerre, les divisions allemandes n’avaient plus que 50% de leur effectif (une division de 15 000 hommes n’en comportait plus que 7500 ) et quelques restes de leurs chars.
Les alliés avaient la maîtrise aérienne, de sorte que tout mouvement de jour des troupes allemandes était impossible.
Le retrait imprévu des Américains :
Au moment même ou s’engagea la confrontation des deux armées, une décision stratégique du haut commandement américain allait momentanément changer le cours de la bataille.
Alors que les Allemands attaquèrent, le commandement américain décida de réorganiser le front alsacien et d’abandonner Strasbourg. Pourquoi donc cela ?
Le général Eisenhower, qui commandait les forces d’invasion depuis son PC de Versailles, était un homme très prudent. Déjà, pendant l’offensive des Allemands sur les Ardennes, il se réserva le 6ème corps américain qui intervenait dans le secteur de Haguenau, afin de pouvoir le retirer en cas de danger.
Lorsque les Allemands gagnèrent du terrain grâce à leur offensive « Nordwind » entre Sarreguemines et Bitche le premier janvier 1945, il ordonna à la 7ème armée américaine de retirer petit à petit, jusqu’au 5 janvier, le 6ème corps américain sur la crête des Vosges, et de quitter la région de Strasbourg.
A la suite de cet ordre, les généraux Eisenhower et de Gaulle, (ce dernier étant le chef du gouvernement de la France libre), se disputèrent. Strasbourg, qui venait d’être reprise aux Allemands par les troupes du général Leclerc, leur serait donc à nouveau abandonnée ? Cela aurait été un outrage pour la France, c’est pourquoi de Gaulle refusa catégoriquement. Il protesta violemment contre l’abandon de la ville. Churchill vint exprès de Paris pour négocier. Eisenhower accepta, bien qu’à contre-cœur, que Strasbourg ne fut abandonnée et il ne put se retenir pour dire à de Gaulle que leur situation serait moins grave si la première armée française, qui était alors sous le commandement du général de Lattre de Tassigny, avait éliminé la tête de pont allemande près de Colmar
De Gaulle répliqua, il défendra Strasbourg, quoi qu’il en soit, même si les forces françaises étaient amenées à opérer indépendamment des ordres d’Eisenhower.
Là-dessus, Ike (Eisenhower) rétorqua que si de Gaulle s’engageait dans cette voie, les troupes françaises n’obtiendraient plus ni munitions, ni essence, pas même un litre! Sur quoi, de Gaulle répliqua, semblerait-il, qu’il empêcherait les alliés d’utiliser les chemins de fer français et toutes les fréquences de radios.
Au final, chacun des hommes restera sur ses positions, mais dans les faits, le retrait des troupes américaines sera compensé par l’installation de la 3e division d’infanterie algérienne, sous les ordres du général Guillaume.
L’avance des Allemands et le retrait des Américains :
Sans prévenir les habitants mosellans, les troupes américaines se retirèrent vers le sud, pendant la nuit du 1er au 2 janvier. Ils rendirent les forteresses fraîchement acquises de la Ligne Maginot sans livrer la moindre bataille
Les troupes de l’aile droite de la 1ère armée allemande lancèrent l’attaque et avancèrent le premier jour, de Sarreguemines vers le sud, pour arriver le deuxième jour à Philippsbourg, à 10 Km au sud-est de Bitche.
Vu ce succès, le 4 janvier, Hitler donna l’ordre aux troupes de l’aile gauche, rassemblées dans le Palatinat, d’avancer sur Hatten et Rittershoffen, en direction de Haguenau.
L’attaque du 39e corps allemand :
4 janvier 1945 : Début de l’avance du groupement d’attaque « Alsace », de Wissembourg sur Hatten et Rittershoffen. Le 3, les Américains s’étaient dérobés et avaient évité le contact.
5 janvier : Alors que le 39e corps avance vers le sud, la 553e Volksgrenadier-Division traverse le Rhin, près de Rheinau, et s’arrête de l’autre côté du fleuve pour former une tête de pont, vers Drusenheim et Gambsheim.
7 janvier : La 25e Panzergrenadier-Division et la 245e Volkgsgrenadier-Division attaquent Stundwiller et sont ainsi à 4 kilomètres de Hatten.
8 janvier : Entre-temps, la 21e Panzer-Division s’est-elle aussi activée, et venue de Seltz, attaque Hatten, défendu par le 315e régiment d’infanterie américaine ( 79e division US) 300 soldats américains sont alors faits prisonniers par les Allemands.
Mais les Allemands ne peuvent maintenir leur présence que du côté est de Hatten, car les tirs intenses de l’artillerie américaine les empêchent d’avancer plus loin dans le village.
9 janvier : Le 1er bataillon du 315e régiment d’infanterie américain est bloqué à Hatten, en raison de l’avance de la 21e Panzer-Division.
10 janvier : Les contre-attaques des Américains se soldent par un échec.
11 janvier : Les 25e Panzergrenadier-Division et 21e Panzer-Division continuent leurs attaques sur Hatten et Rittershoffen, et occupent les deux tiers de Rittershoffen.
12 janvier : A l’appui de violents tirs d’artillerie sur ces deux villages (on pense aux pauvres civils dans les caves !), les Américains essayent de repousser les Allemands hors de Hatten et Rittershoffen.
14 janvier : Les Américains introduisent de nouvelles forces dans la bataille ; la 14e division blindée et une partie de la 79e division d’infanterie .
Le bataillon d’infanterie américain est repoussé hors de Hatten. Certaines parties de Rittershoffen sont reconquises.
16 janvier : Une partie de la 21e Panzer-Division, totalement épuisée, est remplacée par la Fallschirmjägereinheit (unité parachutiste). Ses combattants, à l’aide de lance-flammes, tentent en vain de repousser les Américains hors de Rittershoffen.
17 janvier : Sous l’épaisse neige qui tombe sans arrêt, les combats de maisons à maisons se poursuivirent dans les deux villages.
19 janvier : Les troupes allemandes avancent de Solingen vers le Rhin, jusqu’à Roeschwog et Sessenheim, mais ne peuvent soulager les Allemands à Hatten et Rittershoffen.
20 janvier : Le 6e corps américain est obligé de se retirer de Hatten et de Rittershoffen, et de retraiter sur la Moder près de Haguenau. Les difficiles affrontements et les revers subis à Hatten et Rittershoffen en sont la raison, mais aussi le danger d’un éventuel encerclement par les Allemands pouvant déboucher par la tête de pont établie plus au sud, près de Sessenheim en direction de Haguenau.
22 janvier : A la suite du retrait des Américains, ordre fut donné à la 25e Panzergrenadier-Division de les poursuivre vers Betschdorf en passant par la forêt de Haguenau, jusqu’à la rivière Moder.
24 janvier : Lors de sa marche en avant, la division réussit à former une tête de pont au-delà de la Moder.
25 janvier : A 23 heures, le téléphone du poste de commandement (Gefechtsstand) de cette Division retentit :
Bien que cet endroit de la Moder fût très bien défendu contre les attaques américaines, Hitler ordonna, à l’étonnement de tous:
de se dégager de la tête de pont
de s’éloigner de l’ennemi,
de se retirer de l’Alsace.
Quelle était la cause de l’arrêt de l’opération » Nordwind » :
L’avancement des armées soviétiques sur la ligne d’arrêt de la rivière Weichsel obligea le haut commandement de retirer, sans plus attendre, les meilleures forces du front ouest afin de les lancer sur le front est où le danger se faisait de plus en plus menaçant.
C’est ainsi que la 25e Panzergrenadier-Division recula sur Wissembourg, puis se dirigea sur Germersheim, pour embarquer à bord de trains en partance pour Kustrin an der Oder.
On peut se douter de l’état de désabusement des unités et des soldats allemands qui furent impliqués dans les combats souvent endurés dans la glace et la neige, et qui avaient fait reculer l’adversaire en direction de Strasbourg. Tous leurs efforts furent anéantis d’un seul coup.
Comme l’offensive des Ardennes, l’opération Nordwind échoua également.
Les buts de l’opération, soit la coupure de la 7e armée américaine et la reprise de Strasbourg ne furent même pas partiellement atteints.
A la fin du mois de mars, les alliés atteignirent le Rhin et le traversèrent à Remagen et à Oppenheim.
Les pertes totales de l’opération Nordwind ne sont pas réellement connues. On estime que les combats pour la possession des deux villages, Hatten et Rittershoffen, coûtèrent la vie à :
110 civils
1 500 soldats Allemands
1 500 soldats Américains.
Le nombre de blessés est d’environ 10 000. A cela s’ajoute la destruction des villages; rien qu’à Hatten sur 350 maisons, 300 n’étaient plus habitables.
Le 16 juin 1985, les maires de Hatten et de Rittershoffen inaugurèrent, à mi-chemin entre les 2 villages, un monument où apparaît un char Sherman gravé en relief. J’étais invité à cette fête.
D’autres étaient venus :
50 Américains qui appartenaient à l’époque à la 79e division d’infanterie américaine.
Le commandant de la 25ème Panzergrenadier-Division, le général Burmeister, avec 40 personnes de cette division qui s’était avancée jusqu’à la Moder.
Un cortège de militaires américains de Heidelberg.
Un cortège de militaires français, avec musiciens.
Une troupe de militaires allemands qui avait été invitée ne fit pas son apparition; malgré tous les efforts, le Bundesverteidigungs-ministerium (ministère de la Défense de la république fédérale allemande) refusa : l’armée n’a pas l’autorisation de participer à des manifestations de tradition, même si celles-ci la concernent directement. Sans commentaire.
Dr. Karl Schnell, général en retraite (1992).
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